Jack London – Martin Eden ♥

(Roman / 1909)

Couverture du roman Martin Eden de Jack London

Martin Eden est un jeune marin issu des bas-fonds d’Oakland. Un jour, il est admis par hasard chez des bourgeois et tombe amoureux de la jeune fille de la maison, Ruth. Il a envie de la conquérir mais comprend rapidement qu’il traîne deux gros handicaps pour arriver à ses fins. D’une, Ruth et lui n’appartiennent pas à la même classe sociale. De deux, son ignorance et son manque de culture paraissent rédhibitoires pour intégrer ce monde qu’il découvre à peine et conquérir la belle. Il n’abandonne pas pour autant et commence par s’instruire. Il projette de devenir écrivain.

Commentaire

Attention chef d’œuvre !

Jack London évoque souvent de grands espaces blancs, des chiens de traîneau, la nature sauvage. Ces thématiques, notamment développées dans « L’appel de la forêt » et « Croc-Blanc », ne sont pas à l’ordre du jour dans ce roman.

« Martin Eden », en partie autobiographique, dépeint une certaine société américaine du début du 20e siècle, le gouffre séparant les classes sociales, les conditions de travail déplorables des classes ouvrières, l’ascension sociale méritée grâce à un travail acharné, la passion amoureuse, l’écriture, les éditeurs, les illusions, les désillusions, le paraître, l’étroitesse d’esprit de ceux qui pensent savoir, l’hypocrisie, la solitude. Un roman exceptionnel, d’une grande richesse au niveau des sujets abordés et d’une extrême lucidité quant à leur traitement. En plus, il est très bien écrit. Un de mes préférés, tous styles confondus.

Extraits

Ils avaient appris la vie dans les livres, et lui l’avait vécue. (p.48)

Jamais elle n’aurait deviné qu’à ces moments-là, cet homme venu d’un milieu inférieur la dépassait par la grandeur et la profondeur de ses conceptions. Comme tous les esprits limités qui ne savent reconnaître de limites que chez les autres, elle jugea que ses propres conceptions de la vie étaient vraiment très vastes, que les divergences de vues qui les séparaient l’un de l’autre marquaient les limites de l’horizon de Martin et rêva de l’aider à voir comme elle, d’agrandir son esprit à la mesure du sien. (p.99)

Autrefois, il s’imaginait naïvement que tout ce qui n’appartenait pas à la classe ouvrière, tous les gens bien mis avaient une intelligence supérieure et le goût de la beauté ; la culture et l’élégance lui semblaient devoir marcher forcément de pair et il avait commis l’erreur insigne de confondre éducation et intelligence. (p.306)

Ils ont essayé d’écrire et ils n’ont pas pu. Et voilà justement le paradoxe idiot de la chose : toutes les portes de la littérature sont gardées par des cerbères : les ratés de la littérature. Éditeurs, rédacteurs, directeurs des services littéraires des revues et librairies, tous, ou presque tous, ont voulu écrire et n’ont pas réussi. (p.318)

Ce n’est pas dans le succès d’une œuvre qu’on trouve sa joie, mais dans le fait de l’écrire. (p.341)

J’étais le même alors, le même qu’aujourd’hui. Et vous ne m’avez pas reconnu. Pourquoi me reconnaissez-vous aujourd’hui ? (p.445)

Il y eut un long grondement et il lui sembla glisser sur une interminable pente. Et, tout au fond, il sombra dans la nuit. Ça, il le sut encore : il avait sombré dans la nuit.
Et au moment même où il le sut, il cessa de le savoir. (p.478)

Ailleurs sur la toile

Direction le Québec. Mamaki sur sa chaîne Youtube Sous le ciel nous livre des mots très justes dans son analyse de « Martin Eden » :

L’auteur et son œuvre

John naît le 12 janvier 1876. Sa mère est abandonnée par son père biologique. Elle se marie quelques mois plus tard avec John London, un veuf, père de deux enfants. Le futur écrivain est appelé Jack à partir de ce moment-là, pour ne pas le confondre avec son père adoptif.

La famille s’installe à Oakland en 1886. Il fréquente la bibliothèque publique de la ville, donnant peut-être naissance à une future vocation. Il effectue des petits boulots. À partir de 1890, il devient ouvrier, puis pilleur d’huîtres. Il côtoie des voyous, découvre l’alcool et les filles.

En 1893, il s’engage sur une goélette qui l’emmènera jusqu’au Japon. À son retour, il gagne un concours de rédaction en prose et fait publier le récit d’une de ses expériences en mer dans le quotidien « San Francisco Morning Call ».

Il occupe des boulots harassants. Il subit ensuite la panique de la crise de l’emploi de cette année-là et se retrouve sans travail.

Engagement politique

En 1894, il adhère au parti socialiste. Il vit dans la misère, est emprisonné 30 jours pour vagabondage.

Jack London intègre le lycée en 1895, puis l’université en 1896. Il continue de militer pour le parti, est condamné à un mois de prison pour agitation. Il étudie intensément mais doit abandonner l’université de Berkeley par manque de moyens financiers.

En 1897, il participe à la ruée vers l’or au Klondike. Atteint du scorbut, il est rapatrié en 1898.

Ses expériences et ses voyages constitueront une riche source d’inspiration.

Il continue d’écrire et, en 1900, parvient à faire publier un premier recueil de nouvelles « Le fils du loup », un premier pas vers le succès. Il se marie la même année avec Bessie Maddern qui lui donnera deux filles.

En 1902, il vit à Londres. Son expérience anglaise lui sert pour l’écriture d’un essai : « Le peuple de l’abîme ».

Succès

Il obtient succès et célébrité en 1903, avec la publication de son roman « L’appel de la forêt ». Il enfoncera le clou en 1906 avec « Croc-Blanc ». Entretemps, il aura divorcé, couvert le conflit russo-japonais au Japon et en Corée en 1904 et se sera remarié en 1905 avec Charmian Kittredge.

Jack London construit un ranch en 1905, puis un bateau en 1907. Il embarque pour un tour du monde qui s’arrête en Australie : il est malade et doit être soigné.

Il enchaîne les romans à succès : « Le talon de fer » en 1908, son grand roman politique et la première dystopie moderne, puis « Martin Eden » en 1909 qu’il présentera lui-même comme une dénonciation de l’individualisme souvent mal comprise par le public.

Jack London meurt le 22 novembre 1916, d’une urémie, alors qu’il prend de la morphine, souffrant aussi de dysenterie et d’alcoolisme.

Il aura écrit plus d’une vingtaine de romans, des essais, plus de 200 nouvelles, des récits d’aventures, d’autres à couleur socialiste, parfois autobiographiques, certains s’apparentant même à de la science-fiction. Il aura été un des premiers écrivains américains capitalisant fortune et célébrité grâce à la littérature.

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