Zoe Brisby – Les mauvaises épouses

(Roman / 2023)

Couverture du roman Les mauvaises épouses de Zoe Brisby

Saperlipopette ! Avec ce formidable Les mauvaises épouses, Zoe Brisby nous offre un voyage mémorable dans l’espace et le temps. Direction le désert du Nevada en 1952. Chaud, en pleine guerre froide. Froid dans le dos, lorsqu’on découvre la place de la femme dans les couples de l’époque : épouse docile invitée à s’occuper de l’intérieur de la maison, de ne surtout pas réfléchir et de se prendre des raclées au passage si l’envie en prend au mari. Chaud et froid dans le dos, quand on voit les scientifiques de l’époque jouer aux apprentis sorciers, brûler avec allégresse des villages test avec la Bombe et vénérer celle-ci comme une impitoyable Main de Dieu envoyée aux Américains sur Terre pour vaincre les méchants communistes.

Summer et Charlie font souffler un vent de liberté sur le village militaire engoncé dans sa doctrine, où dans Artemisia Lane s’alignent des maisons parfaites habitées par des couples parfaits vivant de petites vies parfaites dégustant des cupcakes parfaits confectionnés par les épouses parfaites et où les seules distractions, en-dehors de l’admiration sans borne de la Bombe et des explosions secouant le désert, sont les petites jalousies mesquines et les apéritifs atomiques.

J’ai pensé à Thelma et Louise et aussi à un Desperate housewives parachuté dans une autre époque. Les mauvaises épouses n’est cependant ni un clone ni un ersatz de l’un ou de l’autre. Ce roman, qui au premier abord ne paye pas de mine, possède au contraire une identité forte et dégage une aura et une puissance propres. Il lance des pistes de réflexion sur la condition de la femme et sur les relations entre les peuples et entre les individus. Entre frissons et sourires, entre 1952 et aujourd’hui, entre bêtise humaine et espoir d’une lumière au bout du tunnel de la connerie.

Je me suis régalé. Merci Summer et Charlie. Merci Zoe Brisby !

Extraits

– Le casino gagne toujours, commente Charlie.
– Alors pourquoi jouent-ils ?
– Parce qu’il vaut mieux vivre dans un monde d’espoir que de raison. (p.168)

Combien d’illusions lui reste-t-il ? Peut-être vaut-il mieux ne pas savoir parfois. L’ignorance est-elle le meilleur des remparts contre la médiocrité ? (p.184)

 Leurs visages sereins ne reflètent pas leurs tourments intérieurs. Combien de secrets se cachent derrière ces sourires ? Combien de drames derrière les portes fermées ? (p.196)

 – La vie n’est pas toute lisse et il arrive que nous tombions, mais l’important est de toujours recoller les morceaux.
– Même s’il reste des fissures ?
– C’est ce qui te rendra forte. (p.254)

Sa maison est aussi pastel que l’était sa vie. Fade et sans relief. Son couple n’était pas triste mais n’était pas heureux non plus. Ils avaient oublié de garder une place pour la joie, la spontanéité et l’extraordinaire. Ils étaient devenus ennuyeux. (p.277)

 Tout le monde cachait son rêve sous une couche de banalité en patientant sagement. Sauf que certains finissaient par l’oublier. (p.277)

L’auteure et son œuvre

Zoe Brisby est historienne de l’art et auteure. Elle a écrit une dizaine de romans dont Les mauvaises épouses, La double vie de Dina Miller et Hollywoodland.

Mon Zoe Brisby ++

J’ai n’ai lu que Les mauvaises épouses de Zoe Brisby pour le moment.

À découvrir aussi (clic sur le titre pour en savoir davantage)

D’autres lectures
Amandine Bazin-Jama – Les médisantes
Laure Gombault – Vis-à-vis

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Yoann Iacono – Le Stradivarius de Goebbels

(Roman historique / 2021)

Couverture du roman Le Stradivarius de Goebbels de Yoann Iacono

Chaque violon possède une âme et une mémoire, en plus de son histoire. Les grands maîtres et les luthiers en sont convaincus. La jeune virtuose japonaise Nejiko Suwa en prendra conscience après avoir reçu des mains de Goebbels un Stradivarius de provenance inconnue.

