Lord Dunsany – La fille du roi des elfes

(Fantasy / 1924 / The King of Elfland’s daughter)

Couverture du roman La fille du roi des elfes de Lord Dunsany

Un forgeron, un fermier, un maître-laboureur, un chasseur de cerfs, un conducteur de chevaux et sept de leurs compagnons forment le Parlement du Pays des Aulnes. Ces hommes regrettent le manque de notoriété de leur village et de leur vallée. L’apport de magie dans le royaume pourrait régler ce problème, selon eux. Ils vont trouver le Roi des Aulnes dans son château. Ils lui font part d’une requête mûrement réfléchie autour de chopes d’hydromel : être gouvernés par un prince enchanté. Le Roi des Aulnes n’est pas convaincu par la pertinence de la demande, mais s’est toujours efforcé d’écouter la voix de son peuple. Il convoque son fils aîné et le somme de se rendre dans le Royaume Enchanté, à l’Est du Pays des Aulnes, et d’épouser la fille du Roi des elfes.

Alveric, en fils obéissant, entreprend le voyage à travers la forêt enchantée, à la recherche de Lirazel, la merveilleuse fille du Roi des elfes. Il compte l’enlever, la ramener dans la Terre des Hommes, puis l’épouser…

Commentaire

Lord Dunsany nous offre ici un des premiers romans de fantasy de l’Histoire. « La fille du roi des elfes » est tout d’abord une œuvre magnifiquement écrite, d’une grande poésie, empreinte de mélancolie. L’auteur privilégie les belles descriptions et les ambiances aux dialogues et à l’action. Ce conte au charme désuet enchantera les lecteurs prêts à s’immerger dans les aventures et mésaventures des habitants du Pays des Aulnes et de leurs voisins du Royaume Enchanté. Lord Dunsany leur fera découvrir des créatures magiques, des licornes, des trolls, un monde merveilleux. Ils trembleront pour les uns, riront avec les autres, comprendront qu’il est difficile de satisfaire tout le monde, surtout lorsque les visées des uns et des autres sont contradictoires. Et verront qu’il y a souvent une morale à la fin.

J’ai beaucoup aimé. Je me suis laissé bercer par le style envoûtant de Lord Dunsany. Le petit bémol qui pourrait éventuellement déplaire : le sort réservé aux animaux victimes de la chasse. À remettre cependant dans le contexte de l’époque où le roman a été écrit, sachant de surcroît que Lord Dunsany était un adepte enthousiaste de cette pratique.

Extraits

Tandis qu’Alveric restait immobile à l’orée du bois, l’épée à la main, le souffle suspendu et le regard fixé, par-delà la pelouse, sur le chef d’œuvre renommé du Royaume Enchanté, la fille du Roi apparut seule au portail. Éblouissante, elle avança sur la pelouse sans remarquer la présence d’Alveric. Balayant la rosée et la brume dense, son pied effleurait doucement et brièvement l’herbe d’émeraude qui se courbait pour se redresser aussitôt comme nos campanules sous la caresse fugitive des papillons bleus qui errent librement au flanc des collines crayeuses. (p.35)

– Il y a combien de temps que ce rocher se trouve là ?
Comme grêle sur pommiers en fleur, la réponse réduisit ses espoirs à néant :
– Il se trouve là : à nous de nous en accommoder. (p.59)

L’hiver descendit sur la vallée et emprisonna la forêt de son étreinte qui immobilisa et raidit les ramilles. Dans la vallée, le ruisseau s’était tu et dans les pâturages, l’herbe rare était devenue aussi fragile que l’argile cuite, tandis que les bêtes soufflaient une haleine semblable à la fumée qui monte d’un feu de camp. (p.105)

Alors, blotti sur son lit de foin, le troll écouta ce qu’il croyait être l’histoire de la Terre, bien qu’il ne connût pas le langage des pigeons. (p.170)

Nous sommes partiellement aveugles aux occupations d’autrui, mais quand nous rencontrons quelqu’un qui cherche la même chose que nous, nous le comprenons aussitôt, sans qu’il soit besoin de nous le dire. Et au moment précis où Lurulu vit le rat, il comprit que lui aussi cherchait quelque nourriture. (p.170)

L’auteur et son œuvre

Edward John Moreton Drax Plunkett est né le 24/07/1878. Il devient le 18e baron de Dunsany en 1899, succédant à son père. C’est sous ce nom que cet écrivain irlandais sera connu.

En 1904, Lord Dunsany épouse la fille d’un comte. Celle-ci lui donne un fils en 1906. Il combat durant la première guerre mondiale. De 1940 à 1941, il enseigne la littérature anglaise à Athènes. Il parvient à fuir lorsque les nazis envahissent la ville.

Athlète, grand voyageur, chasseur passionné, il trouvera malgré une vie bien remplie le temps d’écrire une soixantaine de livres : des romans, des recueils de nouvelles, des pièces de théâtre, de la poésie, des essais, des autobiographies. Méprisant les progrès mécaniques, il a écrit tous ses ouvrages à la plume d’oie.

Lord Dunsany a influencé de nombreux écrivains de fantasy et de science-fiction : HP Lovecraft, Lyon Sprague de Camp, Robert E Howard, Fletcher Pratt, Neil Gaiman notamment. « La fille du roi des elfes », un des premiers romans de fantasy, est considéré comme son chef d’œuvre.

Lord Dunsany est mort à Dublin, le 25/10/1957.

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Tracy Chevalier – La jeune fille à la perle ♥

(Roman / 1999 / Girl with a pearl earring)

Couverture du roman La jeune fille à la perle de Tracy Chevalier

Début de la quatrième de couverture

La jeune et ravissante Griet est engagée comme servante dans la maison du peintre Vermeer. Nous sommes à Delft, au dix-septième siècle, l’âge d’or de la peinture hollandaise. Griet s’occupe du ménage et des six enfants de Vermeer en s’efforçant d’amadouer l’épouse, la belle-mère et la gouvernante, chacune très jalouse de ses prérogatives.
Au fil du temps, la douceur, la sensibilité et la vivacité de la jeune fille émeuvent le maître qui l’introduit dans son univers.

Commentaire

J’ai une tendresse particulière pour ce roman, découvert par hasard en 2007. Profitant de l’effet euphorisant qu’une librairie procure sur mon humble personne, je me promenais nonchalamment entre des étagères remplies de livres lorsque soudain, au détour d’un rayon, je me suis retrouvé nez-à-nez avec cette jeune fille au visage envoûtant. J’en ai eu la respiration coupée. Comme d’autres, j’étais tombé sous le charme de ce tableau de Vermeer depuis bien longtemps déjà. J’y avais fait référence peu de temps auparavant. Et voilà qu’il me regardait, imprimé sur un support qui me plaît tant, un livre.

J’ai acheté le roman illico et je l’ai lu avec délectation.

Tracy Chevalier a inventé l’histoire de ce tableau, « La jeune fille à la perle », en se basant sur les éléments historiques dont elle disposait. Rien que le fait d’avoir eu l’idée d’imaginer l’histoire de cette œuvre m’a enthousiasmé. Le résultat m’a enchanté.

Ce roman est une réussite, un sans-faute. Tout y est : le sujet, le style, l’histoire, les personnages. Et tout y est bon.

Tracy Chevalier nous dépeint avec minutie la société hollandaise du dix-septième siècle, dans un style riche et fluide, très agréable à lire. Elle décortique les relations entre les classes sociales, la cohabitation entre les religions, la place de la femme dans la société et son combat permanent pour exister, la vie de l’artiste, son côté créatif, avec des explications bienvenues sur les couleurs et la lumière notamment, mais aussi ses aspects commerciaux et ses contraintes bassement matérielles, incontournables pour subvenir aux besoins de la famille. Sans oublier la relation ambiguë qui s’installe peu à peu entre le peintre et son modèle. Pour parvenir à ses fins, l’auteure utilise une panoplie de personnages fouillés, décrits avec soin. Un magnifique exercice !

