Dezso Kosztolanyi – Anna la douce

(Roman / 1926 / Édes Anna)

Couverture du roman Anna la douce de Dezso Kosztolanyi

Hongrie. 31 juillet 1919. La République des Conseils qui dirige le pays depuis cent jours vit ses derniers instants. Les bolcheviks, à sa tête, sont chassés du pouvoir.

A Budapest, dans leur maison cossue, les Vizy revivent. Ils n’ont plus de raison d’avoir peur. Kornel Vizy, l’ancien conseiller ministériel, retourne à ses activités politiques et retrouve son lustre d’avant. Sa femme, Angela Vizy, se consacre à nouveau à son obsession : trouver la bonne idéale. Le concierge Ficsor, Rouge aux prérogatives déchues, sait qu’il a des choses à se faire pardonner par les riches propriétaires de l’immeuble s’il veut survivre à l’inévitable répression. Il propose à madame Vizy de lui débaucher la meilleure des bonnes, Anna, qui travaille actuellement pour une famille moins aisée. Il lui assure qu’elle est parfaite.

Commentaire

Dans le Budapest d’après-guerre et d’après un court intermède communiste, les personnages de Dezso Kosztolanyi évoluent comme dans une pièce de théâtre géante, avec l’appartement des Vizy comme scène principale et des scènes déportées de-ci de-là au gré des besoins de l’auteur et de son histoire. Il y a le couple de nantis, lui, ambitieux, plongé dans les intrigues et les rouages de la politique, elle, préoccupée par son intérieur et par les mille et un défauts potentiels de la future bonne. Il y a le neveu excentrique, les amis de la bonne société, le notaire, le docteur plein d’humanité, le concierge ex-rouge en danger au milieu des puissants de retour au pouvoir, leurs femmes, le ramoneur et les bonnes. Dans ce microcosme, chacun agit selon ses moyens, ses convictions et sa classe sociale, pour vivre ou survivre.

Dezso Kosztolanyi manie l’humour et l’ironie tantôt avec subtilité, tantôt avec férocité. Il n’explique pas, il décrit. Il présente ses personnages, la plupart d’entre eux pas des plus sympathiques, et leurs actes, sans rien justifier. Il ne juge pas, il laisse ce soin au lecteur. Son style narratif, simple et efficace, offre une lecture très agréable, parfois presque jouissive.

Un classique de la littérature hongroise. Un classique tout court, admirablement servi par une excellente traduction.

ATTENTION : évitez de lire préfaces et quatrièmes de couverture des livres de cet auteur, les intrigues y sont souvent dévoilées ; prenez-en connaissance après avoir lu les romans.

Extraits

– Vous, n’est-ce pas, vous aimez l’humanité.
– Moi ? Pas particulièrement.
– Pardon
– Je ne l’aime pas, parce que je ne l’ai encore jamais vue, parce que je ne la connais pas. L’humanité, c’est un concept abstrait. Et vous remarquerez d’ailleurs, Monsieur le conseiller, que tous les escrocs aiment l’humanité. L’égoïste, celui qui ne donnera un morceau de pain pas même à son frère, l’hypocrite, ils auront toujours pour idéal l’humanité. Ils pendent et ils assassinent, mais ils aiment l’humanité. Il n’y a rien de plus confortable. En fin de compte, cela n’engage à rien. Personne ne viendra vers moi en disant « bonjour, je suis l’humanité ». L’humanité ne demande pas à manger, ne veut pas de vêtements, elle reste à une distance respectable, en toile de fond, son auguste front dignement auréolé. Seuls Pierre et Paul existent. Des êtres humains. L’humanité, cela n’existe pas.
– Et la patrie ?
– La patrie, c’est pareil, répondit Moviszter, qui fit une pause pour trouver l’explication adéquate. La patrie, voyez-vous, c’est aussi une notion très belle et très large. Excessivement large. Combien de crimes ne sont-ils pas commis en son nom… (p.142)

[…] Souvent je me dis que de nos jours, seuls les domestiques ont la belle vie.
Ces dames se prirent à soupirer, comme si elles avaient, toutes tant qu’elles étaient, raté leur carrière, comme si elles n’avaient, dans ce monde impitoyable, qu’un seul regret : elles étaient condamnées à ne jamais devenir domestiques… (p.146)

De telles rencontres, avec le recul des années réservent toujours quelques surprises.
Nous aimons fixer nos connaissances éloignées en un point donné, en une situation déterminée, tout comme les morts ; nous arrêtons le temps sur leurs têtes, et nous nous persuadons, en vertu d’une pieuse mystification, que cet arbitraire de notre imagination qui les a figés en un cliché est aussi valable pour nous, et que nous non plus, depuis ce temps-là, nous n’avons pas avancé sur la voie qui conduit à l’anéantissement. Et voilà qu’en pareille circonstance nous devons prendre conscience, comprendre que nous nous sommes leurrés, et nous sourions, embarrassés, comme si vraiment nous voyions devant nous quelque chose d’agréable, et non point un phénomène des plus déplaisants. (p.162)

Tout le monde a ses défauts. C’est naturel. Il faut s’en accommoder. Pour elles non plus la vie n’est pas si rose. Elles se fatiguent tellement, elles se décarcassent tellement, et leur travail est tel qu’il ne peut même pas leur donner des satisfactions : sitôt achevé, c’est déjà du passé, il est aussitôt mangé par d’autres, Sali, abîmé, par nous, chère Madame, par nous. Eh bien, qu’elles aient au moins cette petite compensation, qu’on leur permette de ne pas être parfaites… Il faut le comprendre. (p.244)

 Même le ministre ne bougea pas. Il se sentait parfaitement bien. Tout le monde se sentait parfaitement bien. Peut-être parce que le ministre se sentait parfaitement bien. (p.272)

 Ils avançaient comme deux aveugles, bras dessus, bras dessous dans la nuit, l’un guidant l’autre – l’aveugle, celui qui ne voit pas. (p.309)

L’auteur et son œuvre

Dezső Kosztolányi est né le 29 mars 1885 à Szabadka et mort le 3 novembre 1936 à Budapest. Cet homme de lettres hongrois a été poète, écrivain, journaliste, critique littéraire, essayiste et traducteur. Il a notamment traduit Maupassant, Molière, Calderon, Rostand, Byron, Huysmans et Wilde.

Dans ses écrits, il a exploré l’âme humaine avec ironie, tendresse et justesse. Il parvenait à décrire le commun des mortels comme s’il était une personne extraordinaire. Ce qui est un peu vrai : chacun est unique.

Fondateur et un des principaux rédacteurs de la revue Nyugat (Occident) qui a joué un rôle prépondérant dans le renouveau littéraire hongrois du début du 20e siècle, il est aussi un grand ami de Frigyes Karinthy, un autre immense personnage littéraire de l’époque.

