Octave Mirbeau – Le journal d’une femme de chambre ♥

(Roman / 1900)

Couverture du roman Le journal d'une femme de chambre de Octave Mirbeau

Ce roman est un bonheur de lecture ! Politiquement incorrect, d’une modernité d’écriture étonnante, d’une lucidité rare, jouissif.

Ce journal est celui de Célestine, une femme de chambre qui n’a pas la langue dans sa poche, ne rechigne pas au travail et est portée sur la bagatelle.

Octave Mirbeau dénonce avec acuité et sans prendre de gants tout ce qui l’insupporte : l’insatisfaction maladive des gens, l’hypocrisie des nantis et des religieux qui exploitent sans vergogne les nécessiteux, celle des sans-le-sou qui ne rêvent pas d’égalité mais plutôt d’être à la place de ceux qui les malmènent et les méprisent, l’antisémitisme affiché de l’époque, l’avarice, la vilenie, la jalousie dans la couple et dans la société, le sexe, ses plaisirs et ses dérives imputables en partie à la bienséance et à la religion, en partie à la dépravation humaine.

La plume de Mirbeau est acérée, féroce, clairvoyante, drôle, intransigeante, sans complaisance. Elle décrit la différence de classes et ses conséquences, la traite des femmes de ménage dans les offices de placement ou chez les soeurs, le laid, moral et physique, la malhonnêteté, les rêves, les désillusions, la violence, l’amour ou l’obsession de la chose, le caractère humain.

Dans ce magma incandescent et putride, les domestiques forment un pont entre riches et pauvres, une population à part, pourris par les vices des Maîtres qu’ils côtoient dans leur intimité et qu’ils tentent d’imiter alors qu’ils restent englués dans leur condition. Ils sont aux premières loges pour constater la différence entre le paraître en public et l’être en privé de ces fortunés sans mérite autre que la chance de la naissance. Au point d’éprouver des envies de meurtre à l’encontre de ceux qu’ils servent au quotidien.

Les personnages sont sublimes.

Mirbeau relance l’intérêt en permanence et garde le lecteur en haleine grâce à une construction rythmée originale. Du grand art !

Un classique indispensable et indémodable.

Extraits

C’est la vie… On ne peut pas être et avoir été… C’est comme ça… (p.109)

Ah ! qu’une pauvre domestique est à plaindre, et comme elle est seule !… Elle peut habiter des maisons nombreuses, joyeuses, bruyantes, comme elle est seule, toujours !… La solitude, ce n’est pas de vivre seule, c’est de vivre chez les autres, chez des gens qui ne s’intéressent pas à vous, pour qui vous comptez moins qu’un chien, gavé de pâtée, ou qu’une fleur, soignée comme un enfant de riche… des gens dont vous n’avez que les défroques inutiles ou les restes gâtés :
— Vous pouvez manger cette poire, elle est pourrie… Finissez ce poulet à la cuisine, il sent mauvais…
Chaque mot vous méprise, chaque geste vous ravale plus bas qu’une bête… Et il ne faut rien dire ; il faut sourire et remercier, sous peine de passer pour une ingrate ou un mauvais cœur… Quelquefois, en coiffant mes maîtresses, j’ai eu l’envie folle de leur déchirer la nuque, de leur fouiller les seins avec mes ongles…
Heureusement qu’on n’a pas toujours de ces idées noires… On s’étourdit et on s’arrange pour rigoler de son mieux, entre soi. (p136)