Après avoir lu ce roman, on ne voit plus le tableau tout à fait de la même manière.

Film

« La jeune fille à la perle » a été adapté au cinéma par Peter Webber en 2003. Ce film, aux couleurs exceptionnellement travaillées, offre l’un de ses plus beaux rôles à Scarlett Johansson.

Même si, comme très souvent, l’adaptation cinématographique ne rend pas complètement justice à la complexité et à la richesse du roman, en omettant de nombreux événements détaillés dans le livre et en se concentrant sur la relation entre Vermeer et Griet, le film est très beau et vaut le coup d’être vu.

Extraits

Mon père me tendit un petit paquet enveloppé dans un mouchoir. « Ça te rappellera la maison et nous tous », dit-il. (p.23)

Elle pouvait être drôle et espiègle un moment, puis agressive quelques instants plus tard, comme le chat qui ronronne mord quelquefois la main qui le caresse. (p.79)

J’avais le temps de penser, je pensais trop. J’étais comme le chien qui, à force de lécher ses plaies pour les nettoyer, les avive. (p.121)

« Dites-moi Griet, pourquoi avez-vous déplacé la nappe? » Sa voix avait le même ton que lorsqu’il m’avait questionné au sujet des légumes, dans la cuisine de mes parents.
Je réfléchis. « Il faut un peu de désordre dans la composition pour faire ressortir la sérénité du modèle, expliquai-je. Il faut quelque chose qui dérange l’œil tout en lui étant agréable, et ça l’est parce que l’étoffe et son bras sont dans une position similaire. »
Un long silence s’ensuivit. Mon maître contemplait la table. J’attendis, m’essuyant les mains à mon tablier.
« Je n’aurais pas cru que je pouvais apprendre quelque chose d’une servante », finit-il par dire. (p.187)

« Maintenant, regardez-moi. »
Je tournai la tête et le regardai par-dessus mon épaule droite.
Ses yeux s’immobilisèrent dans les miens et tout ce qui me vint à l’esprit ce fut que leur gris me rappelait l’intérieur d’une coquille d’huître.
Il semblait attendre quelque chose. Mon visage commença à refléter ma crainte de ne pouvoir le satisfaire.
« Griet », reprit-il avec douceur. Il n’eut point besoin d’en dire davantage, mes yeux s’emplirent de larmes. Je les retins, je savais faire maintenant.
« Oui. Ne bougez pas. »
Il allait peindre mon portrait. (p.232)

L’auteure et son œuvre

Tracy Chevalier, née le 19 octobre 1962 à Washington, est spécialisée dans les romans historiques. Elle vit à Londres avec son mari et son fils.

A ce jour, Tracy Chevalier a écrit dix romans.

J’ai toujours l’impression de lire du classique quand je lis du Tracy Chevalier. Outre ses thématiques historiques pointues, bien trouvées et bien documentées, Tracy Chevalier a le chic, ou plutôt le talent, de conter ses histoires de fort agréable manière. Son style soutenu et fluide à la fois, une association parfaite qui paraît si simple mais qui pourtant est en réalité tellement compliquée, rend ses livres plaisants et addictifs.

Certains protagonistes de ses romans sont des personnages ayant réellement existé.

A recommander aux lecteurs amateurs de belles écritures et de romans dont l’action se déroule à d’autres époques.

Mon Tracy Chevalier ++

J’ai lu six romans de Tracy Chevalier à ce jour, tous très recommandables.

La dame à la licorne

(2003 / The lady and the unicorn)

Désireux d’orner les murs de sa nouvelle demeure parisienne, le noble Jean Le Viste commande une série de six tapisseries à Nicolas des Innocents, miniaturiste renommé à la cour du roi de France, Charles VIII. Surpris d’avoir été choisi pour un travail si éloigné de sa spécialité, l’artiste accepte néanmoins après avoir entrevu la fille de Jean Le Viste dont il s’éprend.
La passion entraînera Nicolas dans le labyrinthe de relations délicates entre maris et femmes, parents et enfants, amants et servantes.
En élucidant le mystère d’un chef-d’œuvre magique, Tracy Chevalier ressuscite un univers de passion et de désirs dans une France où le Moyen Age s’apprête à épouser la Renaissance.
(quatrième de couverture)

L’origine de La Dame à la Licorne, tenture célèbre composée de six tapisseries, reste un mystère. Nul ne sait qui a réalisé ce chef d’œuvre, ni qui l’a commandité.
Après avoir procédé à des recherches pour savoir ce qu’il était possible de trouver à ce sujet, l’auteure a imaginé l’histoire de cette œuvre d’art. Avec brio.
Tracy Chevalier nous emmène en 1490 et nous entraîne dans des aventures rocambolesques, de Paris à Bruxelles. Avec toujours le sens du détail. Et de l’humour !
Le roman de Tracy Chevalier que je préfère, après « La jeune fille à la perle ».

La Vierge en bleu

(1997 / The Virgin blue)

Récemment arrivée des Etats-Unis avec son mari, Ella Turner a du mal à trouver sa place dans cette bourgade de province du sud-ouest de la France. S’y sentant seule et indésirable, elle entreprend des recherches sur ses ancêtres protestants qui eurent à fuir les persécutions. (début de la quatrième de couverture)

Premier roman de Tracy Chevalier. Au programme, la guerre de religions entre catholiques et protestants il y a quatre siècles. Et le destin de deux femmes séparées par ce même laps de temps. Délicieux.

Prodigieuses créatures

(2009 / Remarkable creatures)

Dans les années 1810, à Lyme Regis, sur la côte du Dorset battue par les vents, Mary Anning découvre ses premiers fossiles et se passionne pour ces prodigieuses créatures qui remettent en question les théories sur la création du monde. Très vite, la jeune fille issue d’un milieu modeste se heurte à la communauté scientifique, exclusivement composée d’hommes. (début de la quatrième de couverture)

Biographie romancée de Mary Anning et de son amie Elizabeth Philpot, chasseuses de fossiles à Lyme, à une époque où la science était réservée aux hommes d’une certaine condition sociale.
L’histoire est à la fois captivante et instructive. L’écriture, comme d’habitude chez Tracy Chevalier, est remarquable, voire prodigieuse. La quatrième de couverture mentionne « une finesse qui rappelle Jane Austen ». Le style est avant tout celui de Tracy Chevalier, et c’est mine de rien un beau compliment.

La dernière fugitive

(2013 / The last runaway)

1850. Après un échec sentimental, Honor Bright, quaker anglaise, embarque pour l’Amérique en compagnie de sa sœur, partie rejoindre son fiancé. Très vite, elle doit apprendre à survivre et à se reconstruire dans un nouveau pays aux coutumes étranges.

Un autre très bon roman de Tracy Chevalier. L’auteure raconte la vie des quakers et celle des femmes dans un pays encore sauvage. Par ailleurs, elle décrit le chemin de fer clandestin, ce réseau de routes et de contacts secrets emprunté par les esclaves en fuite, dans ce même pays soumis aux lois esclavagistes. Prenant.

A l’orée du verger

(2016 / At the edge of the orchard)

En 1838, la famille Goodenough s’installe sur les terres marécageuses du Black Swamp, dans l’Ohio. Le père est obsédé par son verger. La mère déteste ces pommiers. Chaque hiver, la fièvre emporte un de leurs enfants.

Roman plus sombre que les précédents. Toujours aussi bien écrit.