Un auteur captivant, à découvrir ou redécouvrir.

Mon Dezso Kosztolanyi ++

J’ai découvert Dezso Kosztolanyi avec « Anna la douce ». Une expérience extrêmement positive. J’ai enchaîné avec d’autres œuvres de cet auteur : des romans (Alouette, Le cerf-volant d’or, Néron le poète sanglant, Le mauvais médecin, Kornél Esti, Les aventures de Kornél Esti), des nouvelles (Baignade (une histoire cruelle et tragique), Pauline, Silus, Marc-Aurèle, Caligula) et un poème (Marc-Aurèle). J’ai été conquis par l’ensemble, hormis le poème (pas ma spécialité).

Alouette

(1924 / Pacsirta)

Sarszeg, Hongrie, début septembre 1899. Le vieux couple Vajkay envoie leur fille Alouette dans la famille à la campagne pour une semaine. Akos et Antonia Vajkay s’autorisent des sorties et redécouvrent des joies oubliées dans leur petite ville durant ces sept jours. Ils finissent par s’avouer de cruelles vérités.

L’auteur décrit encore une incroyable panoplie de personnages, dans son style simple, direct, efficace. Incroyable parce qu’ils n’ont rien de particulier et pourtant ils sont tous uniques. L’art de transformer des gens ordinaires en personnes remarquables. Dans cette vie banale en province, interrompue le temps d’une parenthèse de sept jours pour le couple Vajkay, le quotidien est parfois cruel et semble inévitable, sous un vernis fragile de routine acceptée bon gré, mal gré.

Un roman d’une grande puissance émotive et en même temps d’une grande sobriété. Du grand art.

Le cerf-volant d’or

(1925 / Aranysárkány)

A Sarszeg, c’est bientôt l’heure du bac. Les étudiants espèrent ne pas être recalés. Leurs professeurs font de leur mieux pour leur inculquer le savoir et faire d’eux des hommes. Parmi eux, Antal Novàk, veuf et père d’une fille qui n’est pas insensible aux charmes des garçons et qui s’applique à le mener par le bout du nez. Novàk, pas dupe, ne fait cependant pas preuve de trop de sévérité car, comme pour ses élèves, il croit aux vertus de la pédagogie douce, de l’éducation, des explications et de la persuasion.

Encore un roman passionnant de Dezso Kosztolanyi. Contrairement à « Anna la douce » et à « Alouette » où toute la force de la narration réside dans la description des actions des personnages, dans « Le cerf-volant d’or » l’auteur fait entrer le lecteur dans la tête des personnages et explique ainsi pourquoi ils agissent de la manière dont ils agissent.

Une fois encore, Dezso Kosztolanyi décrit des gens simples, des élèves, des professeurs, des commerçants, et en fait des personnages uniques. A partir d’une banale ville et de son école, il tisse un drame complexe que même ses acteurs interpréteront de différentes manières.

Les pistes de réflexion sont nombreuses : l’ingratitude, le harcèlement, le bien-fondé voué à l’échec du désir de maîtriser et de former les autres selon ce qu’on pense bon, les dégâts potentiels occasionnés par des malentendus et un manque de communication, l’hypocrisie, l’ennui de la routine, la complexité des gens simples, le manque de respect des élèves à leurs professeurs signalé par l’auteur en Hongrie il y a une centaine d’années et qu’on déplore de plus en plus en France de nos jours.

Un excellent roman !

Extraits

Il ne le comprenait pas. Il voulait le comprendre. Il savait que les souffrances les plus douloureuses viennent de la non-compréhension, car ne fait mal que ce qu’on est incapable de concevoir ou de se représenter. Il espérait trouver un soulagement dans la compréhension. (p.242)

 – Comme on fait son lit on se réveille. (p.339)

Néron, le poète sanglant

(1922, Nero, a véres költő)

Un autre chef d’œuvre.

Dezso Kosztolanyi aurait pu écrire l’histoire de Néron avec ses mots, en se basant sur ses recherches pour coller le plus près possible à la réalité. Il ne l’a pas fait. Il n’a pas écrit un roman historique fidèle à l’Histoire. Son projet a été plus ambitieux.

Il prend quelques libertés avec la chronologie de certains événements (décès de certains personnages), en ignore d’autres (grand incendie de Rome, voyage de Néron en Grèce), ignore des personnages complètement ou presque (Tigellin, Pétrone, Claudia Acte n’est citée qu’une seule fois dans le roman), en invente (Zodique, Fannius), tout cela pour mieux servir son propos.

Dezso Kosztolanyi ne se laisse pas emprisonner dans l’Histoire mais l’utilise pour transposer des problématiques valables à toutes époques : le lien entre art et pouvoir, l’incompatibilité entre un exercice efficace des deux (Néron est mauvais poète étant empereur et mauvais empereur parce que poète), le sens de l’art, ici la poésie, mais aussi le mal nécessaire, la poursuite de ses rêves, l’aveuglement qui peut en découler, les manœuvres et flatteries dans la politique ou l’art, la vanité, l’ambition, le prix à payer pour atteindre ses ambitions, les solutions philosophiques aux problèmes posés (Sénèque, chap. 26 et 30 notamment). Il explore questionnements et solutions (bonnes ou mauvaises) à travers ses personnages (Néron, Agrippine, Britannicus, Octavie, Poppée, Sénèque, Lucain, Pâris, Burrus, Zodique & Fannius, Phaon) et nous livre un roman riche en enseignements et en pistes de réflexion. Toujours dans son style fluide et imparable.

En bonus, une préface élogieuse de Thomas Mann.

Un beau roman.

Le mauvais médecin

(1921 / A rossz orvos)

Le prêtre qui maria Vilma et Istvan leur dit en ouvrant les bras : « Aimez-vous l’un l’autre. »

« L’amour c’est la vie ! s’exclama-t-il ; l’amour, c’est la vérité, l’amour, c’est la voie ! », lança-t-il une fois encore, avec une simplicité telle que les parents de la mariée commencèrent à pleurer.

Ainsi débute « Le mauvais médecin », le premier roman de Dezso Kosztolanyi.

Lorsqu’il publie ce roman, Dezso Kosztolanyi n’est pas un novice de l’écriture. Il a déjà beaucoup d’expérience dans le journalisme, la poésie et la nouvelle. Il maîtrise son style. On peut déjà admirer la précision et la concision dans l’écriture et les descriptions poussées de ses personnages.

« Le mauvais médecin » a souvent eu du mal à trouver sa place. Il ne répond pas à des critères stricts lui permettant d’être étiqueté, collé dans une catégorie. Ni nouvelle, ni roman, il s’agit en réalité d’un roman court, format en vogue en Hongrie à cette époque.

