Delia Owens – Là où chantent les écrevisses ♥

(Roman / 2018 / Where the crawdads sing)

Couverture du roman Là où chantent les écrevisses de Delia Owens

En 1952, des descendants de renégats et d’esclaves en fuite et des laissés-pour-compte qui ont tout perdu ou presque vivent éparpillés dans les marais près de Barkley Cove, en Caroline du Nord. Parmi eux, Kya, 6 ans, et sa famille que les gens de la petite ville considèrent comme des racailles. Celle qui sera vite surnommée « La Fille des marais » se retrouve seule à 10 ans et doit apprendre à se débrouiller pour survivre au milieu de cette nature qu’elle aime tant.

En 1969, le corps d’un jeune homme est retrouvé dans les marécages.

Commentaire

« Là où chantent les écrevisses » est un livre exceptionnel. Hymne à la nature et à la tolérance, ce roman décrit avec beaucoup de réalisme l’abandon et la solitude, l’amour déçu et ses blessures, la mise à l’écart des plus démunis et le racisme.

Autour de ces thèmes forts et bien menés, Delia Owens partage avec le lecteur ses connaissances sur les plantes et les animaux. Cerise sur le gâteau, elle parvient à ajouter un meurtre et une enquête au récit, sans rompre ni son charme, ni son équilibre poétique.

Kya est une héroïne attachante, forte et fragile à la fois. Les autres personnages sont également marquants, faciles à imaginer, autant les discrets gentils que les vrais méchants.

« Là où chantent les écrevisses » est un livre magnifiquement écrit, habilement construit, plein d’humanité, violent parfois, émouvant toujours, sensuel, pudique, qui prête à réfléchir. Un de ces livres qu’on dévore parce qu’on a hâte d’en connaître la fin, alors qu’en même temps on est triste, arrivé aux dernières pages, de devoir quitter ce monde des marais et cette aventure, chagriné de devoir dire adieu à des personnes courageuses et imparfaites qui auront partagé leur vie, leurs mésaventures et leurs bonheurs avec nous.

À ranger sur la même étagère que Betty et que Ainsi a-t-il été, l’étagère des beaux romans, des belles histoires, des femmes courageuses et des livres bouleversants.

À lire absolument pour les amateurs du genre.

Extraits

Un marais n’est pas un marécage. Le marais, c’est un espace de lumière, où l’herbe pousse dans l’eau, et l’eau se déverse dans le ciel. Des ruisseaux paresseux charrient le disque du soleil jusqu’à la mer, et des échassiers s’en envolent avec une grâce inattendue – comme s’ils n’étaient pas faits pour rejoindre les airs – dans le vacarme d’un millier d’oies des neiges.
Puis, à l’intérieur du marais, çà et là, de vrais marécages se forment dans les tourbières peu profondes, enfouis dans la chaleur moite des forêts. Parce qu’elle a absorbé toute la lumière dans sa gorge fangeuse, l’eau des marécages est sombre et stagnante. Même l’activité des vers de terre paraît moins nocturne dans ces lieux reculés. On entend quelques bruits, bien sûr, mais comparé au marais, le marécage est silencieux parce que c’est au cœur des cellules que se produit le travail de désagrégation. La vie se décompose, elle se putréfie, et elle redevient humus : une saisissante tourbière de mort qui engendre la vie. (deux premiers paragraphes du roman)

 Quand il est acculé, désespéré ou isolé, l’homme se replie sur son instinct de survie. (p.18)

 Peut-être allaient-ils tous la quitter, s’en aller par ce chemin l’un après l’autre. (p.57)

 Son père lui avait dit de nombreuses fois que la définition d’un homme, un vrai, c’était qu’il savait pleurer sans honte, qu’il pouvait lire de la poésie avec son cœur, que l’opéra touchait son âme, et qu’il savait faire ce qu’il fallait pour défendre une femme. (p.68)

 Elle n’avait jamais eu d’ami, mais elle ressentait le besoin d’en avoir un. Comme un élan. (p.71)

 Quelqu’un qui aimait les oiseaux ne pouvait tout simplement pas être mauvais. (p.126)

 Allongée à leurs côtés, Ma avait déclaré : « Écoutez bien, il y a une belle leçon à tirer de tout ça. D’accord, on s’est enlisées, mais nous, les filles, qu’est-ce-qu’on a fait ? On l’a pris à la légère et on a bien ri. C’est comme ça que font les sœurs et les filles. Elles s’entraident, même quand elles pataugent, surtout quand elles pataugent. » (p.128)

« Certains peuvent vivre loin de la nature, d’autres ne peuvent pas. » Oh, s’exclama-t-elle. Oh !
– Tu sais lire, Kya. Et tu sais pour toujours.
– C’est pas seulement ça, expliqua-t-elle en murmurant presque. Je savais pas que des mots pouvaient vouloir dire des choses si graves Je savais pas qu’une phrase pouvait être si importante. » (p.137)

 Le temps fait que les enfants ne connaissent jamais leurs parents jeunes. (p.140)

Kya se rappela que sa mère l’encourageait toujours à explorer le marais : « Va aussi loin que tu peux. Tout là-bas, où on entend le chant des écrevisses. »
Ça veut dire aussi loin que tu peux dans la nature, là où les animaux sont encore sauvages, où ils se comportent comme de vrais animaux. (p.146)

 Quand on a besoin des autres, on finit par souffrir. (p.187)

 Combien faut-il être prêt à donner pour vaincre sa propre solitude ? (p.209)

 Elle riait pour lui faire plaisir, ce qu’elle n’avait jamais fait pour personne. Renonçant à une partie d’elle-même rien que pour ne pas perdre sa compagnie. (p.226)

 Kya regardait le bout de ses pieds. Pourquoi celui qu’on a abandonné, celui qui saigne encore, devrait-il assumer la charge du pardon ? (p.252)

Si quelqu’un devait jamais comprendre la solitude, c’était bien la lune.
Retournant vers le cycle immuable de la vie des têtards et le ballet des lucioles, Kya s’enfonça plus profondément encore dans un monde sauvage où les mots n’avaient pas cours. La nature semblait le seul galet qui ne se déroberait plus sous ses pas quand elle traverserait un ruisseau. (p.271)

 Les visages changent avec les épreuves de la vie, mais les yeux demeurent une fenêtre ouverte sur le passé. (p.293)

 Dûment formée par ces millions d’heures passées sans la moindre compagnie, Kya pensait qu’elle savait ce que « solitude » voulait dire. Une vie à fixer la vieille table de la cuisine, à fouiller du regard des chambres vides, et des étendues infinies de vagues et d’herbes. Personne avec qui partager la joie de la découverte d’une plume ou de la dernière touche apportée à une aquarelle. À réciter des poèmes aux mouettes et aux goélands. (p. 431)

L’auteure et son œuvre

Delia Owens est une écrivaine et zoologiste, née en 1949 en Géorgie, aux Etats-Unis. Elle a vécu plus de vingt ans en Afrique. Avant d’écrire « Là où chantent les écrevisses », best-seller international, elle a publié trois livres consacrés à la nature et aux animaux, grands succès aux Etats-Unis également.