Ah ! qu’elles sont décevantes ces routes vers l’inconnu !… L’on va, l’on va, et c’est toujours la même chose… Voyez cet horizon poudroyant, là-bas… C’est bleu, c’est rose, c’est frais, c’est lumineux et léger comme un rêve… Il doit faire bon vivre, là-bas… Vous approchez… vous arrivez… Il n’y a rien… Du sable, des cailloux, des coteaux tristes comme des murs. Il n’y a rien d’autre… Et, au-dessus de ce sable, de ces cailloux, de ces coteaux, un ciel gris, opaque, pesant, un ciel où le jour se navre, où la lumière pleure de la suie… Il n’y a rien… rien de ce qu’on est venu chercher… D’ailleurs, ce que je cherche, je l’ignore… et j’ignore aussi qui je suis.
Un domestique, ce n’est pas un être normal, un être social… C’est quelqu’un de disparate, fabriqué de pièces et de morceaux qui ne peuvent s’ajuster l’un dans l’autre, se juxtaposer l’un à l’autre… C’est quelque chose de pire : un monstrueux hybride humain… Il n’est plus du peuple, d’où il sort ; il n’est pas, non plus, de la bourgeoisie où il vit et où il tend… Du peuple qu’il a renié, il a perdu le sang généreux et la force naïve… De la bourgeoisie, il a gagné les vices honteux, sans avoir pu acquérir les moyens de les satisfaire… et les sentiments vils, les lâches peurs, les criminels appétits, sans le décor, et, par conséquent, sans l’excuse de la richesse… L’âme toute salie, il traverse cet honnête monde bourgeois et rien que d’avoir respiré l’odeur mortelle qui monte de ces putrides cloaques, il perd, à jamais, la sécurité de son esprit, et jusqu’à la forme même de son moi… Au fond de tous ces souvenirs, parmi ce peuple de figures où il erre, fantôme de lui-même, il ne trouve à remuer que de l’ordure, c’est-à-dire de la souffrance… Il rit souvent, mais son rire est forcé. Ce rire ne vient pas de la joie rencontrée, de l’espoir réalisé, et il garde l’amère grimace de la révolte, le pli dur et crispé du sarcasme. Rien n’est plus douloureux et laid que ce rire ; il brûle et dessèche… Mieux vaudrait, peut-être, que j’eusse pleuré ! Et puis, je ne sais pas… Et puis, zut !… Arrivera ce qui pourra… (p.203)

Mais, c’est surtout sur moi que je m’attendris, je le sens bien. En rentrant dans ma chambre, je suis prise d’une sorte de honte et d’un grand découragement… Il ne faudrait jamais réfléchir sur l’amour. Comme l’amour est triste, au fond ! Et qu’en reste-t-il ? Du ridicule, de l’amertume, ou rien du tout… (p.341)

Le vol ?… De quelque côté que l’on se retourne, on n’aperçoit partout que du vol… Naturellement, ce sont toujours ceux qui n’ont rien qui sont le plus volés et volés par ceux qui ont tout… Mais comment faire ? On rage, on se révolte, et, finalement, on se dit que mieux vaut encore être volée que de crever, comme des chiens, dans la rue… Le monde est joliment mal fichu, voilà qui est sûr… (p.346)

Bien que je me mêlasse, quelquefois, pour faire comme les autres, à ces jeux féroces, je ne pouvais me défendre, envers la petite bretonne, d’une espèce de pitié. J’avais compris que c’était là un être prédestiné au malheur, un de ces êtres qui, quoi qu’ils fassent, où qu’ils aillent, seront éternellement repoussés des hommes, et aussi des bêtes, car il y a une certaine somme de laideur, une certaine forme d’infirmités que les bêtes elles-mêmes ne tolèrent pas. (p.366)

Avec quelle impatience nerveuse j’attends le moment de savoir ce que je dois espérer ou craindre de la destinée !… Je ne puis plus vivre ainsi. Jamais je n’ai été autant écœurée de cette existence médiocre que je mène, de ces gens que je sers, de tout ce milieu de mornes fantoches où, de jour en jour, je m’abêtis davantage. Si je n’avais, pour me soutenir, l’étrange sentiment qui donne à ma vie actuelle un intérêt nouveau et puissant, je crois que je ne tarderais pas à sombrer, moi aussi, dans cet abîme de sottises et de vilenies que je vois s’élargir de plus en plus autour de moi… (p.393)