« Le mauvais médecin » questionne sur la culpabilité, la culpabilité qui rapproche les gens, le sens du mariage, le sens de la vie et aussi sur l’obscurantisme et les respectables escrocs parfois aussi assassins que les bandits de grand chemin.

Tragique et cruel !

Kornél Esti

(1934 / Esti Kornél)

Encore un format qui prête à discussion. Dix-huit chapitres pouvant se lire indépendamment qui ont toutefois du sens dans l’ordre choisi par le très créatif auteur (le deuxième chapitre nous présente par exemple Kornél Esti enfant). Par conséquent pas vraiment des nouvelles, mais pas un roman très conventionnel non plus.

Kornél Esti est un double que s’est inventé Dezso Kosztolanyi et qu’il a utilisé dans plus de quarante histoires. Dezso Kosztolanyi donne la liberté à Kornél Esti de vivre ce qu’il a envie de vivre, de dire ce qu’il a envie de dire, de faire ce qu’il a envie de faire, de critiquer ce qu’il a envie de critiquer, tout en s’autorisant compassion et tolérance, lorsqu’il en a envie. L’épouse de Kosztolanyi écrira dans ses Mémoires : « Kornél Esti est son second moi, le double goguenard et sans contraintes de son moi sentimental et bourgeois, qui dit tout haut et surtout accomplit tout ce qu’il aurait, lui, aimé faire, qui vit la vie libre et romantique du XIXe siècle à sa place à lui, Dezső Kosztolányi, lui qui ne fait que travailler, enchaîné à son bureau, que mener à bonne fin sa corvée journalière, courbé sous le joug du gagne-pain, dans cette société d’après-guerre, et des devoirs familiaux. »

On retrouve tout le génie de Dezso Kosztolanyi dans le décryptage du chapitre 9 (l’histoire d’une rencontre dans un train entre Kornél Esti et un contrôleur bulgare), dans l’inventivité pince-sans-rire du chapitre 14 (l’histoire d’un cleptomane qui traîne sa maladie jusqu’à sa dernière profession connue, traducteur), dans son analyse des gens dans les chapitres 4 (une ville dont les habitants se blâment plutôt que de se vanter), 6 (dans lequel on découvre qu’il est difficile de se débarrasser d’un trop-plein d’argent) et 12 (dans lequel un vénérable président dispense sa sagesse en dormant).

Dans les chapitres 13 et 16, il nous montre à quel point la bonté et la bienveillance mettent parfois la patience à rude épreuve.

Le chapitre 18, le dernier, est une allégorie du cours de l’existence. Elle renvoie à la nouvelle de son grand ami Fryges Karinthy, « Le cirque », qui nous présente également une allégorie de la vie.

« Kornél Esti » est un régal d’humour et de clairvoyance, dans un style des plus agréables.

Extraits du chapitre 12

Jusqu’à présent, sur terre, tous les désordres sont venus de ce que certains voulaient créer un ordre, toutes les immondices sont venues de ce que certains voulaient balayer. Comprenez-moi, la vraie malédiction en ce monde est l’organisation, et le vrai bonheur, c’est la désorganisation, le hasard, le caprice. (p.219)

 Les exemples attestent que l’humanité a été plongée dans le malheur, le sang et l’ordure par ceux qui s’enthousiasmaient pour la chose publique, qui prenaient leur mission au sérieux, qui veillaient ardemment, honnêtement, et ses bienfaiteurs ont été ceux qui ne s’occupaient que de leurs propres affaires, les négligents, les indifférents, les dormeurs. L’erreur n’est même pas de gouverner le monde peu sagement. Au fond, l’erreur est de le gouverner. (p.219)

Les aventures de Kornél Esti

(1935 / Esti Kornél kalandjai : 1927-1935)

Ce deuxième livre consacré à Kornél Esti comporte dix-sept nouvelles histoires qui n’avaient trouvé leur place dans « Kornél Esti ».

De nouvelles analyses perspicaces de l’âme humaine (« Les bizuths », « Le manuscrit », « Le mensonge », « Sarkany », « L’apothicaire et lui », « La disparition de Kalman Kernel », « Bonheur ») et une belle fin.

Le traducteur cleptomane

()

Ce recueil de nouvelles recomposé est une compilation de onze extraits de « Kornél Esti » (5) et de « Les aventures de Konél Esti » (6).

De sa vie, Dezso Kosztolanyi n’a écrit ni recueil, ni nouvelle intitulés « Le traducteur cleptomane ». Ce livre n’est qu’un artificiel assemblage éditorial. Il aurait l’avantage de proposer ces textes si « Kornél Esti » et « Les aventures de Konél Esti » n’avaient pas été publiés en français. Il a l’inconvénient de ne pas représenter ce que l’auteur souhaitait publier. Pourquoi j’en parle ici ? Parce que je me suis fait avoir et j’ai acheté ce livre avant les deux autres. Je ne savais pas. Alors si mon erreur peut aider d’autres à éviter la même, elle aura au moins servi à quelque chose !

Voici la « composition » de ce recueil :

– Le traducteur cleptomane : chapitre 14 de « Kornél Esti ».
– L’argent : chapitre 6 de « Kornél Esti ».
– Le contrôleur bulgare : chapitre 9 de « Kornél Esti ».
– La ville franche : chapitre 4 de « Kornél Esti ».
– La disparition : La disparition de Kalman Kernel de « Les aventures de Kornél Esti ».
– Le pharmacien et lui : L’apothicaire et lui de « Les aventures de Kornél Esti ».
– Misère : Sarkany de « Les aventures de Kornél Esti ».
– Le manuscrit : Le manuscrit de « Les aventures de Kornél Esti ».
– Le président : chapitre 12 de « Kornél Esti ».
– Le chapeau : Le chapeau de « Les aventures de Kornél Esti ».
– La dernière lecture : La dernière lecture publique de « Les aventures de Kornél Esti ».

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Min Jin Lee – Pachinko ♥

(Roman / 2017 / Pachinko)

Couverture du roman Pachinko de Min Jin Lee

Début des années 30. Dans un petit village coréen, la jeune et naïve Sunja se laisse séduire par un riche négociant vivant au Japon. Lorsqu’elle tombe enceinte, son amant lui apprend qu’il a déjà femme et enfants au pays du Soleil-Levant. Il lui propose de devenir sa deuxième épouse, sa « femme coréenne ». Elle refuse. Pour éviter le déshonneur de sa famille, elle accepte d’épouser un pasteur chrétien de santé fragile, de passage dans son village. Cette offre généreuse la contraint néanmoins à quitter son pays et à accompagner son mari au Japon.

Commentaire

« Pachinko » est un roman passionnant, à plus d’un titre.

Tout d’abord, « Pachinko » est une saga familiale qui retrace l’histoire bouleversante d’une famille coréenne sur quatre générations, famille prise dans le tourbillon de l’Histoire du 20e siècle. Les personnages sont décrits avec soin, avec leurs qualités et leurs défauts, leur courage, leur envie de se battre, leur amour pour leurs proches, leurs espoirs et leurs doutes aussi.