Mon Delia Owens ++

Je n’ai rien lu d’autre de cette auteure.

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Jorn Riel – Le jour avant le lendemain

(Roman / 1975 / Før morgendagen)

Couverture du roman Le jour avant le lendemain de Jorn Riel

Dans le nord-est du Groenland, Ninioq, la femme la plus âgée de sa tribu, et son petit-fils Manik se portent volontaires pour organiser le séchage du stock de viande sur une petite île, Neqe. Kongujuk, une autre vieille femme, se joint à eux. Ils passeront l’été sur Neqe en attendant que les bateaux reviennent les chercher pour le retour à l’habitat d’hiver. Ninioq profite du calme de cet été pour transmettre à son petit-fils traditions, légendes, histoires de famille et gestes utiles du quotidien pour survivre dans ce milieu hostile.

Commentaire

Un roman court, sombre et lumineux, bouleversant.

Un livre très instructif sur le mode de vie des peuples du Groenland et sur la rencontre de ces tribus du bout du monde avec l’homme blanc, sur leur vision de ces énigmatiques étrangers et sur ce que ceux-ci leur ont apporté.

Une histoire magnifiquement écrite par Jorn Riel, un conteur-né.

Une petite perle qui marque encore longtemps après avoir refermé le livre.

L’auteur et son œuvre

Jorn Riel est né le 23 juillet 1931 à Odense, au Danemark. Son enfance a été bercée par les récits de Knud Rasmussen et de Peter Freuchen. Il s’engage en 1950 dans une expédition scientifique dirigée par Lauge Koch. Il part pour le nord-est du Groenland et y demeure pendant seize ans.

Son attachement pour les tribus du Groenland et sa riche expérience personnelle dans les contrées du grand nord ont une forte influence sur son œuvre littéraire. Il écrit ainsi une dizaine d’ouvrages intitulés « Racontars arctiques », courtes fictions mettant en scène des personnages récurrents, des trappeurs du nord-est du Groenland amoureux de celle qui manque souvent cruellement sur la banquise : la femme. Il écrit aussi trois trilogies consacrées au grand nord : « La maison de mes pères », « Le chant pour celui qui désire vivre » et « Le garçon qui voulait devenir un être humain ». Cette moitié arctique de son œuvre est dédiée à Nugarssunguaq, sa petite-fille groenlandaise, et à Paul-Emile Victor qu’il a côtoyé au Groenland.

Parmi ses autres écrits, « La faille » dont l’action est située chez les Papous de Nouvelle-Guinée.

Jorn Riel, après ses aventures dans le froid du nord, est parti pour ses vieux jours vivre en Malaisie, « histoire de décongeler » comme il s’amuse à le dire.

Jorn Riel est un écrivain populaire au Danemark mais aussi ailleurs : son œuvre a été traduite dans une quinzaine de langues.

Mon Jorn Riel ++

Je n’ai lu que ce roman de cet auteur pour le moment.

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Philipp Meyer – Le fils

(Roman / 2013 / The son)

Couverture du roman Le fils de Philipp Meyer

L’histoire du Texas de 1850 à nos jours à travers trois personnages d’une même famille mais de trois générations différentes.

Eli McCullough, le Colonel, a été enlevé par les Comanches à l’âge de 11 ans. Il a vécu parmi eux pendant trois ans. De retour chez les Blancs, il a participé à la guerre de Sécession avant de bâtir un empire.

Peter, l’un des fils du Colonel, est sidéré par les méthodes violentes de son père. Révolté dans l’âme, il s’oppose comme il le peut à la tyrannie et à la loi du plus fort.

Jeanne-Anne, petite-fille de Peter, ambitieuse et sans scrupules comme le Colonel, se retrouve à la tête de la fortune familiale et s’efforce de consolider cet héritage.

Commentaire

Philipp Meyer nous raconte l’histoire du Texas, des bisons au pétrole, des massacres perpétrés par les Blancs, les Indiens et les Mexicains aux week-ends entre riches propriétaires, des vols des terres perpétrés par les uns et les autres, les victimes étant toujours outrées d’être dépossédées à leur tour de ce qu’ils s’étaient eux-mêmes approprié par la violence. Une Histoire qui s’écrit dans le sang, dans la destruction de la nature, dans l’extermination des peuples, la sauvagerie des uns n’ayant rien à envier à celle des autres.

L’auteur tient habilement le lecteur en haleine en naviguant entre les époques, en distillant informations et rebondissements au compte-goutte, à travers les trois points de vue de ses personnages principaux. Trois visions, trois voix, trois styles narratifs. Le tyran qui dans sa jeunesse a vu sa famille massacrée sous ses yeux. La conscience familiale, dépitée et se sentant coupable pour tous les autres. Et la femme qui se bat pour réussir dans un milieu encore dominé par les mâles machistes, usant elle-même de procédés impitoyables.

Une vaste galerie de personnages secondaires participe avec bonheur à cette fresque grandiose, imposante en taille et en qualité, qui se construit comme un puzzle géant.

L’histoire des McCullough peut être perçue comme un (excellent) prétexte pour raconter l’Histoire du Texas, elle n’en demeure pas moins prenante.

Un roman palpitant, émouvant, instructif historiquement, empreint d’humanité malgré la violence omniprésente. Un grand roman.

A lire.

Extraits

Les gens ont toujours un faible pour le perdant. Jusqu’à ce qu’il s’agisse de prendre sa défense. (p.241)

 La terre avait soif. Quelque chose de primitif y réclamait son dû. (p.586)

 Un être humain, une vie – ça méritait à peine qu’on s’y arrête. Les Wisigoths avaient détruit les Romains avant d’être détruits par les musulmans, eux-mêmes détruits par les Espagnols et les Portugais. Pas besoin de Hitler pour comprendre qu’on n’était pas dans une jolie petite histoire. Et pourtant, elle était là. A respirer, à penser à tout cela. Le sang qui coulait à travers les siècles pouvait bien remplir toutes les rivières et tous les océans, en dépit de l’immense boucherie, la vie demeurait. (p.587)

 Il y avait dans l’air un certain parfum, apaisant, sucré. Elle le reconnut : le baume de Judée. Est-ce que les bourgeons des peupliers de Virginie étaient déjà sortis ? Elle ne se souvenait plus. (p.756)

 Ils croyaient que personne n’avait le droit de leur prendre ce qu’eux-mêmes avaient volé. Mais c’était pareil pour tout le monde : chacun s’estimait le propriétaire légitime de ce qu’il avait pris à d’autres (p.775)

L’auteur et son œuvre

Philipp Meyer est né le 1er mai 1974 à New York.