L’auteur et son œuvre

Octave Mirbeau est né le 16 février 1848 à Trévières (Calvados) et mort le 16 février 1917 à Paris. Il a été un romancier (notamment Le calvaire, l’Abbé Jules, Sébastien Roch, Le jardin des supplices, Le journal d’une femme de ménage, Les 21 Jours d’un neurasthénique, La 628-E8, Dingo), dramaturge (notamment Les affaires sont les affaires, Le foyer), novelliste (notamment Lettres de ma chaumière, Mémoire pour un avocat, La mort de Balzac), critique d’art, découvreur d’artistes et journaliste notoire. Inclassable, politiquement incorrect, individualiste, engagé (anarchiste, puis défenseur ardent et actif de Dreyfus et de Zola), pessimiste et contestataire, il a marqué son époque.

Mon Octave Mirbeau ++

Je n’ai rien lu d’autre de Mirbeau pour le moment, mais je ne m’arrêterai pas en si bon chemin.

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Gaëlle Nohant – Légende d’un dormeur éveillé
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Mercè Rodoreda – Le jardin sur la mer

(Roman / 1967 / Jardi vora el mar)

Couverture du roman Le jardin sur la mer de Mercè Rodoreda

Un roman hors du temps.

Le narrateur est le jardinier d’une magnifique maison secondaire près de la mer, non loin de Barcelone. Il raconte les saisons qui défilent, les années qui se suivent, ressemblantes mais très différentes, ses fleurs, la mer, les jeunes propriétaires, leurs amis, leurs voisins, les domestiques, les rapports entre tout ce beau monde, parfois simples, parfois compliqués, les potins.

Un regard détaché qui, mine de rien, analyse les amours douloureuses, les ambitions des uns, les obsessions des autres, les difficultés de tous, les décisions prises et leurs conséquences, les actes manqués, les frasques des nantis, les considérations des petites gens. Les silences sont souvent davantage parlants que la conversation qui meuble. L’ensemble est rythmé par la nature cyclique et le temps qui passe.

Un roman d’une simplicité désarmante, empreint d’une poésie douce. Addictif.

Une très belle découverte.

L’auteure et son œuvre

Mercè Rodoreda est née le 10 octobre 1908 à Barcelone et morte le 13 avril 1983 à Gérone. Poétesse, romancière, novelliste, elle a été une des grandes plumes catalanes du 20e siècle, notamment avec son roman La Place du Diamant (La Plaça del Diamant, 1962), traduit en plus de 35 langues, Rue des Camélias (El carrer de les Camèlies, 1966), Aloma (nouvelle version, 1969), Miroir brisé (Mirall trencat, 1974) et Tant et tant de guerre (Quanta, quanta guerra…, 1980). Elle a obtenu de nombreux prix pour ses romans et pour l’ensemble de son œuvre.

Mon Mercè Rodoreda ++

Je n’ai rien lu d’autre de cette auteure pour le moment.

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D’autres lectures
Claire Deya – Un monde à refaire
Pat Conroy – Le Prince des Marées

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Georges de Peyrebrune – Victoire la Rouge

(Roman / 1884)

Couverture du roman Victoire la Rouge de Georges de Peyrebrune

La jeune et pataude Victoire est confiée par la Révérende Mère de l’hospice des orphelins à des paysans comme main d’œuvre pas chère. Pas très futée, elle rit avec ceux qui se moquent d’elle.

Un roman féministe avant l’heure, sans en ajouter des couches. Une histoire émouvante et bien écrite (un style simple et direct, ceux qui ont essayé d’écrire savent à quel point il est dur de faire simple). Un livre porteur de messages, sans pour autant les étaler en grand.

L’héroïne, pleine de bonnes intentions mais naïve, ne demande pas grand-chose à la vie : une petite place sur cette terre. Elle souhaite vivre comme les autres, c’est tout. Elle ira de désillusion en désillusion dans un monde cruel. La faute aux hommes qui profitent d’elle, promettent puis oublient, aux femmes qui la maltraitent aussi, ou n’en font pas grand cas. Mais elle est forte, Victoire. Elle s’accrochera de son mieux.