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Gillian Flynn – Les lieux sombres

(Thriller / 2009 / Dark places)

Couverture du roman Les lieux sombres de Gillian Flynn

Quatrième de couverture

Début des années 1980. Libby Day a sept ans lorsque sa mère et ses deux sœurs sont assassinées dans la ferme familiale. La petite fille, qui a échappé au massacre, désigne le meurtrier à la police, son frère Ben, âgé de quinze ans. Vingt-cinq ans plus tard, alors que son frère est toujours derrière les barreaux, Libby souffre de dépression chronique. Encouragée par une association, elle accepte de retourner pour la première fois sur les lieux du drame. Et c’est là, dans un Middle West dévasté par la crise économique, qu’une vérité inimaginable commence à émerger…

Commentaire

Mon premier Gillian Flynn. Et ce « Les lieux sombres » a été une excellente surprise !

Tout est bon dans ce roman sombre, très sombre.

Le contexte tout d’abord. Gillian Flynn nous dépeint avec minutie une crise sociale dans une Amérique très éloignée de l’American dream et de ses success stories. Elle nous plonge au cœur de la misère rurale, violente, dans un monde où les dettes étouffent ceux qui s’escriment à garder la tête hors de l’eau.

L’écriture. Dans un style fluide et précis, le roman navigue entre passé et présent, entre différents points de vue, offrant un rythme haletant et prenant. S’ajoute à cet exercice de style particulièrement réussi, un ton général comportant une certaine dose d’humour constamment mise à mal par la sinistrose et la détresse ambiantes. Du grand art.

Les personnages ensuite, complexes, fouillés, torturés. Gillian Flynn les met à nu, avec leurs forces et leurs faiblesses, avec leur envie de s’en sortir et leurs bassesses. Elle parvient à les rendre attachants malgré leurs défauts. Le meilleur exemple est l’héroïne, Libby Day. Voleuse, menteuse, paresseuse, convaincue que tout lui est dû suite à son expérience traumatisante, elle n’a au début du roman rien pour plaire. Et pourtant, on comprend qu’elle n’est pas aussi superficielle qu’il n’y paraît, on finit par l’apprécier, par souhaiter qu’elle s’en sorte. Elle réussit à nous toucher.

Le scénario est diabolique, l’intrigue habilement menée, les rebondissements palpitants, les révélations distillées au compte-goutte, le suspense permanent. À chaque page, je n’avais qu’une hâte : connaître la suite, sachant en même temps pertinemment que je regretterais d’atteindre la fin du livre, tellement je prenais plaisir à le lire.

Passionnant. Jubilatoire.

L’auteure et son œuvre

Gillian Flynn est née en 1971 à Kansas City, dans le Missouri.

Journaliste, scénariste et romancière, elle a écrit à ce jour trois romans et une nouvelle.

Son premier roman a fait l’objet d’une mini-série. Les deux suivants ont été adaptés au cinéma.

Gillian Flynn ne fait pas dans la quantité, mais la qualité est incontestablement au rendez-vous dans chacune de ses œuvres. Ses personnages sont touffus, travaillés, jamais parfaits, loin de là. Ses intrigues sont finement élaborées et truffées de surprises. L’atmosphère de ses romans suinte le mal-être, l’imperfection, mais l’espoir aussi dans la galère ambiante.

Je conseille vivement cette romancière aux amateurs du genre.

Mon Gillian Flynn ++

J’ai lu et énormément apprécié les 2 autres romans de cette auteure.

Les apparences

(2012 / Gone girl)

Missouri. Amy et Nick forment un couple modèle, en apparence du moins. Un jour Amy disparaît, leur maison est saccagée, des traces de sang laissent imaginer le pire. Nick devient très vite le suspect idéal.

Gros succès international, « Les apparences » m’a presqu’autant plu que « Les lieux sombres ». La découverte de la romancière et de son style en moins. Du thriller haut de gamme. Machiavélique et étonnant à souhait. Exceptionnel, tout simplement.

Sur ma peau

(2006 / Sharp objects)

La ville de Wind Gap dans le Missouri est sous le choc : une petite fille a disparu. Déjà l’été dernier, une enfant avait été sauvagement assassinée… Une jeune journaliste, Camille Preak, se rend sur place pour couvrir l’affaire. Elle-même a grandi à Wind Gap. Mais pour Camille, retourner à Wind Gap, c’est réveiller de douloureux souvenirs. (début de la quatrième de couverture)

Le premier thriller de Gillian Flynn. Et comme les autres : époustouflant !

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Jack London – Martin Eden ♥

(Roman / 1909)

Couverture du roman Martin Eden de Jack London

Martin Eden est un jeune marin issu des bas-fonds d’Oakland. Un jour, il est admis par hasard chez des bourgeois et tombe amoureux de la jeune fille de la maison, Ruth. Il a envie de la conquérir mais comprend rapidement qu’il traîne deux gros handicaps pour arriver à ses fins. D’une, Ruth et lui n’appartiennent pas à la même classe sociale. De deux, son ignorance et son manque de culture paraissent rédhibitoires pour intégrer ce monde qu’il découvre à peine et conquérir la belle. Il n’abandonne pas pour autant et commence par s’instruire. Il projette de devenir écrivain.

Commentaire

Attention chef d’œuvre !

Jack London évoque souvent de grands espaces blancs, des chiens de traîneau, la nature sauvage. Ces thématiques, notamment développées dans « L’appel de la forêt » et « Croc-Blanc », ne sont pas à l’ordre du jour dans ce roman.

« Martin Eden », en partie autobiographique, dépeint une certaine société américaine du début du 20e siècle, le gouffre séparant les classes sociales, les conditions de travail déplorables des classes ouvrières, l’ascension sociale méritée grâce à un travail acharné, la passion amoureuse, l’écriture, les éditeurs, les illusions, les désillusions, le paraître, l’étroitesse d’esprit de ceux qui pensent savoir, l’hypocrisie, la solitude. Un roman exceptionnel, d’une grande richesse au niveau des sujets abordés et d’une extrême lucidité quant à leur traitement. En plus, il est très bien écrit. Un de mes préférés, tous styles confondus.

Extraits

Ils avaient appris la vie dans les livres, et lui l’avait vécue. (p.48)

Jamais elle n’aurait deviné qu’à ces moments-là, cet homme venu d’un milieu inférieur la dépassait par la grandeur et la profondeur de ses conceptions. Comme tous les esprits limités qui ne savent reconnaître de limites que chez les autres, elle jugea que ses propres conceptions de la vie étaient vraiment très vastes, que les divergences de vues qui les séparaient l’un de l’autre marquaient les limites de l’horizon de Martin et rêva de l’aider à voir comme elle, d’agrandir son esprit à la mesure du sien. (p.99)

Autrefois, il s’imaginait naïvement que tout ce qui n’appartenait pas à la classe ouvrière, tous les gens bien mis avaient une intelligence supérieure et le goût de la beauté ; la culture et l’élégance lui semblaient devoir marcher forcément de pair et il avait commis l’erreur insigne de confondre éducation et intelligence. (p.306)

Ils ont essayé d’écrire et ils n’ont pas pu. Et voilà justement le paradoxe idiot de la chose : toutes les portes de la littérature sont gardées par des cerbères : les ratés de la littérature. Éditeurs, rédacteurs, directeurs des services littéraires des revues et librairies, tous, ou presque tous, ont voulu écrire et n’ont pas réussi. (p.318)

Ce n’est pas dans le succès d’une œuvre qu’on trouve sa joie, mais dans le fait de l’écrire. (p.341)

J’étais le même alors, le même qu’aujourd’hui. Et vous ne m’avez pas reconnu. Pourquoi me reconnaissez-vous aujourd’hui ? (p.445)

Il y eut un long grondement et il lui sembla glisser sur une interminable pente. Et, tout au fond, il sombra dans la nuit. Ça, il le sut encore : il avait sombré dans la nuit.
Et au moment même où il le sut, il cessa de le savoir. (p.478)

Ailleurs sur la toile

Direction le Québec. Mamaki sur sa chaîne Youtube Sous le ciel nous livre des mots très justes dans son analyse de « Martin Eden » :

L’auteur et son œuvre

John naît le 12 janvier 1876. Sa mère est abandonnée par son père biologique. Elle se marie quelques mois plus tard avec John London, un veuf, père de deux enfants. Le futur écrivain est appelé Jack à partir de ce moment-là, pour ne pas le confondre avec son père adoptif.