Yoann Iacono a enquêté pendant trois ans au Japon, en Allemagne et en France pour rassembler la documentation nécessaire à l’écriture de ce roman basé sur des faits réels. Le 22 février 1943, Joseph Goebbels a effectivement offert un Stradivarius à la prodige nippone Nejiko Suwa, 23 ans et déjà promise à entrer dans l’Histoire comme la plus grande violoniste japonaise de tous les temps. Un cadeau politique scellant l’amitié entre deux pays.

L’auteur s’est inspiré des documents de l’époque, en a retranscrit, a comblé les trous laissés par le temps, complété les non-dits des témoignages et pénétré dans les pensées intimes des protagonistes.

Le résultat est un récit fluide et captivant, poignant et glaçant, où la musique côtoie l’horreur.

Nejiko Suwa subit l’Histoire, en profite aussi, avec ce violon exceptionnel mais hanté qui lui résiste, ballottée comme un jouet entre les hommes et les événements dans une guerre qu’elle ne comprend pas, au gré des victoires et défaites des uns et des autres.

Au-delà du destin de Nejiko Suwa, Yoann Iacono souligne le lien intime entre violon et violoniste, le détournement de la musique à des fins de propagande politique, l’invraisemblable spoliation d’instruments de musique et d’œuvres d’art dont ont été victimes les Juifs, les atrocités de la guerre commises par les nazis allemands mais aussi par les Japonais, la politique d’après-guerre et les petits arrangements pratiqués au nom de l’avenir et des intérêts des états et l’impunité totale dont ont bénéficié certains qui ont ainsi pu mener une vie tranquille après la guerre malgré des actes monstrueux perpétrés durant le conflit. Il interroge sur le rôle des artistes durant une guerre.

Un livre remarquable.

Bande son

Lu en écoutant le concerto pour violon et orchestre de Tchaïkovski, op.35 et le concerto 2 pour violon et orchestre de Mendelssohn, op. 64.

L’auteur et son œuvre

Yoann Iacono est né à Bordeaux, en 1980. Haut fonctionnaire et conseiller politique, il est également auteur. Après Le Stradivarius de Goebbels en 2021, il écrit un deuxième roman en 2023 : Les vies secrètes de Vladimir, présentant la vie de Maïakovski.

Mon Yoann Iacono ++

Je n’ai rien lu d’autre de cet auteur pour le moment.

À découvrir aussi (clic sur le titre pour en savoir davantage)

D’autres lectures
Karine Tuil – La décision
Hervé Le Tellier – L’anomalie

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Leonardo Padura – L’homme qui aimait les chiens

(Roman historique / 2009 / El hombre que amaba a los perros)

Couverture du roman L'homme qui aimait les chiens de Leonardo Padura

Quel roman ! Un pavé (806 pages). Un récit dense, instructif et oppressant. Quatre histoires prenantes en une : la vie de l’assassin de Trotski, la guerre civile espagnole, l’exil de Trotski et la vie d’un écrivain raté à Cuba. Leonardo Padura réussit à tenir le lecteur en haleine alors que celui-ci connaît forcément l’issue fatale de l’homme politique soviétique et celle de la guerre en Espagne. Du grand art.

Le point commun entre ces histoires qui s’entrecroisent : l’ombre maléfique d’un Staline sans scrupules, assoiffé de sang et de pouvoir à n’importe quel prix. Le Montagnard caucasien tire les ficelles de ces tragédies à l’échelle mondiale, n’hésitant pas à laisser des champs de ruines derrière lui et à sacrifier des milliers de camarades pour les besoins de la cause et pour asseoir sa suprématie personnelle au sein du Parti. Qu’aurait pensé Vladimir Ilitch de la politique de Staline et de ses purges monstrueuses ? Nous ne le saurons jamais.