« Pachinko » est ensuite un témoignage historique. Il rapporte, souvent dans la douleur, les relations de l’époque entre Japonais et Coréens, les brimades et discriminations raciales subies par les seconds de la part de ceux qui colonisaient leur pays et accueillaient certains ressortissants coréens, main d’œuvre bon marché, en leur faisant bien ressentir leur non-appartenance au pays hôte. Il présente aussi les ravages de la seconde guerre mondiale et la vision des immigrés coréens de la scission en deux de leur pays d’origine.

L’auteure nous fait vivre avec beaucoup d’émotion la nostalgie du pays des Coréens établis au Japon et la difficulté de ces immigrés à trouver leur place dans ce nouveau pays ouvertement hostile à leur égard, les tentations à vaincre pour ne pas baisser les bras (sombrer dans l’alcool), ni renier des valeurs (gagner de l’argent facile en se mettant hors-la-loi).

La tentative de christianisation de la région est également abordée dans ce livre, avec les persécutions et répressions visant à décourager la propagation de cette religion venue d’ailleurs.

« Pachinko » est un roman instructif pour tous les points listés ci-dessus (personnellement j’ai découvert cette haine et cette tension entre Japonais et Coréens), mais aussi pour le Pachinko même, qui n’est pas, comme je le supposais, le prénom d’un protagoniste du livre, mais qui est en réalité un jeu d’argent, quelque part entre le flipper et la machine à sous. On en apprend tous les jours !

« Pachinko », enfin, est un roman merveilleusement bien écrit, d’une plume fluide et précise. Un roman qu’on prend plaisir à lire.

Pour finir, je classe « Pachinko » d’une part sur la même étagère que « L’art de perdre » d’Alice Zeniter, pour son aspect description historique de la difficulté de deux peuples de vivre l’un avec l’autre, l’un étant le colonisateur et l’autre le colonisé (Japon/Corée – France/Algérie), difficulté surtout rencontrée par le second, l’opprimé, celui qui subit une situation non voulue ; d’autre part à côté de Betty, Ainsi a-t-il été, Là où chantent les écrevisses, ces belles histoires de femmes courageuses qui se battent pour survivre.

À lire absolument pour les amateurs du genre.

Extraits

On disait qu’un fils gâté pouvait causer plus de tort à une famille qu’un fils mort, alors ils se gardaient bien de le choyer. (p.17)

 Hoonie avait suffisamment de bon sens pour ne pas espérer l’impossible – il avait la sagesse du paysan, acceptant sa vie telle qu’elle était, sans prétendre à ce qu’il ne lui était pas permis de désirer. (p.17)

 Les plus rusés et les plus robustes survivraient sans doute à cet hiver, mais les récits désolants se multipliaient. Les enfants allaient se coucher pour ne jamais se réveiller, les filles troquaient leur innocence contre un bol de nouilles de blé, les anciens se laissaient mourir en silence pour que les jeunes puissent manger. (p.25)

 Son père lui avait appris à ne pas juger les autres sur des critères superficiels : ce que portait ou possédait un homme ne disait rien de son cœur ou de sa morale. (p.67)

 La vie à Osaka serait difficile, mais les choses allaient s’arranger. Ils feraient un bouillon savoureux des cailloux et de l’amertume qu’on leur donnait. (p.145)

 Il n’y avait plus d’innocence que chez les nouveau-nés. (p.314)

 Ce qui l’étonnait surtout, c’était que plus il approchait de la mort, plus il la craignait. Il y avait tant de choses qu’il n’avait pas réussi à accomplir. Et plus encore qu’il n’aurait jamais dû faire. (p.347)

 Le destin d’une femme est de souffrir. (p.542)

L’auteure et son œuvre

Min Jin Lee est née à Séoul, Corée du Sud, le 11 novembre 1968. Sa famille s’est installée aux Etats-Unis en 1976. Cette auteure et journaliste américano-coréenne a fait des études d’histoire et de droit. Elle a travaillé en tant qu’avocate d’entreprise, avant de se concentrer sur l’écriture. Elle a écrit plusieurs essais, et des articles dans des journaux prestigieux comme le New York Times, le Wall Street Journal ou le Times of London.

Min Jin Lee a vécu quatre ans à Tokyo, de 2007 à 2011. Elle vit aujourd’hui à New York.

Dans le domaine de la fiction, elle a écrit à ce jour deux nouvelles et deux romans : « Free food for millionaires », en 2007, et « Pachinko ». « Free food for millionaires » n’est publié en France qu’en février 2023 sous le titre « La famille Han ».

Mon Min Jin Lee ++

Je n’ai rien lu d’autre de cette auteure pour le moment.

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Mélissa Da Costa – Tout le bleu du ciel

(Roman / 2019)

Couverture du roman Tout le bleu du ciel de Melissa Da Costa

Emile 26 ans est atteint d’un Alzheimer précoce. Cette maladie neurodégénérative incurable va le priver peu à peu de sa mémoire et de ses souvenirs. Il lui reste au maximum deux ans à vivre. Ne voulant ni finir à l’hôpital comme cobaye de tests cliniques, ni surtout gâcher la vie de sa famille et de ses amis en devenant un boulet encombrant, il décide de fuir soignants et compassion des proches. Il veut pleinement profiter du peu de temps qu’il lui reste et choisit de s’embarquer dans un dernier voyage en camping-car à travers les Pyrénées. Il poste une annonce pour trouver un compagnon qui l’accompagnera dans son ultime périple.

Commentaire

« Tout le bleu du ciel » de Mélissa Da Costa est un roman beau et triste à la fois. À recommander aux lecteurs qui aiment être émus aux larmes en lisant (moi j’aime bien de temps en temps). Parfait parce que le livre est épais et on peut ainsi pleurer longtemps.

Une fois qu’on a séché ses larmes, on retient une jolie panoplie de personnages (j’ai trouvé Joanne particulièrement attachante et j’aurais évidemment aimé caresser Pok), des descriptions de villages pittoresques et de paysages magnifiques qu’on a envie de visiter au plus vite (j’imagine ces lieux envahis par des hordes de lecteurs qui ont adoré ce roman ; nous nous y croiserons peut-être un jour), des citations en nombre, une leçon de vie ou du moins des pistes de réflexion sur les priorités de l’existence et l’importance de garder à l’esprit qu’elle finira un jour.

La plume de Mélissa Da Costa est agréable, pleine de vie, fluide, au point qu’on ne voit pas passer les pages de ce pavé qu’est « Tout le bleu du ciel ».

Après avoir refermé ce roman, notre premier regard vers le ciel ne voit pas le bleu tout à fait comme avant.