La famille s’installe à Oakland en 1886. Il fréquente la bibliothèque publique de la ville, donnant peut-être naissance à une future vocation. Il effectue des petits boulots. À partir de 1890, il devient ouvrier, puis pilleur d’huîtres. Il côtoie des voyous, découvre l’alcool et les filles.

En 1893, il s’engage sur une goélette qui l’emmènera jusqu’au Japon. À son retour, il gagne un concours de rédaction en prose et fait publier le récit d’une de ses expériences en mer dans le quotidien « San Francisco Morning Call ».

Il occupe des boulots harassants. Il subit ensuite la panique de la crise de l’emploi de cette année-là et se retrouve sans travail.

Engagement politique

En 1894, il adhère au parti socialiste. Il vit dans la misère, est emprisonné 30 jours pour vagabondage.

Jack London intègre le lycée en 1895, puis l’université en 1896. Il continue de militer pour le parti, est condamné à un mois de prison pour agitation. Il étudie intensément mais doit abandonner l’université de Berkeley par manque de moyens financiers.

En 1897, il participe à la ruée vers l’or au Klondike. Atteint du scorbut, il est rapatrié en 1898.

Ses expériences et ses voyages constitueront une riche source d’inspiration.

Il continue d’écrire et, en 1900, parvient à faire publier un premier recueil de nouvelles « Le fils du loup », un premier pas vers le succès. Il se marie la même année avec Bessie Maddern qui lui donnera deux filles.

En 1902, il vit à Londres. Son expérience anglaise lui sert pour l’écriture d’un essai : « Le peuple de l’abîme ».

Succès

Il obtient succès et célébrité en 1903, avec la publication de son roman « L’appel de la forêt ». Il enfoncera le clou en 1906 avec « Croc-Blanc ». Entretemps, il aura divorcé, couvert le conflit russo-japonais au Japon et en Corée en 1904 et se sera remarié en 1905 avec Charmian Kittredge.

Jack London construit un ranch en 1905, puis un bateau en 1907. Il embarque pour un tour du monde qui s’arrête en Australie : il est malade et doit être soigné.

Il enchaîne les romans à succès : « Le talon de fer » en 1908, son grand roman politique et la première dystopie moderne, puis « Martin Eden » en 1909 qu’il présentera lui-même comme une dénonciation de l’individualisme souvent mal comprise par le public.

Jack London meurt le 22 novembre 1916, d’une urémie, alors qu’il prend de la morphine, souffrant aussi de dysenterie et d’alcoolisme.

Il aura écrit plus d’une vingtaine de romans, des essais, plus de 200 nouvelles, des récits d’aventures, d’autres à couleur socialiste, parfois autobiographiques, certains s’apparentant même à de la science-fiction. Il aura été un des premiers écrivains américains capitalisant fortune et célébrité grâce à la littérature.

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John Irving – L’oeuvre de Dieu, la part du Diable ♥

(Roman / 1985 / The cider house rules)

Couverture du roman L'oeuvre de Dieu, la part du Diable de John Irving

Années 1920. Au fin fond du Maine, le docteur Wilbur Larch met des enfants non désirés au monde (l’œuvre de Dieu), des bébés abandonnés qu’il recueille dans son orphelinat. Il pratique aussi l’avortement (la part du Diable), contre les lois en vigueur.

Homer Wells est un de ces orphelins. Plusieurs tentatives pour le placer en famille d’adoption échouent. Il sera finalement autorisé à rester à l’orphelinat, auprès du docteur Larch, de nurse Angela et de nurse Edna qu’il considère comme sa véritable famille. Larch le prend sous sa coupe et lui apprend peu à peu le métier d’obstétricien.

Commentaire

« L’oeuvre de Dieu, la part du Diable » est un roman bouleversant, drôle, abordant des sujets sensibles (avortements, enfants non désirés, abandons) sans tomber dans le jugement ou le caricatural. Fidèle à son habitude, Irving nous offre son lot de personnages attachants et complexes. Il est difficile de reposer le livre une fois qu’on s’est plongé dans cette magnifique histoire. Irving est au sommet de sa forme. Il développe ses sujets avec maîtrise et aisance. La narration est exceptionnelle. Les idées fusent. L’humour et l’émotion sont extraordinairement bien dosés. Le lecteur passe du rire aux larmes en l’espace de quelques paragraphes. Du grand art.

Le début de résumé ci-dessus ne rend pas justice à la qualité, à l’intensité et à la richesse du récit (pourquoi la pomme sur la couverture, tout d’abord ? et puis il y aurait tant à dire sur Melony, sur Candy, sur Wally, sur Ange aussi). Un roman génial. Le meilleur de John Irving à mon sens.

Extraits

Les raisons pour lesquelles les orphelins doivent être adoptés avant l’adolescence ? C’est qu’ils ont besoin d’être aimés et d’avoir quelqu’un à aimer, avant de s’embarquer dans cette phase nécessaire de l’adolescence, à savoir : le besoin de tromper, soutenait Larch dans sa lettre. L’adolescent découvre que le mensonge est presque aussi séduisant que le sexe et beaucoup plus facile à pratiquer. (p.125)

 Je ne prétends pas que c’est bien, tu comprends ? Je dis que c’est à elle de choisir – c’est un choix de femme. Elle a le droit d’avoir le choix, tu comprends ? (p.142)

 Il faut que tu les aides parce que tu sais comment les aider. Demande-toi qui les aidera si tu refuses. (p.639)

– C’est dur d’avoir envie de protéger quelqu’un et d’en être incapable, fit observer Ange.
– On ne peut pas protéger les gens, petit, répondit Wally. Tout ce qu’on peut faire, c’est les aimer. (p.702)

L’auteur et son œuvre

John Irving naît le 2 mars 1942. Il grandit dans le New Hampshire. Étudiant médiocre, il excelle en lutte. En 1963, il obtient une bourse et part étudier un an à Vienne. Il publie son premier roman à l’âge de 26 ans. La consécration n’arrivera qu’avec le quatrième, « Le monde selon Garp », best-seller international, comme le sont devenus tous ses écrits par la suite.

Il a publié à ce jour 15 romans, un recueil de nouvelles, un essai et un livre pour enfants.

Certains thèmes sont récurrents dans son œuvre : la lutte, la Nouvelle-Angleterre, Vienne, les ours, les relations de couple, un parent absent (John Irving n’a pas connu son géniteur, Irving est le nom de son père adoptif).

John Irving est un conteur-né. Inventif, habile, imprévisible, addictif, il soigne autant ses personnages que ses histoires. Il écrit merveilleusement bien. Et en plus, il a beaucoup d’humour. Un grand écrivain.