L’homme qui aimait les chiens est le résultat d’un travail minutieux de Leonardo Padura qui romance avec un remarquable soin du détail la vie et les pensées de Lev Davidovitch, alias Trotski, après son bannissement, les déboires de sa famille mais aussi la mécanique implacable et le cheminement mental de l’assassin de Trotski qui mèneront Ramon Mercader à commettre l’irréparable. La lente agonie des révolutionnaires espagnols et cubains, à deux époques différentes, complète le tableau.

Trahisons, mensonges d’État, manipulations mentales, faux-semblants, fuites, dénonciations, faux procès scénarisés et vrais massacres au programme. Les gouvernements soviétiques et cubains n’en sortent pas grandis.

L’auteur et son œuvre

Leonardo Padura est né le 9 octobre 1955 à La Havane. Ce journaliste, scénariste et écrivain cubain a écrit une quinzaine de romans, dont une dizaine mettant en scène l’enquêteur Mario Conde. Il a obtenu de nombreux prix littéraires, dont le prix Princesse des Asturies de littérature en 2015.

Mon Leonardo Padura ++

Je n’ai rien lu d’autre de cet auteur pour le moment.

À découvrir aussi (clic sur le titre pour en savoir davantage)

D’autres lectures
Bernhard Schlink – Le liseur
Michel Bussi – Nymphéas noirs

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Kiran Millwood Hargrave – Les graciées

(Roman historique / 2020)

Couverture du roman Les graciées de Kiran Millwood Hargrave

24 décembre 1617. Un drame décime la population de Vardo, un village situé sur une île norvégienne du nord lointain. Une tempête s’abat subitement sur les bateaux au large et tue en quelques minutes une quarantaine de pêcheurs, l’ensemble des hommes de la communauté.

Pendant ce temps, le roi du Danemark s’inspire de ce qui se pratique en Ecosse pour promouvoir la religion et faire cesser les rites païens. Il envoie à Vardo un inquisiteur fanatique avec pour mission d’éradiquer les sorcières de la région.

Commentaire

Kiran Millwood Hargrave s’est inspirée de la réalité historique pour écrire Les graciées. Durant cette période sombre, quatre-vingt-onze personnes périrent au nom de Dieu dans ce coin perdu proche du cercle polaire.

Dans ce roman, l’auteure décrit avec précision les mécanismes menant à l’indicible. Sa magnifique plume acérée transmet avec une forte puissance narrative toute l’horreur de l’histoire. Le christianisme n’en sort pas grandi. Une religion pas épargnée par un obscurantisme barbare et sanguinaire. L’être humain en prend pour son grade aussi. Sa bêtise, son fanatisme, mais aussi sa cupidité, sa jalousie, son envie maladive, son désir de pouvoir, l’ensemble justifié par la loi et la religion, envers et contre toute morale. Quant à la place de la femme, à sa condition de vie, à ses devoirs, sans droits, le lecteur ne peut que frémir d’épouvante en les découvrant et la lectrice se féliciter d’avoir échappé à ces traitements cruels et injustes.

Quel monde !

Un grand roman dont on se souvient longtemps après lecture.

Un roman bouleversant.

L’auteur et son œuvre

Kiran Millwood Hargrave est née le 21 mars 1990 à Londres. Romancière, dramaturge et poétesse, elle a publié des romans pour enfants (notamment La Fille d’encre et d’étoiles, Un hiver sans fin, Julia et le Requin et le premier tome de la trilogie Geomancer : Dans l’ombre de la reine louve), des romans pour adultes (Les graciées, La danse des damnés) et des recueils de poèmes.

Mon Kiran Millwood Hargrave ++

Je n’ai lu que Les graciées de cette auteure pour le moment.

À découvrir aussi (clic sur le titre pour en savoir davantage)

D’autres lectures
Nguyen Phan Que Mai – Pour que chantent les montagnes
Lord Dunsany – La fille du roi des elfes

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Maggie O’Farrell – Hamnet

(Roman historique / 2020)

Couverture du roman Hamnet de Maggie O'Farrell

Eté 1596. Stratford dans le comté du Warwickshire. Judith, onze ans, se sent subitement mal. Hamnet, son frère jumeau, s’empresse de trouver de l’aide, mais sa mère Agnès, sa soeur Susanna, ses grands-parents, ses oncles, ses tantes et la bonne sont sortis. Son père est à Londres, occupé avec son théâtre, comme d’habitude. Hamnet sent le danger, l’urgence. La pestilence rôde. Il faut à tout prix l’empêcher de frapper celle qu’il aime par-dessus tout, sa moitié sans qui il se sent incomplet.

