Mircea Cartarescu – Solénoïde

(Roman / 2015 / Solenoid)

Couverture du roman Solénoïde de Mircea Cartarescu

Professeur de roumain, le narrateur enseigne dans une école de Bucarest. Si le métier le rebute, c’est pourtant dans cette école qu’il fera trois rencontres capitales : celle d’Irina, dont il tombe amoureux, celle d’un mathématicien qui l’initie aux arcanes de sa discipline, et celle d’une secte mystique qui organise des manifestations contre la mort dans les cimetières de la ville.
Chef-d’œuvre de Mircea Cartarescu, Solénoïde est le journal halluciné d’un homme qui cherche à percer le mystère de l’existence.
(quatrième de couverture)

Commentaire

Le roman Solénoïde de Mircea Cartarescu peut être comparé à du Kafka sous stéroïdes hallucinogènes en 971 pages, avec des passages sublimes, des paragraphes à rallonge et un sens du détail cauchemardesque.

Le narrateur est professeur de roumain à Bucarest, la ville la plus triste du monde (je ne juge pas, je rapporte ses propos), dans la Roumanie communiste. Il aurait pu devenir écrivain. Il y a renoncé après avoir été humilié dans sa jeunesse lors d’une lecture publique d’un de ses écrits (incompris), La Chute, un long poème qu’il considérait comme un chef d’œuvre. Il estime que ne pas être écrivain lui offre davantage de possibilités d’écrire de manière lucide sur le questionnement du sens de la vie. Ce qu’il fait en tenant un journal.

Le lecteur découvre dans ce labyrinthe délirant Colentina, son quartier misérable, les choses qui sortent de son nombril, ses collègues, ses élèves, sa maison aux pièces infinies, ses parents, le solénoïde caché sous sa maison aux propriétés surprenantes, ses rêves, une ville où on manque de tout, un fauteuil de dentiste, des poux et des sarcoptes aveugles, les tesseracts, un sanatorium, une usine en ruine et les énigmatiques piquetistes. Tout est improbable. Tout est déstabilisant. Tout est réel et irréel. Tout est monstrueux. Tout est partie de l’ensemble.

Un monument. Une expérience de lecture.

Extraits

Comment sais-je que j’existe si je sais aussi que je ne serai plus ? Pourquoi ai-je accès à l’espace logique et à la structure mathématique du monde ? Seulement pour les perdre quand mon corps sera détruit ? Pourquoi suis-je réveillé la nuit par la pensée que je mourrai, et, assis, en sueur, je crie, je me débats, et j’essaie d’étouffer la pensée intolérable de ma disparition pour l’éternité, de mon non-être pour toujours, jusqu’à la nuit des temps ? Nous vieillissons, nous attendons patiemment dans la file des condamnés à mort. Nous sommes exécutés les uns après les autres dans le plus sinistre des camps d’extermination. Nous sommes d’abord dépouillés de la beauté, de la jeunesse et de l’espérance. Nous sommes enveloppés du costume de pénitent des maladies, de l’épuisement et de l’altération. Nos grands-parents meurent, nos parents sont exécutés devant nous et, soudain, le temps se raccourcit, tu te vois brusquement face au fil de la faux. Alors seulement, tu as la révélation que tu vis dans un abattoir, que les générations sont massacrées et que la terre les engloutit, que des multitudes continuent à être poussées dans le gosier de l’enfer, que personne, absolument personne n’en réchappe. Que plus un seul des êtres humains que nous voyons sortir de l’usine dans les films de Louis Lumière n’est encore en vie. Que tous ces gens qui figurent sur une photo sépia vieille de quatre-vingts ans sont morts. Que nous venons tous au monde d’un terrifiant abîme sans mémoire, que nous souffrons de manière inimaginable sur un grain de poussière dans le monde infini et que nous périssons ensuite, en une nanoseconde, comme si nous n’avions jamais vécu, comme si nous n’avions jamais été. (p.225)

Pourquoi je ne me souviens pas du temps d’avant ma naissance ? Pourquoi je ne peux me souvenir du futur ? J’ai toujours eu si peur devant le monde énorme dans lequel je suis enterré, que je ne peux finalement m’empêcher de penser que la réalité est uniquement de la peur à l’état pur, de la peur solidifiée. Je vis dans la peur. Je respire la peur, j’avale la peur, je serai enterré dans la peur. Je transmets ma peur de génération en génération, comme je l’ai reçue de mes parents et de mes grands-parents. (p.498)

L’auteur et son œuvre

Mircea Cartarescu est né le 1 juin 1956 à Bucarest. Poète, journaliste, critique littéraire, mais aussi professeur d’université, il est surtout un des grands écrivains de la littérature contemporaine roumaine, auteur d’une trentaine de livres, il a été traduit dans plus de vingt langues.