Mon John Irving ++

J’ai lu 10 romans de John Irving, tous recommandables. J’ai une préférence cependant pour les suivants, autres petits chefs-d’œuvre absolument savoureux :

Une veuve de papier

(1998 / A widow for one year)

En 1958, Ted Cole, un auteur de livres pour enfants, pousse son assistant saisonnier de 16 ans dans les bras de Marion, sa femme. Il veut précipiter un divorce devenu inéluctable depuis la mort de leurs deux fils.

Dernière nuit à Twisted River

(2009 / Last night in Twisted River)

À Twisted River, les bûcherons mangent chez le Cuistot et chez son fils. Jusqu’au drame. Une très belle histoire de brutes, d’ours, de meurtres, de fuites et de femmes, indiennes, italiennes…

Le monde selon Garp

(1978 / The world according to Garp)

L’histoire déjantée de S.T. Garp, qui deviendra écrivain, et de sa mère, infirmière et féministe malgré elle, qui a choisi le sergent technicien Garp, « opérationnellement intact » malgré un cerveau endommagé, comme père de son unique enfant.

Le premier roman de John Irving que j’ai lu. Imparable.

L’Hôtel New Hampshire

(1981 / The Hotel New Hampshire)

L’histoire désopilante et grave, loufoque et émouvante, de l’excentrique famille Berry, deux parents, cinq enfants, un ours, un chien, dans trois hôtels sur deux continents.

Une prière pour Owen

(1989 / A prayer for Owen Meany)

Owen, ami du narrateur, se croit l’instrument de Dieu. Dans l’Amérique d’avant la guerre du Vietnam, à 11 ans, il en paraît 6, mais affiche une intelligence au-dessus de la moyenne. Une histoire drôle et bouleversante.

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Ken Grimwood – Replay

(Roman – fantastique / 1986)

Couverture du roman Replay de Ken Grimwood

Jeff Winston meurt d’une crise cardiaque à l’âge de 43 ans. Il se réveille dans son corps d’étudiant en ayant conservé les souvenirs de sa vie précédente. Une deuxième chance lui est offerte pour améliorer sa première existence, avec de nouveaux atouts dans son jeu : ses acquis et la connaissance de l’avenir proche. S’en sortira-t-il mieux cette fois-ci ? Et qu’arrivera-t-il le fameux jour de son décès à 43 ans ?

Commentaire

À la lecture du synopsis, on pourrait imaginer être en présence d’une énième version du thème abondamment exploité du voyage dans le temps, avec des machines hautement technologiques, des concepts scientifiques élaborés, des obscures failles temporelles, des paradoxes savamment développés, voire des guerres post-apocalyptiques. Que nenni. « Replay » s’inscrit dans un autre registre.

« Replay » est un roman exceptionnel.

Un roman addictif. Le lecteur est ballotté entre les rêves, les désillusions, les histoires sentimentales, les objectifs, les doutes et les espoirs, les réussites et les échecs des protagonistes. Il est tour à tour ému, surpris, déçu ou heureux par la tournure des événements, la curiosité constamment en éveil. L’écriture est fluide, l’intrigue constamment relancée.

Un roman intelligent. Ken Grimwood explore avec habileté deux sujets majeurs dans « Replay » : le grand amour et le sens de la vie.

Je ne vais pas m’étendre sur le grand amour, admirablement traité. En d’autres termes, il ne s’agit pas d’une histoire larmoyante à l’eau de rose.

Le sens de la vie

Ce deuxième sujet est plus complexe que le grand amour. Que faire de notre existence ? Jouir des plaisirs de la chair et de l’esprit ? Gagner beaucoup d’argent et accumuler des biens matériels ? Se rendre utile à la société ? Mener une paisible vie familiale ? Changer le monde ? Un peu de tout ça à la fois ? Mais comment s’y prendre ? Où placer le curseur ? Avec qui ? Ce roman rappelle que le temps s’écoule inexorablement. Que dans la vraie vie, nous n’avons qu’une vie, et que nous avons tout intérêt à savoir la vivre. Parce que le temps passé ne revient pas. Parce que chacun de nos choix oriente notre voyage de manière significative, parfois sans retour en arrière possible, en écartant définitivement certains chemins potentiels. Et parce que ne pas choisir et se complaire dans la routine est aussi un choix.

Un roman touchant, marquant. Un roman qui laisse méditer longtemps après la dernière page tournée, qui fait reconsidérer le sens de la vie, de notre unique vie.

À lire pas uniquement par les amateurs de science-fiction ou de fantastique : ce roman va au-delà des genres littéraires et peut être apprécié par tout lecteur aimant les bonnes histoires et les axes de réflexion abordés.

Extraits

Ce qui lui avait paru autrefois merveilleusement érotique lui était maintenant révélé dans toute sa médiocrité, sans l’embellissement que confère le recul du temps : une petite branlette rapide sur le siège avant d’une Chevrolet, avec comme toile de fond de la mauvaise musique. (p.49)

 Voyez-vous, il y a le blues triste… Mais le blues le plus triste, c’est pour ceux qui ont eu tout ce qu’ils désiraient puis l’ont perdu et savent qu’ils ne l’auront jamais plus. Aucune souffrance au monde n’est pire que celle-là. (p.154)

 Les vieillards, surtout, le fascinaient : leurs regards pleins de souvenirs lointains et d’espoirs perdus ; leur corps voûté comme en prévision de la fin des temps. (p.404)

 Même le bonheur qu’ils étaient parvenus à trouver ensemble s’était écoulé à une vitesse vertigineuse : quelques années volées ici et là, des moments fugitifs d’amour et de contentement pareils à des bulles évanescentes d’écume sur une mer de solitude, de séparation inutile. (p.404)

 Chaque vie avait été différente, car chaque choix est toujours différent, imprévisible dans ses conséquences et son aboutissement. (p.428)

 Le seul véritable échec, et le plus douloureux, aurait été de ne prendre aucun risque. (p.428)

 Sa vie dépendait de lui, et de lui seul. Les possibilités étaient infinies et il le savait. (p.430)

L’auteur et son œuvre

Ken Grimwood est né le 27 février 1944 en Floride. Marié, sans enfants, il décède le 6 juin 2004 d’une crise cardiaque.

Il a écrit cinq romans. « Replay » est le seul à avoir été traduit en français à ce jour.

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Arnaldur Indridason – Série « Erlendur »

(Policier / 1997-…)

Couverture du roman Les fils de la poussière d'Arnaldur Indridason (série Erlendur)

Série de romans policiers présentant des enquêtes menées en Islande par le commissaire Erlendur Sveinsson et ses équipiers Elinborg et Sigurdur Oli. Parallèlement à ces investigations, la vie personnelle du trio est dévoilée peu à peu. Le tourmenté Erlendur, marqué par une tragédie dans son enfance, mène une existence solitaire. Il est en mauvais termes avec son ex-femme qu’il évite autant que possible depuis leur rupture et entretient des rapports compliqués avec ses deux grands enfants, Eva Lind et Sindri Snaer. Elinborg, cuisinière hors pair, est mariée et mère de famille. Sigurdur Oli s’efforce de stabiliser sa relation avec Bergthora.

Commentaire

Attention dépaysement ! Bonjour l’Islande ! Nous sommes loin des romans policiers américains ou de nos proches contrées européennes. Ici, pas de guerres entre mafias, pas de courses-poursuites en voiture à tombeau ouvert, pas d’échanges de tirs assourdissants entre gangsters et forces de l’ordre. Erlendur et ses équipiers ne sont même pas armés. Les crimes restent sordides : une femme pendue dans son chalet, un Père Noël retrouvé mort dans la cave d’un hôtel de luxe, un enfant poignardé au pied de son immeuble, un homme retrouvé attaché au fond d’un lac qui s’est vidé. Et puis il y a des disparitions non élucidées, récentes ou plus anciennes.

