Min Jin Lee – Pachinko ♥

(Roman / 2017 / Pachinko)

Couverture du roman Pachinko de Min Jin Lee

Début des années 30. Dans un petit village coréen, la jeune et naïve Sunja se laisse séduire par un riche négociant vivant au Japon. Lorsqu’elle tombe enceinte, son amant lui apprend qu’il a déjà femme et enfants au pays du Soleil-Levant. Il lui propose de devenir sa deuxième épouse, sa « femme coréenne ». Elle refuse. Pour éviter le déshonneur de sa famille, elle accepte d’épouser un pasteur chrétien de santé fragile, de passage dans son village. Cette offre généreuse la contraint néanmoins à quitter son pays et à accompagner son mari au Japon.

Commentaire

« Pachinko » est un roman passionnant, à plus d’un titre.

Tout d’abord, « Pachinko » est une saga familiale qui retrace l’histoire bouleversante d’une famille coréenne sur quatre générations, famille prise dans le tourbillon de l’Histoire du 20e siècle. Les personnages sont décrits avec soin, avec leurs qualités et leurs défauts, leur courage, leur envie de se battre, leur amour pour leurs proches, leurs espoirs et leurs doutes aussi.

« Pachinko » est ensuite un témoignage historique. Il rapporte, souvent dans la douleur, les relations de l’époque entre Japonais et Coréens, les brimades et discriminations raciales subies par les seconds de la part de ceux qui colonisaient leur pays et accueillaient certains ressortissants coréens, main d’œuvre bon marché, en leur faisant bien ressentir leur non-appartenance au pays hôte. Il présente aussi les ravages de la seconde guerre mondiale et la vision des immigrés coréens de la scission en deux de leur pays d’origine.

L’auteure nous fait vivre avec beaucoup d’émotion la nostalgie du pays des Coréens établis au Japon et la difficulté de ces immigrés à trouver leur place dans ce nouveau pays ouvertement hostile à leur égard, les tentations à vaincre pour ne pas baisser les bras (sombrer dans l’alcool), ni renier des valeurs (gagner de l’argent facile en se mettant hors-la-loi).

La tentative de christianisation de la région est également abordée dans ce livre, avec les persécutions et répressions visant à décourager la propagation de cette religion venue d’ailleurs.

« Pachinko » est un roman instructif pour tous les points listés ci-dessus (personnellement j’ai découvert cette haine et cette tension entre Japonais et Coréens), mais aussi pour le Pachinko même, qui n’est pas, comme je le supposais, le prénom d’un protagoniste du livre, mais qui est en réalité un jeu d’argent, quelque part entre le flipper et la machine à sous. On en apprend tous les jours !

« Pachinko », enfin, est un roman merveilleusement bien écrit, d’une plume fluide et précise. Un roman qu’on prend plaisir à lire.

Pour finir, je classe « Pachinko » d’une part sur la même étagère que « L’art de perdre » d’Alice Zeniter, pour son aspect description historique de la difficulté de deux peuples de vivre l’un avec l’autre, l’un étant le colonisateur et l’autre le colonisé (Japon/Corée – France/Algérie), difficulté surtout rencontrée par le second, l’opprimé, celui qui subit une situation non voulue ; d’autre part à côté de Betty, Ainsi a-t-il été, Là où chantent les écrevisses, ces belles histoires de femmes courageuses qui se battent pour survivre.

À lire absolument pour les amateurs du genre.

Extraits

On disait qu’un fils gâté pouvait causer plus de tort à une famille qu’un fils mort, alors ils se gardaient bien de le choyer. (p.17)

 Hoonie avait suffisamment de bon sens pour ne pas espérer l’impossible – il avait la sagesse du paysan, acceptant sa vie telle qu’elle était, sans prétendre à ce qu’il ne lui était pas permis de désirer. (p.17)

 Les plus rusés et les plus robustes survivraient sans doute à cet hiver, mais les récits désolants se multipliaient. Les enfants allaient se coucher pour ne jamais se réveiller, les filles troquaient leur innocence contre un bol de nouilles de blé, les anciens se laissaient mourir en silence pour que les jeunes puissent manger. (p.25)

 Son père lui avait appris à ne pas juger les autres sur des critères superficiels : ce que portait ou possédait un homme ne disait rien de son cœur ou de sa morale. (p.67)

 La vie à Osaka serait difficile, mais les choses allaient s’arranger. Ils feraient un bouillon savoureux des cailloux et de l’amertume qu’on leur donnait. (p.145)

 Il n’y avait plus d’innocence que chez les nouveau-nés. (p.314)

 Ce qui l’étonnait surtout, c’était que plus il approchait de la mort, plus il la craignait. Il y avait tant de choses qu’il n’avait pas réussi à accomplir. Et plus encore qu’il n’aurait jamais dû faire. (p.347)

 Le destin d’une femme est de souffrir. (p.542)

L’auteure et son œuvre

Min Jin Lee est née à Séoul, Corée du Sud, le 11 novembre 1968. Sa famille s’est installée aux Etats-Unis en 1976. Cette auteure et journaliste américano-coréenne a fait des études d’histoire et de droit. Elle a travaillé en tant qu’avocate d’entreprise, avant de se concentrer sur l’écriture. Elle a écrit plusieurs essais, et des articles dans des journaux prestigieux comme le New York Times, le Wall Street Journal ou le Times of London.

Min Jin Lee a vécu quatre ans à Tokyo, de 2007 à 2011. Elle vit aujourd’hui à New York.

Dans le domaine de la fiction, elle a écrit à ce jour deux nouvelles et deux romans : « Free food for millionaires », en 2007, et « Pachinko ». « Free food for millionaires » n’est publié en France qu’en février 2023 sous le titre « La famille Han ».

Mon Min Jin Lee ++

Je n’ai rien lu d’autre de cette auteure pour le moment.

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