Une réussite.

L’auteure et son œuvre

Mélissa Da Costa est une romancière française née le 07/08/1990. Après des études d’économie et de gestion, elle travaille comme chargée de communication dans le domaine de l’énergie et du climat. Elle suit en parallèle des formations en aromathérapie, naturopathie et sophrologie.

Elle autoédite son premier roman, « Je revenais des autres » en 2017. Le succès vient avec « Tout le bleu du ciel ». Elle a publié à ce jour deux autres romans : « Les lendemains » (2020) et « Les douleurs fantômes » (2022).

Mon Mélissa Da Costa ++

J’ai lu « Tout le bleu du ciel » et « Les lendemains » de cette auteure.

Les lendemains

(2020)

Un roman apaisant, malgré un sujet d’une grande tristesse. À travers cette histoire, dans un style fluide et simple (dans le bon sens du terme), Mélissa Da Costa nous révèle que le monde ne s’arrête pas de tourner, que la vie continue même après la pire tragédie, qu’il y a moyen de remonter la pente quand on est au fond du trou, qu’il est possible d’apprendre à vivre avec son vécu et d’aller de l’avant, d’une manière ou d’une autre. Tout en pudeur, sans leçon de morale à quatre sous, sans prétendre qu’on peut oublier et passer à autre chose. Dans ce roman, la nature et la bienveillance viendront en aide à la narratrice et joueront un rôle prépondérant dans la construction d’un avenir potentiel qui paraissait inconcevable après le drame. Touchant.

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Delia Owens – Là où chantent les écrevisses ♥

(Roman / 2018 / Where the crawdads sing)

Couverture du roman Là où chantent les écrevisses de Delia Owens

En 1952, des descendants de renégats et d’esclaves en fuite et des laissés-pour-compte qui ont tout perdu ou presque vivent éparpillés dans les marais près de Barkley Cove, en Caroline du Nord. Parmi eux, Kya, 6 ans, et sa famille que les gens de la petite ville considèrent comme des racailles. Celle qui sera vite surnommée « La Fille des marais » se retrouve seule à 10 ans et doit apprendre à se débrouiller pour survivre au milieu de cette nature qu’elle aime tant.

En 1969, le corps d’un jeune homme est retrouvé dans les marécages.

Commentaire

« Là où chantent les écrevisses » est un livre exceptionnel. Hymne à la nature et à la tolérance, ce roman décrit avec beaucoup de réalisme l’abandon et la solitude, l’amour déçu et ses blessures, la mise à l’écart des plus démunis et le racisme.

Autour de ces thèmes forts et bien menés, Delia Owens partage avec le lecteur ses connaissances sur les plantes et les animaux. Cerise sur le gâteau, elle parvient à ajouter un meurtre et une enquête au récit, sans rompre ni son charme, ni son équilibre poétique.

Kya est une héroïne attachante, forte et fragile à la fois. Les autres personnages sont également marquants, faciles à imaginer, autant les discrets gentils que les vrais méchants.

« Là où chantent les écrevisses » est un livre magnifiquement écrit, habilement construit, plein d’humanité, violent parfois, émouvant toujours, sensuel, pudique, qui prête à réfléchir. Un de ces livres qu’on dévore parce qu’on a hâte d’en connaître la fin, alors qu’en même temps on est triste, arrivé aux dernières pages, de devoir quitter ce monde des marais et cette aventure, chagriné de devoir dire adieu à des personnes courageuses et imparfaites qui auront partagé leur vie, leurs mésaventures et leurs bonheurs avec nous.

À ranger sur la même étagère que Betty et que Ainsi a-t-il été, l’étagère des beaux romans, des belles histoires, des femmes courageuses et des livres bouleversants.

À lire absolument pour les amateurs du genre.

Extraits

Un marais n’est pas un marécage. Le marais, c’est un espace de lumière, où l’herbe pousse dans l’eau, et l’eau se déverse dans le ciel. Des ruisseaux paresseux charrient le disque du soleil jusqu’à la mer, et des échassiers s’en envolent avec une grâce inattendue – comme s’ils n’étaient pas faits pour rejoindre les airs – dans le vacarme d’un millier d’oies des neiges.
Puis, à l’intérieur du marais, çà et là, de vrais marécages se forment dans les tourbières peu profondes, enfouis dans la chaleur moite des forêts. Parce qu’elle a absorbé toute la lumière dans sa gorge fangeuse, l’eau des marécages est sombre et stagnante. Même l’activité des vers de terre paraît moins nocturne dans ces lieux reculés. On entend quelques bruits, bien sûr, mais comparé au marais, le marécage est silencieux parce que c’est au cœur des cellules que se produit le travail de désagrégation. La vie se décompose, elle se putréfie, et elle redevient humus : une saisissante tourbière de mort qui engendre la vie. (deux premiers paragraphes du roman)

 Quand il est acculé, désespéré ou isolé, l’homme se replie sur son instinct de survie. (p.18)

 Peut-être allaient-ils tous la quitter, s’en aller par ce chemin l’un après l’autre. (p.57)

 Son père lui avait dit de nombreuses fois que la définition d’un homme, un vrai, c’était qu’il savait pleurer sans honte, qu’il pouvait lire de la poésie avec son cœur, que l’opéra touchait son âme, et qu’il savait faire ce qu’il fallait pour défendre une femme. (p.68)

 Elle n’avait jamais eu d’ami, mais elle ressentait le besoin d’en avoir un. Comme un élan. (p.71)

 Quelqu’un qui aimait les oiseaux ne pouvait tout simplement pas être mauvais. (p.126)

 Allongée à leurs côtés, Ma avait déclaré : « Écoutez bien, il y a une belle leçon à tirer de tout ça. D’accord, on s’est enlisées, mais nous, les filles, qu’est-ce-qu’on a fait ? On l’a pris à la légère et on a bien ri. C’est comme ça que font les sœurs et les filles. Elles s’entraident, même quand elles pataugent, surtout quand elles pataugent. » (p.128)

« Certains peuvent vivre loin de la nature, d’autres ne peuvent pas. » Oh, s’exclama-t-elle. Oh !
– Tu sais lire, Kya. Et tu sais pour toujours.
– C’est pas seulement ça, expliqua-t-elle en murmurant presque. Je savais pas que des mots pouvaient vouloir dire des choses si graves Je savais pas qu’une phrase pouvait être si importante. » (p.137)

 Le temps fait que les enfants ne connaissent jamais leurs parents jeunes. (p.140)

Kya se rappela que sa mère l’encourageait toujours à explorer le marais : « Va aussi loin que tu peux. Tout là-bas, où on entend le chant des écrevisses. »
Ça veut dire aussi loin que tu peux dans la nature, là où les animaux sont encore sauvages, où ils se comportent comme de vrais animaux. (p.146)