L’atmosphère de cette série est sombre, hantée, entre présent et passé, et pourtant aussi pleine de poésie, de sensibilité et d’espoir.

Indridason s’intéresse aux victimes, aux coupables, mais aussi aux conséquences des drames sur l’entourage des uns et des autres. Il décrypte la succession d’événements qui ont mené aux désastres, les hasards à mettre sur le dos de la malchance, les causes profondes liées aux mauvais côtés de la nature humaine. Ou alors il conclut à l’impossibilité de découvrir certaines vérités. Il dépeint des violences conjugales, des blessures non cicatrisées, le désespoir de personnes ordinaires, la cupidité, le mal-être, les banlieues chics et les bas-fonds alcoolisés de Reykjavik. Il fouille dans le passé de l’île, déterre des catastrophes oubliées, décrit les effets du temps sur les survivants. C’est d’ailleurs une des thématiques les plus importantes de la série : le temps et son action sur la vie des gens.

À consommer sans modération.

Extraits de « Étranges rivages »

En règle générale, il se mettait en route tôt le matin et marchait jusqu’au soir, mais il arrivait aussi qu’il passe la nuit sur un tapis de mousse, seul avec les oiseaux. Il aimait s’allonger sur le dos, la tête posée sur son sac, les yeux levés vers les étoiles en méditant sur ces théories qui affirmaient que le monde et l’univers étaient encore en expansion. Il appréciait de regarder le ciel nocturne et son océan d’étoiles en pensant à ces échelles de grandeur qui dépassaient l’entendement. Cela reposait l’esprit et lui procurait un apaisement passager de pouvoir réfléchir à l’infiniment grand, au grand dessein. (p.101)

Je me demande d’ailleurs qui pourrait bien s’intéresser à des histoires concernant de simples gens que tout le monde a oubliés. (p.109)

C’est comme ça. C’est la vie. Ce genre de chose arrive. […] Tout le monde a un passé. (p.130)

C’est à eux que va ma compassion. Ce sont eux qui doivent affronter l’événement et s’en accommoder. Ils doivent faire face au deuil et la douleur de l’absence les accompagne jusqu’à la fin de leur vie. Ce sont ceux qui restent auxquels je m’intéresse le plus. (p.155)

C’est tellement peu, ce qu’on peut faire. (p.156)

Bientôt, cette histoire, le destin de ces gens, leurs vies emplies de deuils et de victoires, sombreraient dans l’oubli. (p.156)

Vous êtes l’homme le plus buté que j’ai rencontré durant ma longue existence. (p.305)

Romans de la série

À ce jour, cette série est composée de 14 romans. À noter qu’en France, les deux premiers romans de la série n’ont été publiés qu’après le quatorzième. Les lecteurs francophones ont donc découvert Erlendur dans « La cité des jarres », en 2005.

A noter également que « Le duel », « Les nuits de Reykjavik » et « Le lagon noir » sont chronologiquement les trois premières aventures d’Erlendur.

Les fils de la poussière (1997 / Synir duftsins)
Les roses de la nuit (1998 / Dauðarósir)
La cité des jarres (2000 / Mýrin)
La femme en vert (2001 / Grafarþögn)
La voix (2002 / Röddin)
L’homme du lac (2004 / Kleifarvatn)
Hiver arctique (2005 / Vetrarborgin)
Hypothermie (2007 / Harðskafi)
La rivière noire (2008 / Myrká)
La muraille de lave (2009 / Svörtuloft)
Étranges rivages (2010 / Furðustrandir)
Le duel (2011 / Einvígið)
Les nuits de Reykjavik (2012 / Reykjavíkurnætur)
Le lagon noir (2014 / Kamp Knox)

L’auteur et son œuvre

Arnaldur Indridason est né le 28 janvier 1961 à Reykjavik où il vit. Ses livres sont publiés dans plus de vingt-cinq pays. Avant d’être un écrivain à succès, Arnaldur Indridason a obtenu un diplôme en histoire, puis a travaillé en tant que journaliste, scénariste indépendant et critique de films. Il est marié et père de trois enfants.

Indridason a écrit 25 romans à ce jour : 14 dans la série « Erlendur », 3 dans la « Trilogie des ombres », 4 dans une nouvelle série de polars, la série « Konrad », débutée en 2017 et 4 romans indépendants.

Le style d’Indridason est tout en finesse. Les personnages de ses romans sont fouillés, les histoires prenantes et les intrigues déroulées avec subtilité. Indridason est l’écrivain nordique de romans policiers le plus talentueux que j’ai lu. Incontournable pour les amateurs du genre.

Mon Arnaldur Indridason ++

Je n’ai lu qu’un roman d’Indridason en-dehors de la série « Erlendur ». Et je l’ai adoré :

Betty

(2003 / Bettý)

Une histoire basée sur le classique trio amoureux. Du fond de sa cellule, le personnage principal raconte sa rencontre avec Betty, leur amour, le drame, comment il a été accusé, pourquoi sa culpabilité n’a fait aucun doute. Et pourtant.

Une autre manière de décrire ce roman pourrait être celle-ci :

Si je vous dis « Arnaldur Indridason », vous me répondez sans doute « Erlendur ». J’acquiesce, « Excellent choix… ». Vous souriez. Et je termine : « …mais encore ? ». Des rictus se figent. Les mieux renseignés tentent un timide « Opération Napoléon » mais baissent les yeux devant mon air narquois. Je lâche « Betty ». Vous souriez, soulagé. « Mais Betty, c’est Tiffany McDaniel ». Je secoue la tête. « Je ne parle pas de Betty, mais de Betty ». Incompréhension. « Avec un accent sur le y ». J’apprécie le regard entendu des rares qui savent et la perplexité absolue des autres. J’explique. « Betty. Un roman noir. Aussi sombre, aussi consistant, aussi surprenant, aussi savoureux, aussi goûtu, aussi explosif que la première gorgée d’une Pannepot Special Reserva tempérée par une nuit glaciale dans une cabane perdue au fond d’une forêt du grand nord, tandis que les hurlements des loups à l’extérieur donnent l’impression d’une réincarnation de Lemmy braillant « Killed by death » à la lune sanglante. »

Du très bon.

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Fred Vargas – Série « Adamsberg »

(Policier / 1991 – …)

Couverture du roman L'homme aux cercles bleus de Fred Vargas (série Adamsberg)

Série de romans policiers made in France. Le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg est à la tête des enquêteurs de la Brigade Criminelle du 13e arrondissement. Il est secondé par Adrien Danglard, un adjoint porté sur la bouteille. Chaque membre de l’équipe a sa particularité. Violette Retancourt est une force de la nature. Louis Veyrenc, un poète, s’exprime parfois en alexandrins. Froissy est obsédée par la nourriture. Et les autres. Sans oublier La Boule, le chat de leur commissariat parisien.

Tout oppose Adamsberg et Danglard. Le premier, rêveur, désorganisé, imprévisible, incapable de se concentrer sur des raisonnements complexes, fonctionne à l’instinct. Il obtient cependant des résultats spectaculaires. Ce qui interloque le second. Celui-ci, logique et cartésien, possède un savoir encyclopédique. Il ne jure que par les faits et le bon sens, ne conçoit les enquêtes que par des investigations méthodiques et réfléchies. La vie sentimentale d’Adamsberg est compliquée. Danglard est divorcé et père de cinq enfants qu’il élève seul.

Si certaines affaires sont localisées à Paris, d’autres nécessitent des déplacements des enquêteurs dans la France profonde, en Angleterre, en Serbie ou en Islande. Un stage envoie même une partie de l’équipe au Canada.