Un roman social, triste, prenant, superbe. Personne n’en sort grandit, ni les religieuses, ni les forces de l’ordre, ni les paysans, ni les soldats, ni les riches, ni les petites gens.

Un regard éclairé et éclairant sur la condition de la femme à l’époque.

L’auteure et son œuvre

Mathilde Marie Georgina Élisabeth de Peyrebrune, dite Georges (ou George) de Peyrebrune est née le 18 avril 1841 à Pierrebrune, hameau de Sainte-Orse (Dordogne), et morte le 16 novembre 1917 à Paris. Femme de lettres, elle publie une trentaine de romans. Vers l’amour (1896) et Au pied du mât (1899) sont récompensés par l’Académie française. En 1905, elle participe à la création du prix Femina et fait partie du premier jury. Elle meurt en 1917, pauvre et oubliée.

Octave Mirbeau s’est inspiré de son œuvre, notamment pour Le journal d’une femme de chambre.

Une auteure à redécouvrir !

Mon Georges de Peyrebrune ++

Je n’ai rien lu d’autre de cette auteure pour le moment.

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Gaëlle Nohant – Légende d’un dormeur éveillé
Tracy Chevalier – La jeune fille à la perle

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Emma Lechapt – Adieu Paris

(Roman / 2025)

Couverture du roman Adieu Paris d'Emma Lechapt

Une découverte. Je ne savais pas à quoi m’attendre avec Adieu Paris, hormis qu’un de ses protagonistes s’appelait Biscotte, un chat. La surprise a été d’autant meilleure. J’ai adoré cette lecture et j’ai éprouvé une pointe de tristesse en quittant ses personnages à la fin de l’histoire, en refermant le livre.

Adieu Paris se déroule en majeure partie à Marolles, un village du Loir-et-Cher. Je me suis vite senti à l’aise dans cette campagne que les citadins envient, jusqu’à découvrir qu’elle recèle également ses petits travers.

La jolie plume d’Emma Lechapt a donné naissance à des portraits réalistes, imparfaits et attachants autour d’un cardiologue parisien qui se cherche et qui part s’établir comme médecin généraliste dans un village.

Une des forces de ce roman est dans son écriture. L’auteure paraît douce et bienveillante, en réalité elle n’épargne personne et, sans juger, appuie là où ça fait mal, ce qui m’a beaucoup plu. Sans avoir l’air d’y toucher, elle pointe du doigt, pêle-mêle : les petits chefs qui cantonnent leurs subordonnés à des tâches déplaisantes par crainte qu’ils ne leur fassent de l’ombre ; les dégâts causés par les addictions aux sites de rencontre ; les déserts médicaux dans nos campagnes ; le sort des personnes âgées vivant seules dans le monde rural ; une forme de réticence à consulter ; les fermetures d’école ; la prévalence du paraître, tout le monde sait mais se tait tant que les apparences sont préservées ; la difficulté à être différent ; la générosité côtoyant la mesquinerie ; la rivalité et la violence des débats entre élus, traditions et progressisme, chasseurs et écologistes ; le fossé entre les couches sociales ; la complexité des relations de couple ; les drames tus, les non-dits ; le pouvoir des animaux ; la quête de soi. Le tout dans la joie et une bonne humeur affichée.

Un livre riche et succulent, qui fait du bien.

L’auteure et son œuvre

Emma Lechapt est professeure agrégée de lettres modernes. Adieu Paris est son premier roman.

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D’autres lectures
John Boyne – Les fureurs invisibles du coeur
Alice Zeniter – L’art de perdre

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Agnès de Clairville – Corps de ferme

(Roman / 2024)

Couverture du roman Corps de ferme d'Agnès de Clairville

Une prouesse littéraire. Une aventure humaine avant tout, au cœur de la ferme. Vue à travers les yeux de protagonistes bien particuliers : une vache, une chienne, un chat, une pie, et même un troupeau de cochons.