Il a écrit deux romans à ce jour :

Un arrière-goût de rouille (2009 / American rust)
Le fils (2013 / The son)

Mon Philipp Meyer ++

Je n’ai lu que « Le fils » de cet auteur à ce jour

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Vassili Peskov – Ermites dans la taïga

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Nina George – La lettre oubliée

(Roman / 2013 / Das Lavendelzimmer)

Couverture du roman La lettre oubliée, de Nina George

Jean n’est pas un libraire comme les autres. Avec sa « pharmacie littéraire », il prescrit des livres pour guérir les maux de l’âme. S’il connaît le remède pour les autres, lui n’a pas encore trouvé le sien. Quand Manon l’a quitté, 21 ans plus tôt, elle lui a laissé pour toute explication une lettre qu’il n’a jamais eu le courage d’ouvrir. Depuis, sa vie s’est arrêtée. Mais son destin va basculer le jour où il découvre le terrible secret de Manon. Pour Jean, c’est le début d’un long périple au pays des souvenirs, en plein cœur de la Provence, qui sera son voyage vers la renaissance. (quatrième de couverture)

Commentaire

Une bonne idée de base : les livres pour soigner l’âme. Le médecin : le libraire Jean Perdu. Perdu lui-même, il ira au bout de sa quête pour se retrouver.

« La lettre oubliée » bénéficie d’une double filiation, qui rend ce roman doublement attachant.

Il fait partie de ces livres qui font du bien, comme « La lettre qui allait changer le destin d’Harold Fry » de Rachel Joyce, « Changer l’eau des fleurs » et « Les oubliés du dimanche » de Valérie Perrin, « Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates » de Mary Ann Shaffer et Annie Barows, et « Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire » de Jonas Jonasson.

Il appartient aussi à ces romans qui font aimer les livres, comme « Au bon roman » de Laurence Cossé, « 84, Charing Cross Road » de Helene Hanff, le cycle du « Cimetière des livres oubliés » de Carlos Ruiz Zafon ou celui de « Cœur d’encre » de Cornelia Funke.

Une lecture agréable, pas prise de tête, apaisante. Du rire, des larmes. Un livre délicieux capable de dessiner des sourires sereins sur les visages de ses lecteurs. Avis aux amateurs !

Extraits

– Le mal du pays n’est qu’une forme de chagrin d’amour, mais plus grave. (p.122)

« N’écoute jamais la peur ! Elle rend idiot. » (p.153)

 Nous sommes immortels dans les rêves de ceux qui nous aiment, et nos morts continuent de vivre dans nos rêves bien après leur disparition. Le monde des songes est la passerelle qui relie les différents mondes, le temps et l’espace. (p.173)

 – Ici, les gens travaillent et vivent pour l’avenir. Ils pensent à ceux qui viendront après eux. Et ceux-là, quand leur tour viendra, feront pareil. C’est quand une génération arrête de penser à la suivante et qu’elle veut tout changer pour elle-même que commence la déchéance d’un pays. (p.179)

 L’habitude est une déesse dangereuse et vaniteuse. Elle ne tolère pas que l’on interrompe son règne. Elle tue dans l’œuf une envie après l’autre. L’envie de voyager, l’envie de changer de boulot, l’envie d’un nouvel amour. Elle empêche de vivre comme on le voudrait. Parce qu’à force d’habitude, nous oublions de nous demander si nous voulons vraiment ce que nous faisons. (p.237)

L’auteure et son œuvre

Nina George est née le 30 août 1973 à Bielefeld, en Allemagne. Écrivaine et journaliste, elle a écrit plus de 25 livres sous son nom, sous le pseudonyme de Anne West ou, associée à son mari, sous celui de Jean Bagnol. Traduite dans 37 langues, son best-seller le plus connu est « La lettre oubliée ».

Mon Nina George ++

Je n’ai lu que ce roman de cette auteure.

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Aurélie Filippetti – Les idéaux
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Luca Di Fulvio – Le gang des rêves ♥

(Roman / 2008 / La gang dei sogni)

Couverture du roman Le gang des rêves de Luca Di Fulvio

Début du 20e siècle à New York. Des milliers d’Européens débarquent avec en tête le rêve américain, le « tout est possible ». Parmi eux, Cetta Luminata, 16 ans, mère d’un fils, Natale, dont le prénom est transformé à son arrivée en Christmas. Elle aussi croit en un avenir meilleur que ce que la vie lui aurait réservé sur les terres de son ancien maître en Calabre. Elle est prête à payer le prix pour y parvenir et faire en sorte que son Christmas soit un vrai Américain.

Commentaire

Attention chef d’œuvre. Une fresque prenante, bien écrite, émouvante. Des personnages attachants et complexes. Le tout ancré dans l’Histoire. La première génération d’immigrants s’accroche au rêve américain et croit pouvoir monter les marches de la réussite grâce aux vertus du travail. La deuxième génération se rend compte de la supercherie et n’hésite pas à braver la loi pour s’enrichir.

Christmas Luminata est confronté très jeune à la dure réalité de l’existence, à un monde de petites frappes, de prostituées et de grands bandits. Il n’a que son imagination et les valeurs inculquées par sa mère pour tenter d’échapper à sa condition, pour se faire des amis, pour jeter des ponts entre les classes sociales afin de conquérir son amour, pour trouver sa place dans une société dirigée par des gangs rivaux et une haute société qui méprise les pauvres, pour survivre.

Du Scorsese aux mille détails dans un livre. « Le gang des rêves » est un roman exceptionnel. Bouleversant et captivant.

Extraits

Elle regardait le garçon qui lui avait offert neuf fleurs et qui réinventerait les mathématiques pour les adapter à ses mains : et elle le détesta de tout son cœur parce qu’elle ne parvenait pas à détourner les yeux, elle n’arrivait pas à ne pas le regarder. (p.203)

« M’man… dit-il à voix basse, après de longues minutes.
– Oui ?
– Quand on devient adulte, on trouve que tout est moche ? »
Cetta ne répondit rien. Elle regardait dans le vide. Certaines questions n’appelaient pas de réponses, parce que la réponse serait aussi pénible que la question. (p.299)

 « Tu sais ce que c’est, l’amour ? fit-elle. C’est réussir à voir ce que personne d’autre ne peut voir. Et laisser voir ce que tu ne voudrais faire voir à personne d’autre. » (p.387)

 « Un fils de putain vaut autant que cent fils à papa, n’oubliez jamais ça ! » lança-t-elle d’un ton agressif. (p.654)

 L’auteur et son œuvre

Dramaturge et écrivain, Luca Di Fulvio est né le 13 mai 1957 à Rome. Six autres de ses romans sont à ce jour traduits en français :

L’empailleur (2000 / L’impagliatore)
L’échelle de Dionysos (2006 / La scala di Dioniso)
Les enfants de Venise (2013 / La ragazza che toccava il cielo)
Le soleil des rebelles (2015 / Il bambino che trovò il sole di notte)
Les prisonniers de la liberté (2018 / La figlia della libertà)
Mamma Roma (2021 / La ballata della città eterna)

L’auteur et son œuvre

Je n’ai lu que « Le gang des rêves » de cet auteur pour le moment.