Commentaire

Ce livre qui relate de manière romancée le décès d’un enfant de William Shakespeare dégage une forte puissance émotionnelle. Le dramaturge n’est jamais nommé. Maggie O’Farrell utilise habilement « le père », « le mari », …

L’indicible drame est sublimé par la magnifique plume de l’auteure. Elle peint la campagne anglaise comme un tableau. Les personnages imparfaits aux caractères trempés servent admirablement le récit. La tension s’installe dès le début et monte crescendo. Le lecteur est pris aux tripes et au coeur, même en connaissant l’issue fatale de l’histoire. Et sa conséquence.

Les femmes occupent également un rôle crucial dans ce roman. Leur rôle. Ce qu’on attend d’elles et surtout ce qu’on n’en attend pas. Les limites imposées par la bienséance.

Agnès, la mère d’Hamnet, dégage une force rebelle sans doute rare à cette époque. Ce qui fait qu’elle est souvent regardée d’un mauvais oeil par ses contemporains.

Un grand roman. Un grand moment de lecture.

L’auteure et son œuvre

Maggie O’Farrell est née en 1972 à Coleraine, en Irlande du Nord. Romancière à plein temps après avoir été journaliste, elle a écrit une dizaine de romans, dont Quand tu es parti (2000), Assez de bleu dans le ciel (2016), Hamnet (2020) et Le portrait de mariage (2022).

Mon Maggie O’Farrell ++

Je n’ai rien lu d’autre de cette auteure pour le moment.

À découvrir aussi (clic sur le titre pour en savoir davantage)

D’autres lectures
Vicki Myron – Dewey
Robert Le Plana – Nuances urbaines

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Camille de Peretti – L’inconnue du portrait ♥

(Roman / 2024)

Couverture du roman L'inconnue du portrait de Camille de Peretti

Un roman qui parle d’un tableau. J’ai immédiatement pensé à La jeune fille à la perle de Tracy Chevalier, en me disant que L’inconnue du portrait aurait du mal à atteindre un tel niveau. J’ai eu tort. Les deux chefs-d’œuvre cohabitent très bien et n’ont rien à envier l’un à l’autre. Leurs seuls points communs sont leur excellence, leur faculté à générer des émotions fortes et le rôle prépondérant d’un tableau.

Le tableau de ce roman est Portrait d’une dame, de Gustav Klimt. Une œuvre qui a vécu d’invraisemblables et mystérieuses péripéties entre 1910 et 2019.

Alors que Vermeer est un protagoniste de La jeune fille à la perle, Klimt n’apparaît ici que comme personnage secondaire.

Camille de Peretti a réussi un double tour de force avec ce roman : inventer une histoire cohérente expliquant les aventures et mésaventures du tableau et, surtout, imaginer une merveilleuse saga familiale autour du tableau. Au point qu’on ne sait plus lequel des deux est le prétexte de la genèse de l’autre. Les deux s’imbriquent à la perfection, pour ne former qu’un, puissant, palpitant, poignant, tout comme réalité et fiction s’emboîtent à s’y méprendre. Du travail d’orfèvre.

Je ne vais pas m’attarder sur les fameuses péripéties du tableau, que je ne connaissais pas avant cette lecture. Je vous laisse les découvrir. Elles sont étonnantes.

Deux mots sur le récit présentant plusieurs générations d’une même famille, sur deux continents : quel talent !

Camille de Peretti m’a bouleversé, emporté, surpris. Les thèmes abordés : les secrets de famille, l’amour, la capacité à trouver sa place dans la société alors qu’on ne dispose pas des meilleurs atouts au départ, la réussite, le bonheur, le regard des autres, l’absence de parents, les différences sociales et les tragédies qu’elles engendrent, sans oublier les drames qui jalonnent nos vies, le tout rattaché aux épisodes de l’Histoire. Un roman dense, riche, inoubliable.