Agnès de Clairville ne se met pas à la place des animaux, essayant d’imaginer leur ressenti. Non. Agnès de Clairville EST la vache. Elle EST la chienne. Elle EST le chat. Elle EST la pie. Agnès de Clairville ne raconte pas leurs drames, elle les vit, dans sa chair, dans sa tête, dans son cœur. Elle est ces animaux, avec leurs craintes et leurs espoirs, avec les limites de leur univers et de leur compréhension, avec leurs sentiments et leur ressentiment. Avec leurs interactions avec les autres êtres vivants gravitant dans et autour de la ferme. Avec les tragédies qui se jouent dans cette modeste exploitation agricole qui a du mal à joindre les deux bouts et qui risque d’imploser à tout moment. Des tragédies entre animaux, entre animaux et humains et entre humains. Avec la mort qui rôde, personnage à part entière de ce paysage à la fois immuable et fragile, où la répétition des actions et des saisons est un signe d’absence d’ennuis.

Le monde rural et ses silences. Ses bruits et ses odeurs. La famille paysanne, l’homme, la femme et les deux garçons. Les tâches de chacun, du réveil au coucher, l’école se greffant presque comme une verrue incongrue sur leurs obligations naturelles du quotidien. La routine et les péripéties dans ce huis clos. Le lait et le sang. Les imprévus et leurs conséquences. La mort qui frappe. Un soubresaut. La vie qui continue. Cruelle. Ingrate. Parce que pas le choix. Pour survivre envers et contre tout. Dans la violence et l’indifférence. Dans l’amour aussi. En se serrant les coudes. La terre, les animaux, les hommes, la ferme.

Ici, on parle peu, monsieur. À quoi bon ? On travaille.

Une vision du monde paysan qui invite à réfléchir. Rude. Inoubliable.

L’auteure et son œuvre

Agnès de Clairville est née en 1968 en Normandie. Scientifique de formation, elle a travaillé la photographie avant d’écrire. Elle a publié trois romans à ce jour : La poupée qui fait oui (2022), Corps de ferme (2024), La route des Crêtes (2025).

Mon Agnès de Clairville ++

Je n’ai rien lu d’autre de cette auteure pour le moment.

À découvrir aussi (clic sur le titre pour en savoir davantage)

D’autres lectures
Wajdi Mouawad – Anima
Jorn Riel – Le jour avant le lendemain

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Dolen Perkins-Valdez – Prends ma main

(Roman / 2022 / Take my hand)

Couverture du roman Prends ma main de Dolen Perkins-Valdez

Une jeune infirmière noire est embauchée au Planning familial, à Montgomery, un service officiel du gouvernement des USA aidant les pauvres à assurer leur contraception pour éviter qu’ils ne se retrouvent avec trop de bouches à nourrir. Elle se pose rapidement des questions.

Dolen Perkins-Valdez s’est inspirée de faits réels pour écrire ce roman poignant, et notamment de l’histoire de deux sœurs, Minnie Lee et Mary Alice Relf, jeunes afro-américaines stérilisées contre leur gré en 1973 à l’âge de 12 et 14 ans.

S’appuyant sur une documentation précise, elle dénonce avec force et maîtrise ce scandale indicible qui a fait des ravages dans les couches défavorisées de la population américaine, essentiellement chez les Noirs et chez les Indiens, mais aussi dans le milieu carcéral, le tout avec la bénédiction du gouvernement de l’époque. Le milieu médical américain n’était pas à son coup d’essai : des Noirs atteints de syphilis avaient déjà été pris pour cobayes pour suivre l’évolution de cette maladie.

Un roman nécessaire, pour alerter, informer, se souvenir, éviter qu’une telle ignominie ne se reproduise.

Mon seul regret ne concerne pas le roman, qui est parfait, mais la note de l’auteure en fin d’ouvrage qui explique l’horreur de ces stérilisations forcées à grande échelle, perpétrée sur la population noire, sur des personnes jugées inaptes et sur des détenues, mais qui oublie de mentionner que les populations amérindiennes ont également été victimes de ces pratiques inadmissibles.