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Isaac Asimov – Les cavernes d’acier

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Julien Green – Léviathan

(Roman / 1929)

Couverture du roman Léviathan de Julien Green

Précepteur mal marié, installé depuis peu en province, Paul Guéret tombe amoureux d’une jeune et belle blanchisseuse, Angèle, et traîne son désespoir entre Chanteilles et la ville voisine de Lorges, où Mme Londe tient un restaurant et des clients sous sa coupe.

Commentaire

« Léviathan » de Julien Green ressemble à du Balzac déprimé s’intéressant aux vies ratées de petites gens de province.

« Léviathan » est un roman admirablement construit, oppressant, sombre, pessimiste, écrit d’une magnifique plume dans un style d’une autre époque. Les personnages sont superbement décrits, leur psychologie décortiquée de manière minutieuse et approfondie. L’atmosphère glauque est bien rendue.

Guéret est malheureux. Il a du mal à entrevoir une lueur d’espoir dans sa vie terne et médiocre. La communication n’étant pas son fort, il peine à nouer des relations, à partager ses angoisses, à dire ce qu’il a sur le cœur. Il est follement amoureux aussi, mais pas de sa femme. Les autres personnages ne sont guère davantage à la fête. Ils vivent tous un enfer, chacun à sa façon. Julien Green n’y va pas de main morte dans ce drame épouvantable à faire frémir, entre amour impossible, prostitution, pédophilie, asservissement, agression, meurtre, rêves avortés et constat de l’inéluctable vacuité de l’existence.

Une fois plongé dans la détresse de Paul Guéret, dans les aspirations d’Angèle, dans les esprits troubles de Mme Londe et de Mme Grosgeorges, dans les démons des uns et des autres, j’ai eu du mal à lâcher le livre avant d’avoir lu la dernière page. J’ai adoré l’histoire et les personnages. Et j’ai adoré l’écriture de Julien Green, riche, précise, classique. Un roman noir exceptionnel.

Extraits

Ce besoin de se sentir entourée, de voir les visages sourire à son approche, les mains se tendre, elle l’avait eu depuis longtemps, comme tous les êtres que leurs jolies figures a accoutumés à la bienveillance et aux compliments de tous. Sans doute n’ignorait-elle pas qu’on la jugeait durement et que plusieurs des personnes qui lui parlaient avec douceur, lorsqu’elle les rencontrait, ne se faisaient pas faute de la rudoyer dans leurs conversations entre elles, mais cela lui était à peu près égal. Un extérieur de cordialité lui suffisait. (p.102)

 Pourtant on ne sait jamais ; le monde est si adroit dès qu’il s’agit de nuire aux honnêtes gens. (p.186)

 Je souhaite, comme tout le monde, être parfaitement heureux ; mais, comme pour tout le monde, il faut que ce soit à ma propre façon. (p.93)

 « Comment vivent les autres ? se demandait-elle souvent. Comment font-ils pour aller de semaine en semaine jusqu’à la fin de l’année ? »
Elle s’irritait de cette sorte de voyage à travers le temps qu’elle était contrainte d’accomplir. Où la menait-il ? Vers quelle joie ? Quelle compensation lui ferait oublier sa fatigue ? Jamais la foi n’avait eu de prise sur cette femme à qui toutes les religions paraissaient également fausses, puisque aucune d’elle ne pouvait lui expliquer pourquoi on la faisait vivre et pourquoi, cette vie lui étant donnée, le jour devait venir où elle en serait privée. (p.197)

 Sa raison avait beau lui dire qu’elle perdrait son temps : de quel secours la raison était-elle jamais dans les grands moments de la vie ? (p.241)

L’auteur et son œuvre

Julien Green est né Julian Hartridge Green le 6 septembre 1900 à Paris, de parents américains. Cet écrivain américain de langue française a été le premier étranger élu membre de l’Académie française, le 3 juin 1971. Il est considéré comme un écrivain majeur de la littérature française du 20e siècle. Il est décédé le 13 août 1998 à Paris.

L’œuvre de Julien Green, marquée par sa foi catholique et son homosexualité, interroge souvent sur les notions de bien et de mal. Outre ses romans les plus célèbres, « Mont-Cinère », « Adrienne Mesurat » et « Léviathan », il est connu pour son « Journal », publié en 19 volumes, qui couvre de 1919 à 1998. Il a écrit une vingtaine de romans, des nouvelles, six pièces de théâtre, des autobiographies et des essais.

Une constante dans les quatre romans que j’ai lus de cet auteur d’une lucidité parfois presque effrayante : ses personnages sont incapables de trouver le bonheur et s’en rendent compte. Pire, ils ne comprennent souvent pas eux-mêmes pourquoi ils sont malheureux, pourquoi ils ont l’impression d’être nulle part à leur place dans la société. Torturés par des conflits intérieurs qui les dépassent, par des sentiments qui les détruisent, ils risquent à chaque instant de perdre la raison.

Un auteur captivant, à découvrir ou redécouvrir.

Mon Julien Green ++

Léviathan a été ma première expérience dans l’univers de Julien Green. J’en suis ressorti tourneboulé, avec une grosse envie d’en connaître davantage sur cet auteur. J’ai enchaîné avec les trois autres romans décrits ci-dessous.

Mont-Cinère

(1926)

En Virginie, trois générations de femmes vivent à Mont-Cinère, une grande maison isolée. La mère, maîtresse de maison avare, économise le moindre argent et notamment le bois de chauffe, ce qui rend la maison aussi froide en température qu’elle ne l’est en amour. La grand-mère a peur que sa fille ne l’empoisonne, pour dépenser moins d’argent en nourriture et en chauffage. La fille, Emily, laide et solitaire, craint que sa mère ne vende des meubles, de la vaisselle ou des objets décoratifs ayant appartenu à son père et qui lui reviendraient donc de droit un jour. Elle ne rêve que d’hériter de la propriété pour lui rendre son faste d’antan et y vivre à sa guise, sans devoir rogner continuellement sur tout.

Julien Green frappe très fort avec ce premier roman. « Mont-Cinère » déroule avec précision les obsessions maladives de trois femmes qui les éloignent peu à peu les unes des autres et les coupent de la réalité. Emily, la plus jeune, tentera de trouver du secours à l’extérieur de la famille, espérant que Dieu ou les hommes l’empêcheront de glisser vers la folie.

Ce thriller psychologique d’une autre époque dépeint trois personnages détestables qui se détestent, incapables de communiquer, obnubilés par les biens. Passionnant.

Le style relevé, rigoureux et tellement plaisant de Julien Green est déjà en place dans « Mont-Cinère », ce qui rend la lecture de ce roman noir d’autant plus agréable.

Adrienne Mesurat

(1927)

Dans la morne petite ville de La Tour-L’Evêque, la belle Adrienne Mesurat, dix-huit ans, dépérit entre un vieux père autoritaire et engoncé dans une routine aveugle et une sœur plus âgée, aigrie et malade. Une existence sans espoir, comme cet amour impossible auquel elle se raccroche pour ne pas sombrer.