Commentaire

Les intrigues de cette série paraissent de prime abord extravagantes, loufoques, saugrenues, étranges, abracadabrantes. Et en même temps, elles attisent la curiosité. De la perplexité, le lecteur passe à l’envie de connaître le fin mot de l’histoire, happé par le style envoûtant de Fred Vargas et par ses personnages atypiques. La fragilité de ces derniers, leurs défauts, leurs relations empreintes d’empathie maladroite les rend extrêmement attachants.

À tester si vous n’y avez jamais goûté !

La série « Adamsberg »

À ce jour, cette série est composée de dix romans et d’un recueil de nouvelles.

L’homme aux cercles bleus (1991)
L’homme à l’envers (1999)
Pars vite et reviens tard (2001)
Coule la Seine (2002) (recueil de trois nouvelles)
Sous les vents de Neptune (2004)
Dans les bois éternels (2006)
Un lieu incertain (2008)
L’armée furieuse (2011)
Temps glaciaires (2015)
Quand sort la recluse (2017)
Sur la dalle (2023)

L’auteure et son œuvre

Fred Vargas est née le 7 juin 1957 à Paris. Elle a obtenu un doctorat en histoire et a fait de la recherche au CNRS dans ce domaine.

Elle a écrit à ce jour seize romans, un recueil de nouvelles et plusieurs essais, dont « L’humanité en péril », qui met en garde contre de potentielles catastrophes écologiques et notamment la disparition d’espèces menacées d’extinction. Plusieurs de ses romans ont été portés sur petit ou grand écran.

Dans ses deux séries phares, « Adamsberg » et « Les Évangélistes », Fred Vargas a réussi à se créer un style d’écriture propre, un univers bien à elle. Le rythme est feutré. Les personnages sont finement ciselés et affublés de travers charmants ou effrayants. Les dialogues chirurgicalement travaillés naviguent entre exagérément absurdes et simplement géniaux. Des intrigues secondaires parasitent les investigations et prennent parfois le pas sur l’enquête principale. L’ensemble est saupoudré d’une bonne dose d’humour, de légendes étonnantes et de pages d’Histoire que maîtrise bien Fred Vargas. De ces imbroglios et des efforts fournis pour résoudre les crimes et d’autres problèmes divers et variés, par des personnages si différents les uns des autres tout en étant tous imparfaits mais cependant non dénués d’une sensibilité certaine, naissent de poétiques messages de tolérance. Un régal pour qui apprécie ce mélange détonant et délicieux !

Mon Fred Vargas ++

J’aime beaucoup la série « Adamsberg » et tout autant la série « Les Évangélistes ». Cette dernière met en scène trois amis Mathias Delamarre, Marc Vandoosler et Lucien Devernois, respectivement spécialistes de la Préhistoire, du Moyen Âge et de la Première Guerre mondiale. Ils habitent ensemble, dans une vieille maison, avec Armand Vandoosler, ancien flic et oncle de Marc. Et ils résolvent accessoirement des enquêtes.

Les personnages des deux séries se croisent ou sont parfois mentionnés dans l’autre série. Une grande famille donc.

J’attends depuis un temps certain (et je ne suis sans doute pas le seul), le quatrième roman consacré aux Évangélistes. Viendra-t-il un jour ? Seule Fred Vargas connaît la réponse.

Les romans de la série « Les Évangélistes »

Debout les morts (1995)
Un peu plus loin sur la droite (1996)
Sans feu ni lieu (1997)

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Amélie Nothomb – Acide sulfurique

(Roman – dystopie / 2005)

Couverture du roman Acide sulfurique d'Amélie Nothomb

Dans un futur plus ou moins proche, des rafles autorisées par la loi sont organisées pour recruter, sans leur aval, les candidats d’une nouvelle émission de télé-réalité, « Concentration ». Le principe de l’émission est de montrer aux spectateurs les privations et humiliations des candidats prisonniers sous le joug d’impitoyables candidats kapos. Leur inexorable affaiblissement. Leur détresse. Leur mise à mort également. Le tout, en direct et sans filtre.

« Concentration » scandalise évidemment les médias et l’opinion publique. L’audimat atteint toutefois des sommets.

La laide et stupide kapo Zdena tombe sous le charme de la plus belle des prisonnières, Pannonique, connue dans le camp sous le nom CKZ 114.

Commentaire

Il fallait oser. Et Amélie Nothomb a osé. Dénoncer les excès de la télé-réalité, l’hypocrisie et le voyeurisme des spectateurs et la course à l’audimat, peu importe les moyens employés, en associant ce genre télévisuel à une barbarie qui a marqué l’Histoire de la plus mauvaise des manières, les camps de concentration de la Deuxième Guerre mondiale. Avec tortures, destruction de la personnalité et exécutions incluses dans le concept, pour ne pas faire les choses à moitié.

Une dystopie courte, cruelle, écrite dans le style si particulier d’Amélie Nothomb. Une dystopie intelligente, qui prête à réfléchir. Un roman qui a provoqué l’indignation de certains, scandalisés par l’audace jugée déplacée de l’auteure. Une œuvre polémique ? À chacun de se faire sa propre opinion. « Acide sulfurique » est une véritable réussite en ce qui me concerne !

Visionnaire ? Terrifiant.

Les âmes sensibles préféreront peut-être les romans d’Amélie Nothomb décrits plus bas dans cet article. Surtout comme porte d’entrée de l’œuvre de cette auteure.

Extraits

Vint le moment où la souffrance des autres ne leur suffit plus : il leur en fallut le spectacle (quatrième de couverture et premier paragraphe du livre).

 C’est quand son absence est la plus criante que Dieu est le plus nécessaire. (p.79)

 Il est beaucoup plus difficile de battre un individu dont on connaît le nom. (p.109)

 Comme n’importe quelle ratée, elle méprisait ceux qui excellaient là où elle avait échoué. (p.114)

 Ce qui est beau, c’est quand quelqu’un parle pour dire quelque chose. (p.115)

 Elle est sublime. Mais on peut être sublime et se tromper. (p.177)

L’auteure et son œuvre

Amélie Nothomb est un personnage à part dans le monde de la littérature. Cette mystérieuse dame au chapeau a le chic pour sortir du lot commun des écrivains francophones. Même sa date de naissance est sujette à débat. Selon certaines sources, elle serait née le 13 août 1967 à Kobé, au Japon. D’autres prétendent qu’elle a vu le jour le 9 juillet 1966 à Etterbeek, en Belgique. Qui d’autre peut se prévaloir d’être né deux fois, à plus d’un an d’intervalle, sur deux continents différents, à plus de 9000 kilomètres de distance ?

Fille d’un diplomate belge, elle passe son enfance au rythme des affectations de son père, au Japon, en Chine, à New York, au Bangladesh, en Birmanie et au Laos. Elle ne découvre véritablement la vie en Belgique qu’à dix-sept ans, l’âge de ses premiers écrits.

Elle connait son premier succès littéraire en 1992, avec le roman « Hygiène de l’assassin ». Depuis, elle collectionne succès et prix, publiant consciencieusement un livre par an.

Son œuvre est extrêmement variée. Les sujets de ses romans en partie autobiographiques proviennent de ses expériences et voyages à travers le monde. D’autres romans se rapprochent de fables. Ses écrits sont souvent courts, parfois complètement loufoques. Toutes ses œuvres ont comme points communs un style précis, incisif, empreint d’humour, des dialogues savoureux et une manière particulière de distiller des idées et des observations lucides et pertinentes qui prêtent à réflexion. Le noir et le morbide font partie du riche attirail de l’auteure. L’expérimentation et l’inventivité aussi.

À tester, si vous n’y avez jamais goûté. Et plus si affinités.

Amélie Nothomb peut compter sur un public large et fidèle, dont elle est très proche. Elle va notamment régulièrement à sa rencontre lors de séances de dédicaces.