 Quand on a besoin des autres, on finit par souffrir. (p.187)

 Combien faut-il être prêt à donner pour vaincre sa propre solitude ? (p.209)

 Elle riait pour lui faire plaisir, ce qu’elle n’avait jamais fait pour personne. Renonçant à une partie d’elle-même rien que pour ne pas perdre sa compagnie. (p.226)

 Kya regardait le bout de ses pieds. Pourquoi celui qu’on a abandonné, celui qui saigne encore, devrait-il assumer la charge du pardon ? (p.252)

Si quelqu’un devait jamais comprendre la solitude, c’était bien la lune.
Retournant vers le cycle immuable de la vie des têtards et le ballet des lucioles, Kya s’enfonça plus profondément encore dans un monde sauvage où les mots n’avaient pas cours. La nature semblait le seul galet qui ne se déroberait plus sous ses pas quand elle traverserait un ruisseau. (p.271)

 Les visages changent avec les épreuves de la vie, mais les yeux demeurent une fenêtre ouverte sur le passé. (p.293)

 Dûment formée par ces millions d’heures passées sans la moindre compagnie, Kya pensait qu’elle savait ce que « solitude » voulait dire. Une vie à fixer la vieille table de la cuisine, à fouiller du regard des chambres vides, et des étendues infinies de vagues et d’herbes. Personne avec qui partager la joie de la découverte d’une plume ou de la dernière touche apportée à une aquarelle. À réciter des poèmes aux mouettes et aux goélands. (p. 431)

L’auteure et son œuvre

Delia Owens est une écrivaine et zoologiste, née en 1949 en Géorgie, aux Etats-Unis. Elle a vécu plus de vingt ans en Afrique. Avant d’écrire « Là où chantent les écrevisses », best-seller international, elle a publié trois livres consacrés à la nature et aux animaux, grands succès aux Etats-Unis également.

Mon Delia Owens ++

Je n’ai rien lu d’autre de cette auteure.

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Joël Dicker – L’énigme de la chambre 622

(Policier / 2020)

Couverture du roman L'énigme de la chambre 622 de Joël Dicker

Une nuit de décembre, un meurtre a lieu au Palace de Verbier, dans les Alpes suisses. L’enquête de police n’aboutira jamais.
Des années plus tard, au début de l’été 2018, lorsqu’un écrivain se rend dans ce même hôtel pour y passer des vacances, il est loin d’imaginer qu’il va se retrouver plongé dans cette affaire.
Que s’est-il passé dans la chambre 622 du Palace de Verbier ?

 Avec la précision d’un maître horloger suisse, Joël Dicker nous emmène enfin au cœur de sa ville natale au fil de ce roman diabolique et époustouflant, sur fond de triangle amoureux, jeux de pouvoir, coups bas, trahisons et jalousies, dans une Suisse pas si tranquille que ça. (quatrième de couverture)

Commentaire

« L’énigme de la chambre 622 » est un roman, un jeu de pistes et un jeu de dupes, tout à la fois.

Une fois qu’on suit les pas de l’Ecrivain, il faut s’accrocher pour ne pas se perdre dans les méandres du temps et des faux-semblants. Joël Dicker distille ses indices au compte-goutte et le puzzle prend peu à peu forme, au fil des péripéties et de l’avancée de l’enquête.

Les personnages (caricaturaux, c’est ce qui fait en grande partie leur charme) sont en partie de la haute société. Les moins aisés se font passer pour des Habsbourg ou des Romanov et s’invitent au banquet des plus fortunés, ou alors sont des domestiques au service de ces mêmes nantis.

Certains rebondissements sont osés. Le vaudeville n’est jamais très loin.

« L’énigme de la chambre 622 » est aussi une promenade en Suisse, entre ses banques, ses palaces et ses intrigues échappant au commun des mortels.

Enfin, « L’énigme de la chambre 622 » est un hommage touchant de Joël Dicker à Bernard de Fallois, son éditeur et maître à qui il doit en grande partie son succès.

Un roman dans un format original et une belle réussite pour qui parvient à garder les idées claires entre présent et les très nombreux retours en arrière dans différentes temporalités.

Extrait

La vie est un roman dont on sait déjà comment il se termine : à la fin, le héros meurt. Le plus important n’est donc pas comment notre histoire s’achève, mais comment nous en remplissons les pages. Car la vie, comme un roman, doit être une aventure. Et les aventures, ce sont les vacances de la vie.

L’auteur et son œuvre

Joël Dicker est un écrivain suisse romand né le 16/06/1985 à Genève. Il écrit en langue française. Il a publié six romans à ce jour :

– Les derniers jours de nos pères (2010)
– La vérité sur l’affaire Harry Quebert (2012)
– Le livre des Baltimore (2015)
– La disparition de Stephanie Mailer (2018)
– L’énigme de la chambre 622 (2020)
– L’affaire Alaska Sanders (2022)

« La vérité sur l’affaire Harry Quebert » a été adapté en série télé.

Mon Joël Dicker ++

Je n’ai lu que ce roman de cet auteur.

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Jorn Riel – Le jour avant le lendemain

(Roman / 1975 / Før morgendagen)

Couverture du roman Le jour avant le lendemain de Jorn Riel

Dans le nord-est du Groenland, Ninioq, la femme la plus âgée de sa tribu, et son petit-fils Manik se portent volontaires pour organiser le séchage du stock de viande sur une petite île, Neqe. Kongujuk, une autre vieille femme, se joint à eux. Ils passeront l’été sur Neqe en attendant que les bateaux reviennent les chercher pour le retour à l’habitat d’hiver. Ninioq profite du calme de cet été pour transmettre à son petit-fils traditions, légendes, histoires de famille et gestes utiles du quotidien pour survivre dans ce milieu hostile.

Commentaire

Un roman court, sombre et lumineux, bouleversant.

Un livre très instructif sur le mode de vie des peuples du Groenland et sur la rencontre de ces tribus du bout du monde avec l’homme blanc, sur leur vision de ces énigmatiques étrangers et sur ce que ceux-ci leur ont apporté.

Une histoire magnifiquement écrite par Jorn Riel, un conteur-né.

Une petite perle qui marque encore longtemps après avoir refermé le livre.

L’auteur et son œuvre

Jorn Riel est né le 23 juillet 1931 à Odense, au Danemark. Son enfance a été bercée par les récits de Knud Rasmussen et de Peter Freuchen. Il s’engage en 1950 dans une expédition scientifique dirigée par Lauge Koch. Il part pour le nord-est du Groenland et y demeure pendant seize ans.