Le style classique et impeccable de Julien Green mis au service de l’histoire d’Adrienne Mesurat. Cette jeune femme malheureuse se sent prisonnière dans une famille étroite d’esprit, incomprise dans une maison privée de sentiments, surveillée du matin au soir. Sa vie lui semble être un cauchemar sans fin. La folie la guette. Julien Green décortique chirurgicalement la descente aux enfers de son héroïne. Il y a toujours du Balzac dans sa plume soignée, mais aussi du Flaubert dans les traits et le destin d’Adrienne, en plus oppressant, plus déprimant. Roman noir. Roman psychologique. Roman tragique. Roman envoûtant. « Adrienne Mesurat » est souvent considéré comme le chef d’œuvre de l’auteur. Roman que j’ai apprécié et que je conseille vivement au même titre que les autres romans décrits dans cet article.

Extraits

Il fallait la regarder quelque temps pour s’apercevoir qu’elle était belle. (p.31)

 C’est un fait souvent observé que le monde, l’humanité tout entière cesse de se développer et de changer aux yeux des vieillards. (p.48)

 Le cœur humain est ainsi fait. Il laisse s’écouler de longues années et ne songe pas un instant à se mutiner contre son sort, puis il vient un moment où il sent tout d’un coup qu’il n’en peut plus et qu’il faut tout changer dans l’heure même et il craint de tout perdre s’il diffère d’un seul jour cette entreprise dont la veille encore il n’avait pas l’idée. (p.130)

 Si j’étais vous

(1947)

Qui n’a rêvé d’échapper à un « moi » trop connu, et le plus souvent inconfortable, pour entrer dans la peau d’un autre qu’on imagine forcément plus fort et plus heureux ? Ce pouvoir est donné à Fabien. (début de la quatrième de couverture).

Julien Green nous offre une incursion dans le fantastique.

Un soir de pluie, le chemin de Fabien Especel croise celui d’un vieillard étrange, Brittomart, qui lui propose d’exaucer un de ses souhaits secrets : changer d’identité, vivre la vie de quelqu’un d’autre, sauter de corps en corps aussi souvent qu’il le désire. Fabien, la vingtaine, vivant seul, survivant grâce à un travail de bureau qui lui déplaît profondément, de santé fragile, finit par accepter. Mais au fil de sa quête, il se rend compte qu’il a du mal à trouver le bonheur recherché dans des existences qui paraissaient pourtant prometteuses. Il comprend que l’herbe n’est pas toujours plus verte ailleurs.

Une intéressante réflexion sur l’éternelle insatisfaction de l’être humain de sa propre condition.

Un roman prenant, avec en prime toujours l’écriture élégante et travaillée de Julien Green.

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Tiffany McDaniel – Betty ♥

(Roman / 2020)

Couverture du roman Betty de Tiffany McDaniel

Betty naît en 1954, sixième des huit enfants de Landon Carpenter, un Cherokee, et de Alka, née Lark, une blanche. Elle est la seule à avoir la même peau sombre que son père qui l’appelle affectueusement Petite Indienne. Elle raconte l’émouvante et tragique histoire de sa famille, sur la route puis dans une vieille maison qui passe pour être maudite, à Breathed, Ohio.

Abandonnant peu à peu l’innocence de l’enfance, Betty devra trouver sa place dans un monde sans pitié, entre racisme, moqueries, humiliations, méchanceté humaine et terribles secrets de famille, aidée par la sagesse et les récits empreints de magie et de poésie de son père.

Commentaire

Le destin d’une famille de laissés-pour-compte. Autour de Betty, la courageuse Petite Indienne qui tente de faire disparaître ses horribles découvertes en les écrivant sur papier puis en les enterrant, Tiffany McDonald nous offre une panoplie de portraits touchants. Fraya, la grande sœur, qui chante des chansons tristes. Flossie, l’autre sœur, qui rêve d’être une étoile à Hollywood. Trustin, le frère doué en dessin. Lint, le petit dernier, hypocondriaque et collectionneur de cailloux auxquels il raconte ses peines. Un grand frère qui a la bougeotte. Une mère au caractère instable. Et surtout, Landon, le père sublime, qui distille histoires fantastiques, remèdes tirés de plantes et autres conseils de communion avec la nature, le tout issu de sa culture cherokee. Un père toujours optimiste et positif alors que les Blancs lui rendent souvent la vie difficile. Un père tolérant alors qu’il est battu à cause de la couleur de sa peau. Un père qui tente d’apporter un soutien perpétuel aux uns et aux autres par son amour et ses mots.

Tiffany McDonald raconte les joies et horreurs du quotidien avec simplicité et beaucoup de sensibilité et de poésie par l’intermédiaire de Betty, la narratrice. Elle aborde des sujets universels et malheureusement indémodables pour certains : la famille, le temps qui passe, la transmission, les bienfaits de la nature, la quête du bonheur, la force de l’imagination, l’amour, le passage de l’enfance à l’adolescence puis à l’âge adulte, la pauvreté, le sentiment de culpabilité, l’intolérance, la crédulité, les violences faites aux femmes et aux enfants, la religion, la toxicité de certaines personnes, l’extermination de peuples et de leurs traditions.

Betty, ses sœurs et sa mère sont confrontées aux souffrances liées à la condition de la femme. Le personnage de Landon illustre quant à lui le mal fait par les plus forts au long de l’Histoire de l’humanité : discriminations, génocides, extinctions de cultures.

Le roman, émouvant, passionnant, bouleversant, prend une dimension supplémentaire lorsqu’on apprend que la mère de Tiffany McDonald, Betty, d’origine cherokee, est née elle aussi en 1954.

Noir et lumineux. Un roman à lire absolument.

Betty / Ainsi a-t-il été

Je fais une entorse à une règle personnelle que j’avais respectée jusqu’à aujourd’hui sur ce site : ne pas évoquer mes propres romans dans les articles consacrés à d’autres auteurs. Petite entorse parce que je trouve des parallèles intéressants au niveau des sujets abordés entre « Betty » et Ainsi a-t-il été. Avis aux amateurs.

Extraits

Devenir femme, c’est affronter le couteau. C’est apprendre à supporter le tranchant de la lame et les blessures. Apprendre à saigner. Et malgré les cicatrices, faire en sorte de rester belle et d’avoir les genoux assez solides pour passer la serpillère dans la cuisine tous les samedis. Ou bien on se perd, ou bien on se trouve. (p.23)

Nous partagions une même imagination alors. Une seule et belle pensée. L’idée que nous étions importantes. Et que tout était possible.

