John Irving – L’oeuvre de Dieu, la part du Diable ♥
(Roman / 1985 / The cider house rules)
Années 1920. Au fin fond du Maine, le docteur Wilbur Larch met des enfants non désirés au monde (l’œuvre de Dieu), des bébés abandonnés qu’il recueille dans son orphelinat. Il pratique aussi l’avortement (la part du Diable), contre les lois en vigueur.
Homer Wells est un de ces orphelins. Plusieurs tentatives pour le placer en famille d’adoption échouent. Il sera finalement autorisé à rester à l’orphelinat, auprès du docteur Larch, de nurse Angela et de nurse Edna qu’il considère comme sa véritable famille. Larch le prend sous sa coupe et lui apprend peu à peu le métier d’obstétricien.
Commentaire
« L’oeuvre de Dieu, la part du Diable » est un roman bouleversant, drôle, abordant des sujets sensibles (avortements, enfants non désirés, abandons) sans tomber dans le jugement ou le caricatural. Fidèle à son habitude, Irving nous offre son lot de personnages attachants et complexes. Il est difficile de reposer le livre une fois qu’on s’est plongé dans cette magnifique histoire. Irving est au sommet de sa forme. Il développe ses sujets avec maîtrise et aisance. La narration est exceptionnelle. Les idées fusent. L’humour et l’émotion sont extraordinairement bien dosés. Le lecteur passe du rire aux larmes en l’espace de quelques paragraphes. Du grand art.
Le début de résumé ci-dessus ne rend pas justice à la qualité, à l’intensité et à la richesse du récit (pourquoi la pomme sur la couverture, tout d’abord ? et puis il y aurait tant à dire sur Melony, sur Candy, sur Wally, sur Ange aussi). Un roman génial. Le meilleur de John Irving à mon sens.
Extraits
Les raisons pour lesquelles les orphelins doivent être adoptés avant l’adolescence ? C’est qu’ils ont besoin d’être aimés et d’avoir quelqu’un à aimer, avant de s’embarquer dans cette phase nécessaire de l’adolescence, à savoir : le besoin de tromper, soutenait Larch dans sa lettre. L’adolescent découvre que le mensonge est presque aussi séduisant que le sexe et beaucoup plus facile à pratiquer. (p.125)
Je ne prétends pas que c’est bien, tu comprends ? Je dis que c’est à elle de choisir – c’est un choix de femme. Elle a le droit d’avoir le choix, tu comprends ? (p.142)
Il faut que tu les aides parce que tu sais comment les aider. Demande-toi qui les aidera si tu refuses. (p.639)
– C’est dur d’avoir envie de protéger quelqu’un et d’en être incapable, fit observer Ange.
– On ne peut pas protéger les gens, petit, répondit Wally. Tout ce qu’on peut faire, c’est les aimer. (p.702)
L’auteur et son œuvre
John Irving naît le 2 mars 1942. Il grandit dans le New Hampshire. Étudiant médiocre, il excelle en lutte. En 1963, il obtient une bourse et part étudier un an à Vienne. Il publie son premier roman à l’âge de 26 ans. La consécration n’arrivera qu’avec le quatrième, « Le monde selon Garp », best-seller international, comme le sont devenus tous ses écrits par la suite.
Il a publié à ce jour 15 romans, un recueil de nouvelles, un essai et un livre pour enfants.
Certains thèmes sont récurrents dans son œuvre : la lutte, la Nouvelle-Angleterre, Vienne, les ours, les relations de couple, un parent absent (John Irving n’a pas connu son géniteur, Irving est le nom de son père adoptif).
John Irving est un conteur-né. Inventif, habile, imprévisible, addictif, il soigne autant ses personnages que ses histoires. Il écrit merveilleusement bien. Et en plus, il a beaucoup d’humour. Un grand écrivain.
Mon John Irving ++
J’ai lu 10 romans de John Irving, tous recommandables. J’ai une préférence cependant pour les suivants, autres petits chefs-d’œuvre absolument savoureux :
Une veuve de papier
(1998 / A widow for one year)
En 1958, Ted Cole, un auteur de livres pour enfants, pousse son assistant saisonnier de 16 ans dans les bras de Marion, sa femme. Il veut précipiter un divorce devenu inéluctable depuis la mort de leurs deux fils.
Dernière nuit à Twisted River
(2009 / Last night in Twisted River)
À Twisted River, les bûcherons mangent chez le Cuistot et chez son fils. Jusqu’au drame. Une très belle histoire de brutes, d’ours, de meurtres, de fuites et de femmes, indiennes, italiennes…
Le monde selon Garp
(1978 / The world according to Garp)
L’histoire déjantée de S.T. Garp, qui deviendra écrivain, et de sa mère, infirmière et féministe malgré elle, qui a choisi le sergent technicien Garp, « opérationnellement intact » malgré un cerveau endommagé, comme père de son unique enfant.
Le premier roman de John Irving que j’ai lu. Imparable.
L’Hôtel New Hampshire
(1981 / The Hotel New Hampshire)
L’histoire désopilante et grave, loufoque et émouvante, de l’excentrique famille Berry, deux parents, cinq enfants, un ours, un chien, dans trois hôtels sur deux continents.
Une prière pour Owen
(1989 / A prayer for Owen Meany)
Owen, ami du narrateur, se croit l’instrument de Dieu. Dans l’Amérique d’avant la guerre du Vietnam, à 11 ans, il en paraît 6, mais affiche une intelligence au-dessus de la moyenne. Une histoire drôle et bouleversante.
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