Un incontournable pour qui aime les romans historiques de ce genre. Bouleversant.

L’auteure et son œuvre

Dolen Perkins-Valdez est née à Memphis. Après des études au Harvard College, elle enseigne la littérature. Essayiste et romancière, elle a publié quatre romans à ce jour : Wench (2010), Balm (2015), ces deux premiers romans se déroulant autour de la Guerre de Sécession, Take my hand (Prends ma main, 2022) et Happy land (2025).

Mon Dolen Perkins-Valdez ++

Prends ma main étant le seul roman traduit de Dolen Perkins-Valdez, je n’ai rien lu d’autre de cette auteure pour le moment.

À découvrir aussi (clic sur le titre pour en savoir davantage)

D’autres lectures
Laurent Gaudé – Le soleil des Scorta
Vicki Myron – Dewey

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Claire Deya – Un monde à refaire

(Roman / 2024)

Couverture du roman Un monde à refaire de Claire Deya

Un roman historique, intelligent, instructif, à lire et à faire découvrir.

Printemps 1945. Le sud de la France est libéré. La guerre n’est pas pour autant terminée. Les horreurs non plus. Les survivants ont à reconstruire et à se reconstruire.

Les livres sur la 2eGM ne manquent pas. Claire Deya nous offre un éclairage inédit en s’appuyant sur une page méconnue de ce conflit : le déminage des rives de la Méditerranée.

Les Nazis avaient une longueur d’avance dans la technique des mines. Le minage des plages, routes et bâtiments avant la retraite est une nouvelle corde ajoutée à la politique de la terre brûlée, sournoise, meurtrière. Les mines seront reprises dans d’autres guerres, tuant et mutilant des civils des années après la fin des conflits.

Un monde à refaire ne se limite pas à cet épisode douloureux qui a vu la France utiliser des prisonniers de guerre pour « vérifier » l’efficacité du déminage, qui a vu l’Allemagne abandonner longtemps ses prisonniers, qui a aussi vu un travail collaboratif entre volontaires français et prisonniers allemands pour venir à bout de ce travail funeste.

Plusieurs histoires de la grande Histoire sont imbriquées dans ce récit. Le déminage. Le débarquement de Provence, moins médiatisé que l’autre. Le sort des prisonniers de guerre. Mais aussi des traumatismes d’après-guerre. Les vies bouleversées. Les gens qui ont changé. Faut-il tenter de rassembler des morceaux chahutés par les événements ou repartir de zéro ? Le retour des survivants. La spoliation de biens. La solution de facilité de « ne pas faire d’histoires », et tant pis pour les dénonciations racistes, jalouses, méchantes, tant pis pour les victimes de ces actes malveillants, cupides ou stupides et tant pis pour les biens perdus ? Comment rebondir ?

De nombreuses pistes de réflexion, sans morale, ni réponses évidentes. Ou alors une seule : la vie continue.

Des histoires personnelles poignantes. Un ton d’une grande sensibilité et des personnages justes. Un roman exceptionnel. Une réussite totale.

L’auteure et son œuvre

Claire Deya est une scénariste et auteure française. Un monde à refaire est son premier roman.

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Gaëlle Nohant – Légende d’un dormeur éveillé
Bernhard Schlink – Le liseur

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Laurence Mouillet – La disparue du cinéma

(Roman / 2025)

Couverture du roman La disparue du cinéma de Laurence Mouillet

Un sordide fait divers secoue l’Alsace en 1995. Carole Prin, caissière dans un cinéma strasbourgeois, disparaît alors qu’elle est sur le point d’accoucher. Le mystère fait couler beaucoup d’encre. Crime ? Disparition volontaire ? Son compagnon est plaint par les uns, accusé du pire par d’autres, mais aucune preuve ne le met en cause. L’enquête piétine de longues années avant un dénouement spectaculaire et morbide.