Cerise sur le gâteau, quand on ne sait plus à quel saint se vouer, j’ai découvert que les Saintes Anguilles assuraient grave !

Un roman incontournable.

L’auteure et son œuvre

Camille de Peretti est née à Paris en 1980. Elle a publié neuf livres à ce jour :

Thornytorinx (2005)
Nous sommes cruels (2006)
Nous vieillirons ensemble (2008)
La Casati (2011)
Petits arrangements avec nos cœurs (2014)
Blonde à forte poitrine (2016)
Le Sang des Mirabelles (2019)
Les Rêveurs définitifs (2021)
L’Inconnue du portrait (2024)

Mon Camille de Peretti ++

J’ai n’ai lu que L’inconnue du portrait de Camille de Peretti pour le moment.

À découvrir aussi (clic sur le titre pour en savoir davantage)

D’autres lectures
Jack London – Martin Eden
Christina Sweeney-Baird – La fin des hommes

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Christina Sweeney-Baird – La fin des hommes

(Roman / 2021 / The end of men)

Couverture du roman La fin des hommes de Christina Sweeny-Baird

Quelle belle découverte ! Quel roman intelligent !

Dans La fin des hommes, l’auteure déroule une pandémie avec une maîtrise déconcertante. Sachant qu’elle a écrit ce roman un an AVANT le Covid. Elle développe le sujet comme s’il s’agissait d’un cas d’étude fréquemment rencontré, avec une aisance acquise au fil de nombreuses expériences. Mais il ne s’agit pas d’une compilation d’événements vécus. Ce livre est une fiction, avec un degré de crédibilité à faire pâlir les plus grands spécialistes. Elle évite de se perdre dans des détails risquant de nuire à la fluidité du récit, décortique tous les aspects du problème avec une précision chirurgicale : l’origine de la maladie, le processus de propagation du virus, les erreurs de jugement ayant empêché de le circonscrire tant que c’était encore possible, la panique, le chaos dans la société, les mesures prises par les survivants pour se réorganiser et tenter de sauver l’espèce humaine.

La construction du roman est géniale. Christina Sweeney-Baird donne la parole tour à tour à un vaste panel de personnages, sur différents continents, qu’elle suit au fil de la propagation du Fléau : médecin, membre du gouvernement, journaliste, citoyen lambda, etc.

Un autre trait de génie en découle : le lecteur est aux premières loges de la pandémie, impliqué dans l’intime des personnages et dans les impacts planétaires et des spécificités locales.

De magnifiques personnages : imparfaits, réalistes, très travaillés, avec des qualités et des défauts, des espoirs, des doutes et des craintes.

J’ai tremblé avec chacun d’eux, chacune le plus souvent, le virus décimant les hommes. On sait que c’est dur pour ceux (celles) qui restent. La perte. Le deuil. Le manque. Un sens à trouver pour continuer, survivre, revivre. La résilience et la force des femmes. L’auteure traite ces aspects avec beaucoup de sensibilité et d’empathie.

Un livre qui prête à réfléchir. Le Covid en apéritif ? Un Fléau ensuite ? Et si le prochain ne s’attaque pas qu’aux femmes ?

Une dystopie à dévorer puis à ranger à côté des références du genre. Une auteure à suivre de très près !

L’auteure et son œuvre

Christina Sweeney-Baird est née en 1993. Elle a vécu à Glasgow et à Londres et a étudié le droit à l’université de Cambridge. Elle a publié en tant que journaliste indépendante dans The Independent et le Huffington Post. Aujourd’hui, elle est avocate. La fin des hommes est son premier roman.

