Arnaldur Indridason – Série « Erlendur »
(Policier / 1997-…)
Série de romans policiers présentant des enquêtes menées en Islande par le commissaire Erlendur Sveinsson et ses équipiers Elinborg et Sigurdur Oli. Parallèlement à ces investigations, la vie personnelle du trio est dévoilée peu à peu. Le tourmenté Erlendur, marqué par une tragédie dans son enfance, mène une existence solitaire. Il est en mauvais termes avec son ex-femme qu’il évite autant que possible depuis leur rupture et entretient des rapports compliqués avec ses deux grands enfants, Eva Lind et Sindri Snaer. Elinborg, cuisinière hors pair, est mariée et mère de famille. Sigurdur Oli s’efforce de stabiliser sa relation avec Bergthora.
Commentaire
Attention dépaysement ! Bonjour l’Islande ! Nous sommes loin des romans policiers américains ou de nos proches contrées européennes. Ici, pas de guerres entre mafias, pas de courses-poursuites en voiture à tombeau ouvert, pas d’échanges de tirs assourdissants entre gangsters et forces de l’ordre. Erlendur et ses équipiers ne sont même pas armés. Les crimes restent sordides : une femme pendue dans son chalet, un Père Noël retrouvé mort dans la cave d’un hôtel de luxe, un enfant poignardé au pied de son immeuble, un homme retrouvé attaché au fond d’un lac qui s’est vidé. Et puis il y a des disparitions non élucidées, récentes ou plus anciennes.
L’atmosphère de cette série est sombre, hantée, entre présent et passé, et pourtant aussi pleine de poésie, de sensibilité et d’espoir.
Indridason s’intéresse aux victimes, aux coupables, mais aussi aux conséquences des drames sur l’entourage des uns et des autres. Il décrypte la succession d’événements qui ont mené aux désastres, les hasards à mettre sur le dos de la malchance, les causes profondes liées aux mauvais côtés de la nature humaine. Ou alors il conclut à l’impossibilité de découvrir certaines vérités. Il dépeint des violences conjugales, des blessures non cicatrisées, le désespoir de personnes ordinaires, la cupidité, le mal-être, les banlieues chics et les bas-fonds alcoolisés de Reykjavik. Il fouille dans le passé de l’île, déterre des catastrophes oubliées, décrit les effets du temps sur les survivants. C’est d’ailleurs une des thématiques les plus importantes de la série : le temps et son action sur la vie des gens.
À consommer sans modération.
Extraits de « Étranges rivages »
En règle générale, il se mettait en route tôt le matin et marchait jusqu’au soir, mais il arrivait aussi qu’il passe la nuit sur un tapis de mousse, seul avec les oiseaux. Il aimait s’allonger sur le dos, la tête posée sur son sac, les yeux levés vers les étoiles en méditant sur ces théories qui affirmaient que le monde et l’univers étaient encore en expansion. Il appréciait de regarder le ciel nocturne et son océan d’étoiles en pensant à ces échelles de grandeur qui dépassaient l’entendement. Cela reposait l’esprit et lui procurait un apaisement passager de pouvoir réfléchir à l’infiniment grand, au grand dessein. (p.101)
Je me demande d’ailleurs qui pourrait bien s’intéresser à des histoires concernant de simples gens que tout le monde a oubliés. (p.109)
C’est comme ça. C’est la vie. Ce genre de chose arrive. […] Tout le monde a un passé. (p.130)
C’est à eux que va ma compassion. Ce sont eux qui doivent affronter l’événement et s’en accommoder. Ils doivent faire face au deuil et la douleur de l’absence les accompagne jusqu’à la fin de leur vie. Ce sont ceux qui restent auxquels je m’intéresse le plus. (p.155)
C’est tellement peu, ce qu’on peut faire. (p.156)
Bientôt, cette histoire, le destin de ces gens, leurs vies emplies de deuils et de victoires, sombreraient dans l’oubli. (p.156)
Vous êtes l’homme le plus buté que j’ai rencontré durant ma longue existence. (p.305)
Romans de la série
À ce jour, cette série est composée de 14 romans. À noter qu’en France, les deux premiers romans de la série n’ont été publiés qu’après le quatorzième. Les lecteurs francophones ont donc découvert Erlendur dans « La cité des jarres », en 2005.
A noter également que « Le duel », « Les nuits de Reykjavik » et « Le lagon noir » sont chronologiquement les trois premières aventures d’Erlendur.
Les fils de la poussière (1997 / Synir duftsins)
Les roses de la nuit (1998 / Dauðarósir)
La cité des jarres (2000 / Mýrin)
La femme en vert (2001 / Grafarþögn)
La voix (2002 / Röddin)
L’homme du lac (2004 / Kleifarvatn)
Hiver arctique (2005 / Vetrarborgin)
Hypothermie (2007 / Harðskafi)
La rivière noire (2008 / Myrká)
La muraille de lave (2009 / Svörtuloft)
Étranges rivages (2010 / Furðustrandir)
Le duel (2011 / Einvígið)
Les nuits de Reykjavik (2012 / Reykjavíkurnætur)
Le lagon noir (2014 / Kamp Knox)
L’auteur et son œuvre
Arnaldur Indridason est né le 28 janvier 1961 à Reykjavik où il vit. Ses livres sont publiés dans plus de vingt-cinq pays. Avant d’être un écrivain à succès, Arnaldur Indridason a obtenu un diplôme en histoire, puis a travaillé en tant que journaliste, scénariste indépendant et critique de films. Il est marié et père de trois enfants.
Indridason a écrit 25 romans à ce jour : 14 dans la série « Erlendur », 3 dans la « Trilogie des ombres », 4 dans une nouvelle série de polars, la série « Konrad », débutée en 2017 et 4 romans indépendants.
Le style d’Indridason est tout en finesse. Les personnages de ses romans sont fouillés, les histoires prenantes et les intrigues déroulées avec subtilité. Indridason est l’écrivain nordique de romans policiers le plus talentueux que j’ai lu. Incontournable pour les amateurs du genre.
Mon Arnaldur Indridason ++
Je n’ai lu qu’un roman d’Indridason en-dehors de la série « Erlendur ». Et je l’ai adoré :
Betty
(2003 / Bettý)
Une histoire basée sur le classique trio amoureux. Du fond de sa cellule, le personnage principal raconte sa rencontre avec Betty, leur amour, le drame, comment il a été accusé, pourquoi sa culpabilité n’a fait aucun doute. Et pourtant.
Une autre manière de décrire ce roman pourrait être celle-ci :
Si je vous dis « Arnaldur Indridason », vous me répondez sans doute « Erlendur ». J’acquiesce, « Excellent choix… ». Vous souriez. Et je termine : « …mais encore ? ». Des rictus se figent. Les mieux renseignés tentent un timide « Opération Napoléon » mais baissent les yeux devant mon air narquois. Je lâche « Betty ». Vous souriez, soulagé. « Mais Betty, c’est Tiffany McDaniel ». Je secoue la tête. « Je ne parle pas de Betty, mais de Betty ». Incompréhension. « Avec un accent sur le y ». J’apprécie le regard entendu des rares qui savent et la perplexité absolue des autres. J’explique. « Betty. Un roman noir. Aussi sombre, aussi consistant, aussi surprenant, aussi savoureux, aussi goûtu, aussi explosif que la première gorgée d’une Pannepot Special Reserva tempérée par une nuit glaciale dans une cabane perdue au fond d’une forêt du grand nord, tandis que les hurlements des loups à l’extérieur donnent l’impression d’une réincarnation de Lemmy braillant « Killed by death » à la lune sanglante. »
Du très bon.
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