Mais dès que nous quittions la scène et que nous nous éloignions de notre monde, la réalité ne tardait pas à se rappeler à nous. (p.117)

 Nous nous raccrochions comme des forcenées à l’espoir que la vie ne se limitait pas à la simple réalité autour de nous. Alors seulement pouvions-nous prétendre à une destinée autre que celle à laquelle nous nous sentions condamnées. (p.216)

– Si tu écrivais un poème sur ton père vivant dans un flocon, qu’est-ce que tu dirais, Betty ?
– Je dirais : Mon papa vit dans un flocon de neige. Il a froid. Je le vois en hiver seulement. Une fois, j’ai voulu le serrer contre moi. Mais il a aussitôt fondu dans ma main. Mon papa vit dans un flocon de neige. Il a froid. En été, il me manque énormément. (p.252)

 C’était une femme si belle que les miroirs se lamentaient en son absence. (p.285)

 Tu sais quelle est la chose la plus lourde au monde, Betty ? C’est un homme qui est sur toi alors que tu ne veux pas qu’il y soit. (p.299)

 Il y avait des choses chez mon père qui commençaient à s’écailler, comme une peinture qui vieillit. Quand je lisais les livres que j’empruntais à la bibliothèque, je pensais que mon père – comme les histoires que ces livres racontaient – était né de l’esprit de ces écrivains. (p.319)

 Toutes les mères sont envieuses de leurs filles, dans une certaine mesure, parce que les filles ne sont qu’au début de leur jeunesse, alors que les mères voient la leur s’évanouir peu à peu. (p.462)

 – Je pense que les araignées chantent, répétait Flossie. La toile est leur chanson. (p.573)

L’auteure et son œuvre

Tiffany McDaniel est née en 1985 dans l’Ohio aux États-Unis. Elle est romancière, poétesse et plasticienne. Elle a écrit deux romans à ce jour Elle a écrit trois romans à ce jour : Betty, L’été où tout a fondu et Du côté sauvage.

Après le monumental Betty et le phénoménal L’été où tout a fondu, Tiffany McDaniel a enfoncé le clou avec l’incroyable Du côté sauvage. Elle est en train d’intégrer discrètement mais sûrement le cercle des grands écrivains américains, John Steinbeck, Jack London, John Irving, Joyce Carol Oates, Harper Lee, Harriet Beecher Stowe, et de leurs classiques intemporels. Congratulations.

Mon Tiffany McDaniel ++

Trois romans, trois énormes coups de coeur.

L’été où tout a fondu

(2016 / The summer that melted everything)

Couverture du roman L'été où tout à fondu, de Tiffany McDaniel

Breathed, Ohio. 1984. L’été s’annonce particulièrement chaud. Le procureur Autopsy Bliss, obsédé par la justice et les erreurs judiciaires, fait publier une annonce dans le journal local, invitant le diable à se présenter chez lui. Un garçon noir dépenaillé apparaît le lendemain. Cet enfant aux yeux verts, Sal, prétend être le diable. Autopsy Bliss l’accueille dans sa famille. Sal se lie d’amitié avec son jeune fils Fielding. Mais la chaleur, les préjugés et la bêtise humaine font rapidement tourner la tête des habitants crédules de la petite ville lorsque se propage la rumeur de la présence du diable en ses murs.

Tiffany McDaniel frappe fort avec L’été où tout a fondu placé sous la bénédiction du Paradis perdu de Milton. Dans son style caractéristique, sombre et lumineux, poétique et littéraire, évocateur et précis, délicat, puissant dans les messages transmis tout en donnant une impression de légèreté, elle assène des vérités difficiles à entendre en s’appuyant sur une galerie de personnages attachants et ciselés comme du cristal fin. Dans ce roman qui s’apparente à un magnifique conte moderne noir, Tiffany McDaniel, sans enfiler de costume de moralisatrice, décrit la méchanceté et la bêtise humaine, le racisme et les préjugés qui ont la vie dure. L’humain est cruel envers l’humain mais aussi envers la nature (voir le sort réservé aux couleuvres et aux œufs des martinets ; insupportable mais tellement criant de vérité). Il ne sort pas grandi de ce roman envoûtant. Et pourtant, des épisodes de bonté sincère et profonde permettent de garder espoir quant au sens et à l’issue de la lutte permanente entre le Bien et le Mal.

A lire absolument.

Extraits

Quand vous n’avez personne de qui vous souciez, ni personne qui se soucie de vous, essayer d’améliorer vos conditions de vie est une perte de temps. (p.51)

 L’orgasme est un émerveillement aux flammes multiples pour les corps qui se jettent l’un contre l’autre et qui, dans cette collision amoureuse, transforme les garçons en maris et les filles en épouses. (p.208)

La douleur est la plus intime de nos rencontres. Elle vit à l’intérieur de nous et touche tout ce qui fait ce que nous sommes. Elle s’attaque à vos os, elle règne sur vos muscles, elle capte toutes vos forces et vous ne les revoyez plus jamais. Le grand talent de la douleur réside dans la façon qu’elle a de vous toucher. C’est aussi en cela que consiste sa grande cruauté. (p.280)

On peut en apprendre beaucoup sur un homme en observant ce qu’il fait avec un serpent. (p.298)

 Le garçon ne peut se rapprocher du bonheur si la fille qu’il aime n’est pas disposée à l’accompagner. Il peut toujours grandir, emprunter un smoking, un lever de soleil, une lune de miel sous les tropiques, mais sans elle, rien de tout cela ne sera à lui. Elle était sa vérité, sa sagesse, et sans elle, il n’était qu’un crétin. Rien qu’un imbécile menant une vie idiote. (p.313)

La folie. Un violon qui nous accompagne partout lorsqu’elle est dans notre tête, un chaos absurde lorsqu’elle est à l’extérieur de nous. En fin de compte, n’est-ce pas cela, la folie ? La clarté pour celui qui voit à travers elle, l’aberration pour le monde qui en est témoin. (p.341)

 Parfois des choses arrivent, de mauvaises choses, mais c’est une étape sur notre chemin, et il faut continuer à avancer. Sinon, on n’atteindra jamais la chose suivante, et il se pourrait bien que cette chose soit formidable. Il se pourrait que ce soit ce qui nous arrivera de mieux dans notre vie. (p.349)

 Il faut être dingue une fois de temps en temps, sinon on devient fou. (p.380)

Il est possible que quelqu’un parvienne à nous faire oublier ce don du ciel qu’est notre libre arbitre. C’est l’incapacité à exercer notre libre arbitre qui nous amoindrit tous. C’est l’affection touchant notre raison qui altère notre bon sens au point de nous rendre victimes de choix que nous n’aurions normalement jamais faits. (p.444)

Du côté sauvage

(2024 / On the wild side)

Couverture du roman Du côté sauvage de Tiffany McDaniel

Troisième roman de Tiffany McDaniel, troisième énorme coup de coeur.

Du côté sauvage est violent, mais aussi bienveillant.
Du côté sauvage est sombre, mais aussi lumineux.
Du côté sauvage est un pavé, 712 pages, mais aussi un pavé dans la mare.