Mon Mircea Cartarescu ++

Je n’ai rien lu d’autre de cet auteur.

À découvrir aussi (clic sur le titre pour en savoir davantage)

D’autres lectures
Ray Bradbury – Le vin de l’été
Julien Green – Léviathan

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Anny Duperey – Les chats de hasard ♥

(Récit / 1999)

Couverture du récit Les chats de hasard d'Anny Duperey

Titi a choisi de vivre avec moi. C’est un petit chat gris, à la tête ronde, au regard doré et au poil court et laineux. De la race des chartreux. Doux, intelligent, rassurant, Titi, en plus d’être beau, a toutes les qualités. Compagnon à l’affection sans faille, Titi m’aime telle que je suis. Avec lui, je m’abandonne, sans peur, ni jeu ni séduction. Il est le premier de mes chats de hasard.

(quatrième de couverture)

Commentaire

Je connaissais Anny Duperey, la comédienne. Je savais qu’elle écrivait, mais je n’avais aucune idée de ce qu’elle écrivait. Et puis ce livre m’a fait de l’œil. Les chats de hasard. Le titre sur le dos d’un livre de poche rangé sur une étagère au milieu d’un grand nombre d’autres livres de poche. Les chats de hasard. Simple. Direct. Énigmatique aussi. Poétique. Je ne pouvais que rester accroché. J’ai pris le livre et je l’ai acheté. Un peu par hasard. Comme les chats de hasard. Mais sans hésitation. Cela allait de soi. Une rencontre qui était écrite.

Je ne l’ai pas lu de suite. J’ai toujours un petit stock de livres en attente. Je ne l’ai pas lu de suite mais je n’ai pas trop tardé non plus.

Deux mois.

Puis j’ai découvert Titi. J’ai découvert d’autres chats. Le style élégant, agréable, sans fioritures d’Anny Duperey. Ses confidences. Sa vie. Ses chats. Anny Duperey ne cherche pas à en mettre plein la vue. Elle raconte, comme elle se confierait à un ami.

Je ne m’attendais pas à la déferlante d’émotions qui m’a subjugué en découvrant ces mots, ces phrases, ces anecdotes.

« Les chats de hasard » m’a touché au plus profond de moi. Dans mon souvenir, je n’ai ressenti une telle puissance émotionnelle qu’en lisant Une vie de Maupassant. D’autres livres m’ont ému, mais rien de comparable. « Les chats de hasard » n’est pas un livre triste, ni un livre qui appelle à la colère ou à l’indignation ou qui suscite un sentiment d’injustice. C’est un beau récit. Un partage qui brille par sa sincérité, sa simplicité, ses valeurs. Anny Duperey raconte l’essentiel. Elle-même, des pensées personnelles, des anecdotes privées et professionnelles. Et les chats qui l’ont accompagnée au fil des années, comme une évidence. La vie. Avec ses joies et ses peines.

Loin de certains autres ouvrages qui capitalisent sur les chats ou sur un phénomène de mode pour vendre du futile, les chats de hasard est un condensé de bonheur à l’état pur.

Je conseille ce livre à tous les amoureux des chats. Et aux autres aussi.

Je relirai ces 222 pages avec un immense plaisir.

Merci Anny Duperey.

L’auteure et son œuvre

Anny Duperey est née le 28 juin 1947 à Rouen. Elle a de multiples cordes à son arc : comédienne, photographe, auteure de romans et d’autobiographies notamment.

Mon Anny Duperey ++

Je n’ai rien lu d’autre de cette auteure. Pour le moment.

À découvrir aussi (clic sur le titre pour en savoir davantage)

Une autre histoire de chats
Vicki Myron – Dewey

D’autres lectures
John Boyne – Les fureurs invisibles du coeur
Anne Berest – La carte postale

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LECTURE DE JUILLET 2023

Le Prince des Marées, de Pat Conroy. Un roman touchant et addictif. De l’humour et des drames entre New York et la Caroline du Sud, deux mondes que tout oppose. L’histoire de la famille Wingo qui essaye de s’en sortir malgré le sort qui s’acharne sur elle et un terrible secret que tous ses membres auraient souhaité oublier.

Une comparaison entre les deux traductions disponibles vous permettra de choisir celle qui vous convient le mieux.

Bonne lecture !