En 1995, Laurence Mouillet est étudiante à Strasbourg, loin de sa famille. Pour financer ses études, elle travaille comme caissière dans le même cinéma que Carole Prin. Elle se retrouve donc directement confrontée à la disparition de sa collègue. Trente ans plus tard, elle publie un roman racontant la tragédie au travers de la jeune femme qu’elle était à l’époque.

Ce livre n’est pas une enquête journalistique décortiquant l’affaire point par point. Laurence Mouillet a écrit un roman, a changé les noms des protagonistes, a livré la vision du personnage Claire sur la disparition de sa collègue Sandra, le ressenti de Claire, des instantanés puisés dans ses souvenirs, le traumatisme que le drame a provoqué sur cette jeune étudiante qui rêvait d’amour, de découvertes, de culture et de voyages, à un âge où l’on vit, où l’on se cherche, où l’on aime, où l’on rêve et où l’on n’imagine pas un instant être entraîné dans une tragédie pareille.

J’évoque un traumatisme, parce que si Laurence Mouillet a attendu 30 ans avant de pouvoir s’exprimer librement sur le sujet, c’est qu’elle a certainement été traumatisée par cette histoire et on peut la comprendre.

Un roman poétique, thérapeutique, intime, mêlant sordide et perte d’innocence, craintes sourdes et doux espoirs d’une jeune femme qui prend son envol dans l’existence. Un récit délicat célébrant la vie, avec la menace permanente du cauchemardesque monstre tapi sous le lit. Une grande réussite.

L’auteure et son œuvre

Laurence Mouillet est née en 1975. Rédactrice dans l’audiovisuel, elle a publié Schlager Club en 2022, puis La disparue du cinéma en 2025.

Mon Laurence Mouillet ++

Je n’ai rien lu d’autre de cette auteure.

À découvrir aussi (clic sur le titre pour en savoir davantage)

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Honoré de Balzac – La Maison du Chat-qui-pelote
Markus Zusak – La voleuse de livres

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Isabel Allende – La maison aux esprits ♥

(Roman / 1982 / La casa de los espíritus)

Couverture du roman La maison aux esprits d'Isabel Allende

Le pays où se déroule ce roman n’est jamais cité, mais il ressemble beaucoup au Chili et ce n’est pas un hasard. Isabel Allende est la nièce de Salvador Allende, président chilien renversé par le dictateur Pinochet en 1973. L’Histoire, son histoire personnelle, sa rage contenue, son héritage spirituel, son talent et du travail lui ont permis d’accoucher de ce chef-d’œuvre en 1982.

La maison aux esprits est un récit historique, une saga familiale sur quatre générations, un roman d’une puissance rare et un livre inoubliable. J’en suis sorti secoué, triste et heureux.

Isabel Allende a le verbe fleuri et intense de l’Amérique du Sud. Son écriture est riche et précise. Ses personnages ont du caractère. Ils sont impétueux, en colère, révoltés, mais aussi passionnés, dévoués, amoureux fous et protecteurs. Jusqu’au-boutistes. J’ai dévoré ce roman, vécu au coeur de l’action, tremblé, souri, soupiré, souffert avec chacun d’eux.

La maison des esprits est amour et haine, vengeance et pardon, combats et convictions.

Isabel Allende est inventive, drôle, cruelle, tellement douée. La plus belle femme du roman naît avec des cheveux verts. Ça passe comme une lettre à la poste. Comme les passerelles entre le monde des morts et celui des vivants. Parce qu’Isabel Allende l’affirme de manière à ce que le lecteur n’en doute pas un seul instant.