Tiffany McDaniel est une romancière, mais aussi une voix qui porte. La voix des femmes en souffrance. La voix des démunies, des vulnérables, des maltraitées, des ignorées. De celles qui gonflent les statistiques des victimes de la drogue et de la prostitution. Qui encaissent sans broncher. Qui finissent mal et qui l’ont sans doute bien cherché selon des bien-pensants. Qui seraient insignifiantes selon les mêmes.

Tiffany McDaniel est factuelle, douce, brutale, poétique, dénuée de jugement. Sa voix qui porte interpelle. Ces femmes fragiles ne sont ni des défouloirs, ni des chiffres dans un tableau, ni des moins-que-rien. Elles ont été des enfants. Elles ont vu des choses qu’elles n’auraient jamais dû voir, vécu des choses qu’elles n’auraient jamais dû vivre. Elles ont une vie, des sentiments, des proches, un quotidien. Elles ont eu des rêves, en ont parfois encore.

Tiffany McDaniel montre la brutalité des hommes.

Tiffany McDaniel décrit le courage de ces femmes. Sa voix forte crie la douleur enveloppée dans la magie poétique de son art noir et lumineux. Son art unique. La douleur de celles qui souffrent en silence, dans l’indifférence. Elle décrit aussi le sort réservé aux enfants nés dans une famille qui sombre et la cruauté de la société à leur égard. Une vision alarmante de notre monde actuel.

Du côté sauvage est l’histoire d’Arc et de Daffy, deux jumelles à la chevelure rousse nées dans une famille compliquée à Chillicothe, Ohio. Je ne vous la raconterai pas. Lisez-la. Elle en vaut la peine. Elle m’a bouleversé. Elle vous bouleversera peut-être également.

Du côté sauvage est une réaction empreinte d’humanité à un horrible fait divers qui s’est déroulé à Chillicothe, Ohio.

Tiffany McDaniel est une conteuse merveilleuse. Elle est brillante dans la construction de ses histoires, dans son écriture, dans l’élaboration de ses inoubliables personnages. Son art unique lui permet de transformer des faits sordides en récits poétiques. Elle dispose d’une imagination incroyable, d’une force évocatrice inouïe, d’une sagesse infinie, d’une plume magnifique et d’un humour subtil, s’appuie sur une vaste culture générale et sur un puits de connaissances.

Du côté sauvage est le résultat d’un talent précieux et de beaucoup de travail : un roman indispensable, puissant, courageux, émouvant. Un hommage vibrant aux femmes anonymes en souffrance.

Du côté sauvage est le roman que j’attendais en 2024.

Tiffany McDaniel est la grande auteure américaine du 21e siècle.

Extraits

– Soyez patientes, mes chéries, disait mamie tandis qu’elle nous faisait part de sa sagesse de vieille femme. Car sans la patience, vous serez toujours en conflit avec la tâche qui vous attend. (p.76)

– Ma chérie, répondit mamie en prenant le visage de Daffy entre ses vieilles mains. Une sorcière, ce n’est pas un chapeau pointu, un balai, ou des verrues. Une sorcière, c’est simplement une femme qui est punie parce que sa sagesse est plus grande que celle des hommes. (p.77)

À qui pouvez-vous dénoncer les démons quand les démons sont ceux-là mêmes à qui vous allez les dénoncer ? (p.170)

– Qu’est-ce que tu as mis dans le cercueil avec elle, Arc ?
– Un caillou.
– Pourquoi tu l’as peint avec du rouge à lèvres ?
– Pour le transformer en pierre précieuse rouge. Comme ça, si sa tombe est fouillée un jour par une autre civilisation, dans le futur, ils la verront et sauront que c’était une reine. (p.213)

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Rachel Joyce – La lettre qui allait changer le destin d’Harold Fry

(Roman / 2012 / The unlikely pilgrimage of Harold Fry)

Couverture du roman La lettre qui allait changer le destin d'Harold Fry, de Rachel Joyce

Harold Fry, retraité, vit avec sa femme Maureen dans une petite ville près du littoral sud de l’Angleterre. Le couple ne partage plus grand-chose. Leurs échanges sont mécaniques, dépourvus d’intérêt. Un matin, une lettre adressée à Harold par Queenie Hennessy, une ancienne collègue d’Harold, va bouleverser leur vie. Queenie se meurt d’un cancer dans un hôpital sur le littoral nord du pays. Harold part la rejoindre à pied, sur un coup de tête, persuadé que sa marche aidera son amie à guérir.

 Commentaire

Un roman étonnant, d’une force émotionnelle rare. Un de ces romans tristes et beaux, qui font pourtant du bien au moral. À ranger dans une bibliothèque quelque part entre « Changer l’eau des fleurs » de Valérie Perrin, « Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates » de Mary Ann Shaffer et Annie Barows, et « Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire » de Jonas Jonasson. Des histoires d’individus ordinaires vivant des moments extraordinaires leur prouvant qu’ils sont eux aussi uniques et dignes d’intérêt.

Harold Fry, insignifiant et effacé tout au long de son existence, trouve dans sa quête la mission de sa vie, l’occasion de racheter ses erreurs et errances passées. Sa marche pour Queenie lui donne l’occasion de replonger dans le passé, souvent douloureux. Elle lui offre une forme de rédemption.

Sa femme Maureen, malheureuse et aigrie, suit un cheminement mental équivalent après le départ de son mari.

Harold et Maureen ont toujours eu du mal à exprimer ce qu’ils ressentaient, ce qu’ils ont traversé, ce qu’ils ont raté, dans l’éducation de leur fils David notamment. Ils se sont murés dans une routine dominée par l’indifférence. L’incroyable coup de tête d’Harold va débloquer les souvenirs et des épisodes qu’ils pensaient irrémédiablement enfouis au fond de leur mémoire.

L’écriture de Rachel Joyce est fluide et agréable. La construction du roman suit le voyage d’Harold au fil des étapes et des rencontres, ainsi que les interrogations de Maureen. L’ensemble est saupoudré d’un humour bienvenu qui évite au roman de devenir déprimant.

Une réussite, pour les amateurs du genre.

À noter que ce roman a eu comme premier titre français : « La lettre qui allait changer le destin d’Harold Fry arriva le mardi… ».

Extraits

Si l’on ne pète pas les plombs une fois dans sa vie, c’est sans espoir. (p.49)

 Ce devait être pareil partout en Angleterre. Les gens achetaient du lait, ou bien faisaient le plein d’essence, ou même postaient des lettres. Et ce que les autres ignoraient, c’était à quel point ce qu’ils portaient en eux était lourd. L’effort surhumain qu’il fallait faire parfois pour être normal et participer à la vie ordinaire. La solitude que cela représentait. (p.116)

 Si elle était restée avec Harold durant toutes ces années, ce n’était pas à cause de David. Ce n’était même pas parce qu’elle était désolée pour son mari. Elle était restée parce que, même si elle se sentait seule à ses côtés, le monde aurait été encore plus désolé sans lui. (p.148)

 Une vie sans amour n’était pas une vie. (p.190)

 Désormais, Harold ne pouvait plus croiser un inconnu sans reconnaître que tous étaient pareils et que chacun était unique ; et que c’était cela le dilemme de la condition humaine. (p.203)

 Il avait appris que recevoir était tout autant un don que donner, car cela nécessitait à la fois du courage et de l’humilité. (p.256)

 Nous sommes bien peu de chose, pensa-t-il, et il éprouva tout le désespoir de cette constatation. (p.339)

L’auteure et son œuvre

Rachel Joyce est née à Londres en 1962. Pendant plus de vingt ans, elle a été scénariste pour la radio, le théâtre et la télévision. Elle a été comédienne de théâtre également.