À découvrir aussi (clic sur le titre pour en savoir davantage)

D’autres lectures
Ray Bradbury – Le vin de l’été
Karine Tuil – La décision

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Zineb Mekouar – La poule et son cumin

(Roman / 2022)

Couverture de La poule et le cumin de Zineb Mekouar

Pour son premier roman, Zineb Mekouar signe une œuvre marquante, portée par une plume précise et délicate. Elle nous propose une vision éclairée et éclairante de la condition de la femme marocaine et de la lutte des classes dans ce pays au 21e siècle.

L’auteure n’élude rien. Ni les doutes, ni les souffrances, ni les comportements qui scandalisent, ni la beauté du pays, ni les liens réciproques en « je t’aime moi non plus » entre la France et le Maroc, ni cette cruelle réalité : ceux qu’on estime et qu’on remercie sont parfois ceux qui nous poignardent dans le dos. Un roman instructif pour ma part. Révoltant et en même temps source d’espoir.

Zineb Mekouar a tissé une magnifique histoire autour de l’amitié entre deux jeunes femmes, élevées ensemble malgré une différence sociale qui aurait dû les tenir irrémédiablement éloignées l’une de l’autre. Ces beaux sentiments adoucissent la présentation factuelle d’une situation tendue entre le poids des traditions, l’omniprésence d’une religion, l’importance de la famille avec ses bons côtés mais aussi ses aspects étouffants, la fragilité d’une société, le clivage entre riches et pauvres, l’hypocrisie de l’hymen et le chemin à parcourir aux femmes et aux hommes pour enfin vivre sur un pied d’égalité, dans le respect mutuel.

Un roman émouvant. Une réussite totale.

La cerise sur ce gâteau appétissant est bien entendu le titre, la poule et son cumin, une expression marocaine qui veut dire… oh et puis non. Je vous laisse le plaisir de le découvrir par vous-même. Bonne lecture !

Extraits

Ne te laisse pas définir par son regard. Sa réaction t’apprend plus de choses sur lui que sur toi. (p.133)

 Qu’elle vive. Tout le reste, c’est de la littérature.

L’auteure et son œuvre

Zineb Mekouar est née en 1991 à Casablanca. Elle vit à Paris depuis 2009. Après La poule et son cumin, elle a publié son deuxième roman, Souviens-toi des abeilles, en 2024.

Mon Zineb Mekouar ++

Je n’ai pas encore lu Souviens-toi des abeilles.

À découvrir aussi (clic sur le titre pour en savoir davantage)

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Laurent Gaudé – Le soleil des Scorta
Alice Zeniter – L’art de perdre

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Karine Tuil – La décision

(Roman / 2022)

Couverture du roman La décision de Karine Tuil

Mai 2016. Alma Revel est juge antiterroriste. Dans le cadre de cette fonction, elle est amenée à prendre des décisions lourdes de conséquences. Pour son pays, mais aussi pour les jeunes suspectés d’avoir prêté allégeance à l’Etat islamique. Obnubilée par sa mission à tout instant, menacée de mort, insultée, il lui revient de décider qui sera libéré ou non. Avec l’insidieuse question qui tourne dans la tête : risque-t-elle de relâcher un monstre dans la nature ou au contraire d’enfermer un innocent qui tournera mal en prison ?

Comment savoir si le jeune de retour de Syrie est honnête ? Où est la vérité dans toutes les vérités possibles, exprimées, cachées ? Comment prendre le risque qu’un fanatique perpètre un énième attentat ? Mais comment justifier d’emprisonner un innocent ?

À côté de ce métier qui lui ronge la santé, elle a une liaison. Son couple bat de l’aile. Elle hésite à divorcer à cause des enfants, de la bonne décision à prendre, d’un choix là aussi irrévocable.

Commentaire

Un roman exceptionnel. Karine Tuil réussit le tour de force d’approfondir deux domaines aussi différents que la vie professionnelle d’une juge antiterroriste et les soubresauts de la vie amoureuse de la protagoniste et de son couple qui se délite, avec une puissance dans le verbe, une intensité dans le déroulé de l’histoire, une lucidité dans la nature humaine et une acuité et une compréhension remarquables.

Décisions avec répercussions nationales et décisions personnelles se télescopent dans ce roman choc qui garde le lecteur et la juge sous tension en permanence.