Mon Amélie Nothomb ++

Je ne connais pas encore tous les écrits de cette auteure, mais je n’ai jamais été déçu par les œuvres que j’ai lues.

Pour moi, un roman d’Amélie Nothomb est comme une friandise très colorée. Lorsque la gourmandise me prend, j’en choisis une que je n’ai jamais goûtée et je la déguste avec volupté. Je me délecte alors de nouvelles saveurs, mélanges de sucré, de salé, d’acidité, d’amertume et de piquant. Des découvertes toujours agréables et surtout surprenantes.

Les livres d’Amélie Nothomb fonctionnent un peu comme la boîte de chocolats de Forrest Gump.

Trois bonbons à conseiller, parmi tant d’autres :

Métaphysique des tubes

(2000)

Roman autobiographique narrant les trois premières années de la vie d’Amélie Nothomb au Japon. Ce formidable récit présente une enfant qui découvre le monde et ses vérités, parfois cruelles. Avec beaucoup de lucidité, de clairvoyance et d’humour.

Stupeur et tremblements

(1999)

Encore un roman en partie autobiographique. Amélie Nothomb est recrutée pour un an dans une très grosse entreprise japonaise, la compagnie Yumimito. Elle déchante très vite.

Un roman drôle qui s’apprécie sur trois niveaux : la description de la société japonaise ultra-coincée dans ses codes, les réactions occidentales et nothombiennes de l’auteure et le style d’écriture décapant. Imparable !

Peut-être le roman idéal pour découvrir Amélie Nothomb.

La nostalgie heureuse

(2013)

Et un troisième roman autobiographique. Récit des retrouvailles entre Amélie Nothomb et le Japon en 2012, pour le tournage d’un reportage sur la romancière. Retrouvailles également entre Amélie Nothomb et Nishio-san, sa nounou adorée qu’elle a quitté le cœur brisé à l’âge de six ans, entre Amélie Nothomb et Rinri, son amour japonais de ses vingt-et-un ans. La relation de l’époque entre Amélie et Rinri a fait l’objet d’un autre roman : « Ni d’Ève ni d’Adam ».

J’ai été particulièrement ému en lisant dans « La nostalgie heureuse » :

Les caniveaux et les égouts n’ont pas changé. (p.49)

Et bien entendu par les retrouvailles entre Amélie et celle qu’elle considère comme sa deuxième mère.

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Harper Lee – Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur ♥

(Roman / 1960 / To kill a mockingbird)

Couverture du roman Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur d'Harper Lee

Début de la quatrième de couverture

Dans une petite ville d’Alabama, à l’époque de la Grande Dépression, Atticus Finch élève seul ses deux enfants, Jem et Scout. Avocat intègre et rigoureux, il est commis d’office pour défendre un Noir accusé d’avoir violé une Blanche.

Commentaire

Je ne vais pas détailler davantage le résumé de ce roman culte qui a été publié aux Etats-Unis alors que la loi autorisait encore la discrimination raciale.

Ce Prix Pulitzer 1961 délivre un message fort. En plus, l’histoire est superbement narrée par la jeune Scout.

Humour, mélancolie et suspense sont au rendez-vous de ce livre bouleversant traitant de l’enfance, de la tolérance, de la bêtise et de la condition humaine.

Un incontournable en ce qui me concerne.

Extraits

– D’abord, Scout, un petit truc pour que tout se passe mieux entre les autres, quels qu’ils soient, et toi : tu ne comprendras jamais personne tant que tu n’envisageras pas la situation de son point de vue…
– Pardon?
– … tant que tu ne te glisseras pas dans sa peau et que tu n’essaieras pas de te mettre à sa place. (p.52)

 – Tu défends les nègres, Atticus ? lui demandai-je le soir même.
– Bien sûr. Ne dis pas « nègre », Scout, c’est vulgaire.
– Tout le monde dit ça, à l’école.
– Désormais, ce sera tout le monde sauf toi…
– Eh bien, si tu ne veux pas que je parle de cette manière, pourquoi m’envoies-tu à l’école ? (p.121)

– On va gagner, Atticus ?
– Non, ma chérie.
– Alors pourquoi…
– Ce n’est pas parce qu’on est battu d’avance qu’il ne faut pas essayer de gagner. (p.123)

Les moqueurs ne font rien d’autre que de la musique pour notre plaisir. Ils ne viennent pas picorer dans les jardins des gens, ils ne font pas leurs nids dans les séchoirs à maïs, ils ne font que chanter pour nous de tout leur coeur. Voilà pourquoi c’est un péché de tuer un oiseau moqueur. (p.144)

 – Il devrait en être fier, dis-je.
– Les gens normaux ne tirent jamais aucune fierté de leurs talents, dit Miss Maudie. (p.156)

– Ils ont tout à fait le droit de le penser et leurs opinions méritent le plus grand respect, dit Atticus, mais avant de vivre en paix avec les autres, je dois vivre en paix avec moi-même. La seule chose qui ne doive pas céder à la loi de la majorité est la conscience de l’individu. (p.167)

Avec lui, la vie était banale, sans lui, elle devenait insupportable. (p.182)

 – D’après toi, pourquoi Boo Radley ne s’est jamais enfui ?
Il poussa un long soupir et me tourna le dos.
– Peut-être parce qu’il a nulle part où aller… (p.225)

Ne t’en fais pas Jem ; les choses ne sont jamais aussi mauvaises qu’elles en ont l’air. (p.334)

– Non, Jem, moi je pense qu’il n’y a qu’une seule sorte de gens, les gens. (p.352)

L’auteure et son œuvre

Harper Lee est née le 28 avril 1926 et morte le 19 février 2016 à Monroeville dans l’Alabama.

Après des études de droit, elle s’installe à New York en 1950 et décide de devenir écrivain.

En 1959, elle donne un coup de main à Truman Capote, son camarade d’enfance, qui se lance dans un projet ambitieux : l’écriture du roman documentaire « De sang-froid » (In cold blood), basé sur un quadruple meurtre réel. Elle l’aide dans ses recherches et l’assiste dans les entretiens qu’il mène à Holcomb dans le cadre de son enquête sur le crime en question. Truman lui dédie le roman et la remercie pour son travail à ses côtés.

Le premier roman d’Harper Lee paraît en 1960 : « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur ». Le succès est immédiat et ne se démentira jamais. Souvent étudié à l’école, ce roman est devenu un classique de la littérature américaine.

Pendant longtemps, elle ne publiera pas d’autre roman, déclarant qu’elle avait dit ce qu’elle avait à dire.

Va et poste une sentinelle

Fin 2014, à l’âge de 88 ans, elle aurait donné son accord pour publier un manuscrit qui traînait depuis des décennies dans un tiroir, « Va et poste une sentinelle ». Pourquoi ce changement d’avis après 54 ans ? Parce qu’elle aurait été poussée par son avocate ? son éditeur ? Parce qu’elle n’était plus protégée par sa sœur, décédée en 2011 ?

Ce roman a été écrit avant « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur ». Il présente Scout et sa famille 20 ans après les faits du premier roman.

Au final, une énorme déception. Le style n’est pas au point. Les personnages n’ont pas les mêmes traits de caractère entre les deux livres. Certains souvenirs relatés présentent des faits différents de ceux qui se sont déroulés dans « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur ». « Va et poste une sentinelle » n’est peut-être qu’un premier mauvais jet du futur classique. Et une opération marketing de fort mauvais goût. À éviter.

Pour moi, Harper Lee restera l’auteure géniale d’un unique roman, génial lui aussi : « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur ». Après, chacun pourra se faire son opinion.

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