Son attachement pour les tribus du Groenland et sa riche expérience personnelle dans les contrées du grand nord ont une forte influence sur son œuvre littéraire. Il écrit ainsi une dizaine d’ouvrages intitulés « Racontars arctiques », courtes fictions mettant en scène des personnages récurrents, des trappeurs du nord-est du Groenland amoureux de celle qui manque souvent cruellement sur la banquise : la femme. Il écrit aussi trois trilogies consacrées au grand nord : « La maison de mes pères », « Le chant pour celui qui désire vivre » et « Le garçon qui voulait devenir un être humain ». Cette moitié arctique de son œuvre est dédiée à Nugarssunguaq, sa petite-fille groenlandaise, et à Paul-Emile Victor qu’il a côtoyé au Groenland.

Parmi ses autres écrits, « La faille » dont l’action est située chez les Papous de Nouvelle-Guinée.

Jorn Riel, après ses aventures dans le froid du nord, est parti pour ses vieux jours vivre en Malaisie, « histoire de décongeler » comme il s’amuse à le dire.

Jorn Riel est un écrivain populaire au Danemark mais aussi ailleurs : son œuvre a été traduite dans une quinzaine de langues.

Mon Jorn Riel ++

Je n’ai lu que ce roman de cet auteur pour le moment.

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Philipp Meyer – Le fils

(Roman / 2013 / The son)

Couverture du roman Le fils de Philipp Meyer

L’histoire du Texas de 1850 à nos jours à travers trois personnages d’une même famille mais de trois générations différentes.

Eli McCullough, le Colonel, a été enlevé par les Comanches à l’âge de 11 ans. Il a vécu parmi eux pendant trois ans. De retour chez les Blancs, il a participé à la guerre de Sécession avant de bâtir un empire.

Peter, l’un des fils du Colonel, est sidéré par les méthodes violentes de son père. Révolté dans l’âme, il s’oppose comme il le peut à la tyrannie et à la loi du plus fort.

Jeanne-Anne, petite-fille de Peter, ambitieuse et sans scrupules comme le Colonel, se retrouve à la tête de la fortune familiale et s’efforce de consolider cet héritage.

Commentaire

Philipp Meyer nous raconte l’histoire du Texas, des bisons au pétrole, des massacres perpétrés par les Blancs, les Indiens et les Mexicains aux week-ends entre riches propriétaires, des vols des terres perpétrés par les uns et les autres, les victimes étant toujours outrées d’être dépossédées à leur tour de ce qu’ils s’étaient eux-mêmes approprié par la violence. Une Histoire qui s’écrit dans le sang, dans la destruction de la nature, dans l’extermination des peuples, la sauvagerie des uns n’ayant rien à envier à celle des autres.

L’auteur tient habilement le lecteur en haleine en naviguant entre les époques, en distillant informations et rebondissements au compte-goutte, à travers les trois points de vue de ses personnages principaux. Trois visions, trois voix, trois styles narratifs. Le tyran qui dans sa jeunesse a vu sa famille massacrée sous ses yeux. La conscience familiale, dépitée et se sentant coupable pour tous les autres. Et la femme qui se bat pour réussir dans un milieu encore dominé par les mâles machistes, usant elle-même de procédés impitoyables.

Une vaste galerie de personnages secondaires participe avec bonheur à cette fresque grandiose, imposante en taille et en qualité, qui se construit comme un puzzle géant.

L’histoire des McCullough peut être perçue comme un (excellent) prétexte pour raconter l’Histoire du Texas, elle n’en demeure pas moins prenante.

Un roman palpitant, émouvant, instructif historiquement, empreint d’humanité malgré la violence omniprésente. Un grand roman.

A lire.

Extraits

Les gens ont toujours un faible pour le perdant. Jusqu’à ce qu’il s’agisse de prendre sa défense. (p.241)

 La terre avait soif. Quelque chose de primitif y réclamait son dû. (p.586)

 Un être humain, une vie – ça méritait à peine qu’on s’y arrête. Les Wisigoths avaient détruit les Romains avant d’être détruits par les musulmans, eux-mêmes détruits par les Espagnols et les Portugais. Pas besoin de Hitler pour comprendre qu’on n’était pas dans une jolie petite histoire. Et pourtant, elle était là. A respirer, à penser à tout cela. Le sang qui coulait à travers les siècles pouvait bien remplir toutes les rivières et tous les océans, en dépit de l’immense boucherie, la vie demeurait. (p.587)

 Il y avait dans l’air un certain parfum, apaisant, sucré. Elle le reconnut : le baume de Judée. Est-ce que les bourgeons des peupliers de Virginie étaient déjà sortis ? Elle ne se souvenait plus. (p.756)

 Ils croyaient que personne n’avait le droit de leur prendre ce qu’eux-mêmes avaient volé. Mais c’était pareil pour tout le monde : chacun s’estimait le propriétaire légitime de ce qu’il avait pris à d’autres (p.775)

L’auteur et son œuvre

Philipp Meyer est né le 1er mai 1974 à New York.

Il a écrit deux romans à ce jour :

Un arrière-goût de rouille (2009 / American rust)
Le fils (2013 / The son)

Mon Philipp Meyer ++

Je n’ai lu que « Le fils » de cet auteur à ce jour

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Nina George – La lettre oubliée

(Roman / 2013 / Das Lavendelzimmer)

Couverture du roman La lettre oubliée, de Nina George

Jean n’est pas un libraire comme les autres. Avec sa « pharmacie littéraire », il prescrit des livres pour guérir les maux de l’âme. S’il connaît le remède pour les autres, lui n’a pas encore trouvé le sien. Quand Manon l’a quitté, 21 ans plus tôt, elle lui a laissé pour toute explication une lettre qu’il n’a jamais eu le courage d’ouvrir. Depuis, sa vie s’est arrêtée. Mais son destin va basculer le jour où il découvre le terrible secret de Manon. Pour Jean, c’est le début d’un long périple au pays des souvenirs, en plein cœur de la Provence, qui sera son voyage vers la renaissance. (quatrième de couverture)

Commentaire

Une bonne idée de base : les livres pour soigner l’âme. Le médecin : le libraire Jean Perdu. Perdu lui-même, il ira au bout de sa quête pour se retrouver.

« La lettre oubliée » bénéficie d’une double filiation, qui rend ce roman doublement attachant.

Il fait partie de ces livres qui font du bien, comme « La lettre qui allait changer le destin d’Harold Fry » de Rachel Joyce, « Changer l’eau des fleurs » et « Les oubliés du dimanche » de Valérie Perrin, « Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates » de Mary Ann Shaffer et Annie Barows, et « Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire » de Jonas Jonasson.

Il appartient aussi à ces romans qui font aimer les livres, comme « Au bon roman » de Laurence Cossé, « 84, Charing Cross Road » de Helene Hanff, le cycle du « Cimetière des livres oubliés » de Carlos Ruiz Zafon ou celui de « Cœur d’encre » de Cornelia Funke.

Une lecture agréable, pas prise de tête, apaisante. Du rire, des larmes. Un livre délicieux capable de dessiner des sourires sereins sur les visages de ses lecteurs. Avis aux amateurs !