« La lettre qui allait changer le destin d’Harold Fry » est son premier roman. Elle en a écrit d’autres que je n’ai pas lus.

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Shirley Jackson – Nous avons toujours vécu au château

(Roman noir / 1962 / We have always lived in the castle)

Couverture du roman Nous avons toujours vécu au château de Shirley Jackson

Merricat Blackwood, sa sœur aînée Constance et leur oncle Julian vivent dans une grande maison, à l’écart du village. Oncle Julian radote dans son fauteuil roulant, obsédé par l’écriture de ses mémoires. Constance et lui n’ont plus quitté le domaine familial depuis le drame qui a décimé la famille six ans auparavant. Seule Merricat s’aventure au-delà de leur jardin. Lorsqu’elle part faire les courses au village, elle est la cible d’une hostilité à peine dissimulée. Pourquoi les habitants de la petite bourgade détestent-ils autant les rescapés des Blackwood ?

Quatrième de couverture et premier paragraphe du roman

Je m’appelle Mary Katherine Blackwood. J’ai dix-huit ans, et je vis avec ma sœur, Constance. J’ai souvent pensé qu’avec un peu de chance, j’aurais pu naître loup-garou, car à ma main droite comme à la gauche, l’index est aussi long que le majeur, mais j’ai dû me contenter de ce que j’avais. Je n’aime pas me laver, je n’aime pas les chiens, et je n’aime pas le bruit. J’aime bien ma sœur Constance, et Richard Plantagenêt, et l’amanite phalloïde, le champignon qu’on appelle le calice de la mort. Tous les autres membres de ma famille sont décédés.

Commentaire

Le lecteur est plongé dans le vif du sujet dès les premières lignes du roman. Il découvre une narratrice pour le moins originale. Un peu barrée. Au fil des pages, s’installe une ambiance étrange, mélange de folie douce, de haine, de paranoïa, d’angoisse et de poésie.

Shirley Jackson s’amuse et joue avec nos nerfs : qui sont les plus dérangés, les Blackwood ou les villageois ?

Peu à peu, les personnages se dévoilent et les fils de l’intrigue se dénouent.

Une curiosité pour qui est prêt à entreprendre ce voyage singulier. Et une référence dans le genre.

L’auteure et son œuvre

Shirley Jackson est née le 14 décembre 1916 à San Francisco. Elle est décédée le 8 août 1965. Elle a écrit 6 romans et plus de 200 nouvelles. Le fantastique et l’horreur étaient ses genres de prédilection.

Elle est surtout connue pour sa nouvelle La loterie (1948 / The lottery) adaptée au cinéma en 2019, pour son roman La maison hantée (1959 / The haunting of hill house) considéré comme l’un des meilleurs romans de fantômes et adapté au cinéma (notamment par Robert Wise en 1963 qui en a fait un classique du cinéma d’épouvante : La Maison du diable / The haunting) et pour le roman dont il est question ci-dessus.

Son œuvre a influencé de nombreux écrivains, dont Richard Matheson et Stephen King.

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Abé Kôbô – La femme des sables

(Roman / 1962 / Suna no onna)

Couverture du roman La femme des sables d'Abé Kôbô

Un homme marche dans les dunes à la recherche d’un insecte des sables. Il arrive à proximité d’un village en partie ensablé. Avant de comprendre ce qui lui arrive, il se retrouve prisonnier dans une maison au fond d’un trou, en compagnie d’une femme, chargé lui aussi de charrier inlassablement le sable envahissant qui menace les habitations.

Commentaire

« La femme des sables » est un roman étrange. Fascinant aussi. Il semble hors du temps. Ses protagonistes sont à peine nommés, ou pas nommés du tout. Des descriptions. Beaucoup de questions.

« La femme des sables » peut donner lieu à des interprétations multiples. Certains y verront l’inéluctable temps qui passe. Pour d’autres, il symbolisera la vacuité de la vie. Ou alors l’élévation de l’esprit. D’autres relèveront la faiblesse de l’homme. Ou sa petitesse, son insignifiance dans l’univers. L’impuissance de l’homme face aux éléments. La mort qui n’épargne personne. Chacun s’y retrouvera, en fonction de son vécu, de son état d’esprit, de ses propres réflexions.

Ce roman me fait penser, alors que les histoires et les styles d’écriture sont complètement différents, à d’autres ovnis littéraires : « Cent ans de solitude » de Gabriel Garcia Marquez, « La Caverne des idées » de José Carlos Somoza ou « Le désert des tartares » de Dino Buzzati. Génial dans son genre.

Extraits

Peut-il être, en vérité, plus horrible réponse que l’absence de réponse ! (p.72)

Si la femme lui était tout un difficile problème, cela ne tenait pas à la simple donnée qu’elle était une femme : cela devait tenir, jugeait-il, à cette position qu’elle prenait, la face contre la natte et les reins relevés. D’avoir jamais rien vu d’aussi indécent, non, en vérité, il ne s’en souvenait pas. (p.73)

De même que la grenouille en hibernation abolit l’existence de l’hiver, il s’essayait à se convaincre qu’il était possible, de par sa seule immobilité à lui, d’abolir, dans le même temps et en toutes choses, la somme des mouvements qui se manifestent dans le monde. (p.73)

Il n’est jamais si gros poisson que celui qu’on vient de manquer ! (p.279)

Car seul le naufragé qui vient à grand-peine d’échapper à la noyade est à même de comprendre, lui et nul autre, tout le désir qu’on peut avoir de rire, simplement parce qu’il vous est donné de pouvoir encore respirer et vivre. (p.297)

L’auteur et son œuvre

Kôbô Abé, né le 7 mars 1924 à Tokyo, est un romancier, dramaturge et scénariste japonais.

Il passe son enfance en Mandchourie. Fils de médecin, il étudie lui-même la médecine, mais aussi les mathématiques. Il est par ailleurs passionné d’étymologie (il avait sa propre collection d’insectes dans sa jeunesse), de littérature et de philosophie.

Après avoir abandonné la médecine, il se consacre totalement à l’écriture. Son œuvre comporte une quinzaine de romans, des nouvelles, une pièce de théâtre, des essais, des poèmes. Il obtient des prix littéraires prestigieux. Son roman le plus connu est « La femme des sables ».

Kôbô Abé meurt le 22 janvier 1993 à Tokyo d’une faiblesse cardiaque.

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