Le lecteur vibre à l’unisson de la juge. Il découvre avec effarement ses conditions de travail extrêmes, la haine qu’elle subit au quotidien, les limites de ses ressources, son impuissance. Fort.

Et l’autre conflit. Le couple se désagrège. La famille se lézarde. Des petits mensonges. Des chemins qui divergent. La gueule de bois d’un vieux couple.

Karine Tuil dissèque les deux vies de la juge sans juger. Du factuel. Des sentiments. Du ressenti. Des questions. Personne n’a de réponse. Des décisions s’imposent. Avec l’espoir que le meilleur en sortira. Que la vie l’emporte.

L’auteure et son œuvre

Karine Tuil est née le 3 mai 1972 à Paris. Cette romancière a écrit plus d’une douzaine de romans dont certains traduits dans une vingtaine langues. Les choses humaines a été adapté à l’écran. Elle était juriste avant de se consacrer à l’écriture.

Mon Karine Tuil ++

J’ai lu Les choses humaines également.

Les choses humaines

Jean Farel est un célèbre journaliste politique. Sa femme Claire une essayiste et une féministe engagée. Leur fils étudie dans une des plus prestigieuses universités américaines. Et un jour, tout bascule.

Une fois de plus, Karine Tuil n’a pas fait les choses à moitié. Elle décortique avec précision les arcanes d’une accusation de viol. Avec dans ce cas, l’implication d’une famille médiatisée. Les dégâts sur la victime, mais aussi les dégâts collatéraux, sur les proches. La position de l’accusé qui nie. Et la fameuse zone grise, l’incertitude sur ce qui s’est réellement passé, sur l’état d’esprit des deux personnes impliquées au moment des faits. Instructif et glaçant. Comment s’assurer d’éviter de se retrouver dans cette situation épouvantable, des deux côtés ? Un grand roman.

À découvrir aussi (clic sur le titre pour en savoir davantage)

D’autres lectures
Naomi Spenle – Un petit beurre
Donald Kingsbury – Parade nuptiale

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Wajdi Mouawad – Anima

(Roman / 2012)

Couverture du roman Anima de Wajdi Mouawad

Wahhch Debch découvre sa femme assassinée d’effroyable manière dans son salon. Tétanisé, il part à la recherche du meurtrier, déjà pour se prouver que ce n’est pas lui qui a perpétré cette horreur.

Anima est un roman noir, puissant, déstabilisant, violent et extrêmement original.

Original dans la construction. Wajdi Mouawad part d’un meurtre sordide et de fil en aiguille nous présente la situation peu enviable d’Amérindiens disséminés entre Canada et Etats-Unis, coincés entre coutumes d’un autre temps et réalité du monde actuel, puis l’histoire se transforme en quête. Le personnage principal va à la découverte de lui-même, de son passé oublié et d’événements dramatiques qui l’ont traumatisé durant son enfance. Les révélations se succèdent, le sang coule, le brouillard se dissipe et libère l’Histoire.

Original dans sa narration ensuite. L’histoire est racontée par des animaux qui croisent la route du personnage principal, des chats, des chiens, mais aussi des goélands, des écureuils, des mouches, des araignées et bien d’autres encore (je vous laisse le plaisir de découvrir Tomahawk par exemple). Chaque chapitre est ainsi unique en son genre, selon l’animal qui narre son bout de récit.

En refermant le livre, se pose une question : qui est le plus cruel, l’animal ou l’homme ? Ou non, la question ne se pose pas.

Une œuvre captivante, glaçante, inoubliable.

L’auteur et son œuvre

Wajdi Mouawad est né le 16 octobre 1968 à Deir-el-Qamar au Liban. Réalisateur, scénariste, écrivain, dramaturge, comédien, il a vécu au Liban jusqu’à ses dix ans, puis en France et au Québec.

Mon Wajdi Mouawad++

Je n’ai rien lu d’autre de cet auteur pour le moment.

À découvrir aussi (clic sur le titre pour en savoir davantage)

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Vassili Peskov – Ermites dans la taïga
Michel Bussi – Nymphéas noirs

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