Ce roman explore de nombreux sujets. Au niveau de l’individu, le désir, l’amour vrai, impossible, physique, innocent, coupable, la trahison, la colère, la vengeance, l’ambition, le déni, le deuil, la souffrance, la solidarité, la force, l’instinct de survie, la méchanceté humaine. Au niveau de la société, la lutte des classes, la différence entre pauvres et riches, entre hommes et femmes, le capitalisme face au marxisme, l’horreur d’une dictature et les exactions associées, la fragilité des démocraties, le pouvoir de l’argent, l’impact de la religion. Et il y a ces réflexions profondes : les liens entre vivants et morts, la vision de l’avenir, le temps qui passe, le sens de la vie et les événements cycliques, qui ramènent au début de la chronique : La maison aux esprits est un chef-d’œuvre ! ♥

L’auteure et son œuvre

Isabel Allende née le 2 août 1942 à Lima au Pérou. Fille de diplomate, cette nièce du président chilien Salvador Allende est chilienne et naturalisée américaine. Après avoir fui la dictature de Pinochet en 1975, elle s’est exilée au Venezuela puis aux Etats-Unis. Journaliste et écrivaine, elle a écrit une quinzaine de romans, des autobiographies, des nouvelles et des pièces de théâtre. Son œuvre est traduite en une quarantaine de langues.

Mon Isabel Allende ++

Je n’ai rien lu d’autre de cette auteure.

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Tiffany McDaniel – Betty
Robert Le Plana – Nuances urbaines

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Sabrina Péru – Breaking News

(Nouvelles / 2021)

Couverture du recueil de nouvelles Breaking News de Sabrina Péru

Ce recueil de nouvelles a tout pour plaire. Sabrina Péru est redoutable. Sous de faux-airs de légèreté, elle aborde avec talent au détour d’un tour de cadran des sujets importants déguisés en mordants boniments. Elle met des mots sur des maux, avec humour et glamour. Elle joue avec les mots, les sonorités, les sots, les minorités. Du caustique, cynique, sardonique, sarcastique. Elle pointe du doigt les hics qui font mal, tout en gardant le sourire pour le meilleur et pour le pire. Ses nouvelles sont à chute et parfois à chutes, comme elle l’indique.

Sabrina Péru est inventive et créative. Elle nous balade dans le temps et sur les continents. À la manière de la célèbre série Noir Miroir, elle fait déraper l’univers connu, juste ce qu’il faut pour basculer vers l’inconnu, le saugrenu, le potentiel, le cruel, le sensationnel. Le petit détail qui change tout et qui enchante.

Avec Breaking News, Sabrina Péru surprend (les histoires, les chutes), émeut (la sensibilité de l’auteure à l’œuvre), divertit (Sabrina Péru est drôle) et prête à réfléchir (de fortes thématiques sociétales ou individuelles).

J’ai passé un excellent moment dans ces histoires courtes.

Je cite Sabrina Péru : « La vie ne fait pas de cadeau aux mal assis ! ».

Quatrième de couverture

24 nouvelles baroques, 24 personnages loufoques, 24 heures O’clock.

Pourquoi Breaking News ?
Parce qu’il fallait un titre qui détonne, qui décoiffe, qui décape. Et que ça a plus de gueule en anglais.
Parce que nous vivons dans une ère de l’instant.
Parce que nous vivons dans une ère de l’instantanéité où la folie côtoie la raison, la maladie l’horizon et l’amour l’illusion.

Des nouvelles à chut(e) qui feront beaucoup de bruit : questions environnementales, politiques, du Japon aux USA, d’une époque à l’autre, de Robin des Bois à Zuckerberg, des rêveries aux âneries, plongez dans un univers différent à chacune de ces nouvelles qui interrogent le monde sans jamais y apporter de réponse.
Mais avec humour toujours, car c’est bien ce qu’il nous reste, à nous autres, habitants de la planète ?

L’auteure et son œuvre

Professeure des écoles et de FLE, Sabrina Péru a beaucoup voyagé avant de poser ses valises. Elle a pris des notes sur la route. Puis elle a passé la vitesse supérieure avec une pièce de théâtre, La complainte du Belzébuth, parue aux Éditions L’Harmattan en 2021, et deux recueils de nouvelles Breaking News qui est réédité en 2025 et La sagesse des dents qui tombent en 2024. Elle anime également des ateliers d’écriture.

Mon Sabrina Péru ++

Je n’ai rien lu d’autre de cette auteure pour le moment.

À découvrir aussi (clic sur le titre pour en savoir davantage)

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