Extraits

– Le mal du pays n’est qu’une forme de chagrin d’amour, mais plus grave. (p.122)

« N’écoute jamais la peur ! Elle rend idiot. » (p.153)

 Nous sommes immortels dans les rêves de ceux qui nous aiment, et nos morts continuent de vivre dans nos rêves bien après leur disparition. Le monde des songes est la passerelle qui relie les différents mondes, le temps et l’espace. (p.173)

 – Ici, les gens travaillent et vivent pour l’avenir. Ils pensent à ceux qui viendront après eux. Et ceux-là, quand leur tour viendra, feront pareil. C’est quand une génération arrête de penser à la suivante et qu’elle veut tout changer pour elle-même que commence la déchéance d’un pays. (p.179)

 L’habitude est une déesse dangereuse et vaniteuse. Elle ne tolère pas que l’on interrompe son règne. Elle tue dans l’œuf une envie après l’autre. L’envie de voyager, l’envie de changer de boulot, l’envie d’un nouvel amour. Elle empêche de vivre comme on le voudrait. Parce qu’à force d’habitude, nous oublions de nous demander si nous voulons vraiment ce que nous faisons. (p.237)

L’auteure et son œuvre

Nina George est née le 30 août 1973 à Bielefeld, en Allemagne. Écrivaine et journaliste, elle a écrit plus de 25 livres sous son nom, sous le pseudonyme de Anne West ou, associée à son mari, sous celui de Jean Bagnol. Traduite dans 37 langues, son best-seller le plus connu est « La lettre oubliée ».

Mon Nina George ++

Je n’ai lu que ce roman de cette auteure.

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Edwin A. Abbott – Flatland

(Science-fiction / 1884 / Flatland: a romance of many dimensions)

Couverture du roman Flatland d'Edwin A. Abbott

Bienvenue à Flatland, un monde à deux dimensions peuplé de figures géométriques plates ! Le statut social d’un homme est déterminé par son nombre de côtés et sa régularité. Plus le polygone a de côtés, plus l’homme occupe une place de choix dans la société. Les prêtres ont une forme parfaite : un cercle. Les femmes sont des segments de droite. Les Irréguliers incurables sont éliminés.

Un jour, un Carré croise un individu prétendant venir d’une autre dimension, un Cercle qui affirme être en réalité une Sphère. Une fois convaincu de l’existence de la troisième dimension, le Carré tentera d’annoncer cette incroyable nouvelle aux autorités.

Commentaire

« Flatland » est un roman étrange au premier abord. Satire sociale dénonçant l’Angleterre victorienne, rigide et discriminatoire ? Allégorie religieuse ? « Flatland » est les deux à la fois.

Tous les habitants ont l’ambition de grimper dans la hiérarchie de ce système de castes, sauf les femmes condamnées à demeurer éternellement au bas de l’échelle sociale. Les lois de Flatland sont cruelles. Toute tentative de changement est vivement réprimée.

Sous ses airs de gentille fable, « Flatland » se révèle rapidement être une dystopie. Le traitement réservé aux femmes, au trait misogyne volontairement accentué, prête à réfléchir. Celui réservé aux Irréguliers fait froid dans le dos.

Cette œuvre originale d’une autre époque s’est transformée en classique indémodable de la science-fiction. Malheureusement toujours trop d’actualité.

L’auteur

Edwin Abbott Abbott (20 décembre 1838 – 12 octobre 1926) était un professeur et théologien anglais.

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Luca Di Fulvio – Le gang des rêves ♥

(Roman / 2008 / La gang dei sogni)

Couverture du roman Le gang des rêves de Luca Di Fulvio

Début du 20e siècle à New York. Des milliers d’Européens débarquent avec en tête le rêve américain, le « tout est possible ». Parmi eux, Cetta Luminata, 16 ans, mère d’un fils, Natale, dont le prénom est transformé à son arrivée en Christmas. Elle aussi croit en un avenir meilleur que ce que la vie lui aurait réservé sur les terres de son ancien maître en Calabre. Elle est prête à payer le prix pour y parvenir et faire en sorte que son Christmas soit un vrai Américain.

Commentaire

Attention chef d’œuvre. Une fresque prenante, bien écrite, émouvante. Des personnages attachants et complexes. Le tout ancré dans l’Histoire. La première génération d’immigrants s’accroche au rêve américain et croit pouvoir monter les marches de la réussite grâce aux vertus du travail. La deuxième génération se rend compte de la supercherie et n’hésite pas à braver la loi pour s’enrichir.

Christmas Luminata est confronté très jeune à la dure réalité de l’existence, à un monde de petites frappes, de prostituées et de grands bandits. Il n’a que son imagination et les valeurs inculquées par sa mère pour tenter d’échapper à sa condition, pour se faire des amis, pour jeter des ponts entre les classes sociales afin de conquérir son amour, pour trouver sa place dans une société dirigée par des gangs rivaux et une haute société qui méprise les pauvres, pour survivre.

Du Scorsese aux mille détails dans un livre. « Le gang des rêves » est un roman exceptionnel. Bouleversant et captivant.

Extraits

Elle regardait le garçon qui lui avait offert neuf fleurs et qui réinventerait les mathématiques pour les adapter à ses mains : et elle le détesta de tout son cœur parce qu’elle ne parvenait pas à détourner les yeux, elle n’arrivait pas à ne pas le regarder. (p.203)

« M’man… dit-il à voix basse, après de longues minutes.
– Oui ?
– Quand on devient adulte, on trouve que tout est moche ? »
Cetta ne répondit rien. Elle regardait dans le vide. Certaines questions n’appelaient pas de réponses, parce que la réponse serait aussi pénible que la question. (p.299)

 « Tu sais ce que c’est, l’amour ? fit-elle. C’est réussir à voir ce que personne d’autre ne peut voir. Et laisser voir ce que tu ne voudrais faire voir à personne d’autre. » (p.387)

 « Un fils de putain vaut autant que cent fils à papa, n’oubliez jamais ça ! » lança-t-elle d’un ton agressif. (p.654)

 L’auteur et son œuvre

Dramaturge et écrivain, Luca Di Fulvio est né le 13 mai 1957 à Rome. Six autres de ses romans sont à ce jour traduits en français :

L’empailleur (2000 / L’impagliatore)
L’échelle de Dionysos (2006 / La scala di Dioniso)
Les enfants de Venise (2013 / La ragazza che toccava il cielo)
Le soleil des rebelles (2015 / Il bambino che trovò il sole di notte)
Les prisonniers de la liberté (2018 / La figlia della libertà)
Mamma Roma (2021 / La ballata della città eterna)

L’auteur et son œuvre

Je n’ai lu que « Le gang des rêves » de cet auteur pour le moment.

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