Pat Conroy – Le Prince des Marées ♥

(Roman / 1986 / The Prince of Tides)

Couverture du roman Le Prince des marées de Pat Conroy

Tom, Luke et Savannah ont grandi au paradis, dans le sud faulknérien, sur l’île de Melrose où leur père pêchait et leur mère régnait par sa beauté. Leur enfance éblouie et perdue préfigure les drames de l’âge adulte. Parce qu’ils refusent de mûrir, de vieillir, leurs rêves d’art, d’exploits, de justice vont se heurter à la brutalité du monde réel. La géniale et tragique Savannah et ses frères affrontent l’amour, la solitude et la peur de vivre avec une ironie désespérée.

(quatrième de couverture)

Commentaire

Coup de cœur. Chef d’œuvre. Magnifique récit présentant une famille du Sud profond ayant du mal à joindre les deux bouts, les Wingo, souvent raillés par leurs congénères de Colleton et d’ailleurs.

Savannah, la fille, brillante poétesse, a quitté le cocon familial et s’est réfugiée à New York, coupant peu à peu tout lien avec les siens. Lorsqu’elle refait une tentative de suicide, Tom, son jumeau, se précipite à son chevet dans la Grande Pomme. Il rencontre Susan Lowenstein, la psy de Savannah, qui n’a que peu d’estime pour les rustres du Sud. Tous les deux partagent toutefois un but commun : faire au mieux pour venir en aide à Savannah.

Pour tenter de comprendre les origines du mal-être de Savannah, Tom raconte leur histoire familiale à Lowenstein, histoire faite de drames, de tendresse, d’humour, de complicité et d’un environnement spécifique à ce Sud unique.

Le lecteur découvre ainsi au fil des pages un père pêcheur de crevettes, violent, aux idées géniales mais foireuses, une mère complexée par sa condition et prête à tout pour sortir de la médiocrité, un grand-père excentrique de sainteté, une grand-mère au contraire totalement libérée, Luke, le grand-frère pragmatique des jumeaux avec qui il forme une fratrie unie et aimante, Savannah et sa folie douce, Tom, coach sportif et prof d’anglais dont le couple bat de l’aile, des tragédies et un lourd secret.

Un roman brillant, triste et drôle, dans la veine des meilleurs John Irving. Une source d’inspiration probablement pour les auteures de Betty et de Là où chantent les écrevisses.

Un pavé de 1070 pages (Pocket) qui ne m’a paru long à aucun moment.

A lire absolument pour les amateurs du genre.

Pour la petite histoire

Ce roman m’a été conseillé par Jonathan, un lecteur conquis par Ainsi a-t-il été, mon roman américain à moi. Il a réussi à me proposer quatre romans que je considère aujourd’hui comme des coups de cœur incontournables : celui-ci, Betty, Le gang des rêves et Les fureurs invisibles du cœur. Un sans-faute. Un carton plein. Merci et chapeau !

(en retour, je lui ai suggéré Pachinko et Le fils, dans cette même veine ; avec Là où chantent les écrevisses, des John Irving et Les chutes de Joyce Carol Oates, il y a de quoi remplir une étagère de magnifiques fresques familiales prenantes que je ne peux que recommander).

Extraits

Une famille est un élément naturellement soluble ; avec le temps il se dissout comme le sel dans l’eau de pluie. (p.768)

Et tandis que j’applaudissais, je savais que là serait toujours mon fardeau, non pas dans le fait de ne point posséder de génie, mais dans celui d’en être pleinement conscient. (p.810)

Rien n’affecte davantage une petite ville que la perte du plus rare et du plus adorable de ses citoyens. Rien n’affecte davantage une famille sudiste que la mort d’un homme qui lui conférait équilibre et fragilité dans un monde perméable aux valeurs corrompues. (p.903)

La vérité n’est jamais que ce dont on a décidé de se souvenir (p.1007)

L’histoire de ma famille était une histoire d’eau salée, de bateaux et de crevettes, de larmes et de tempêtes. (p.1065)

L’auteur et son œuvre

Pat Conroy est né le 26 octobre 1945 à Atlanta. Il est décédé le 4 mars 2016 à Beaufort, en Caroline du Sud, d’un cancer du pancréas.

Auteur à succès, il a enseigné en Caroline du Sud avant de se faire renvoyer, scandalisé par les moyens mis à disposition de ses élèves défavorisés et en conflit avec l’administration scolaire, notamment à cause de méthodes d’enseignement non conventionnelles et de son opposition aux châtiments corporels.

Il a publié son premier livre en 1972, The Boo (non traduit en français), une suite d’anecdotes, d’histoires courtes et de lettres en hommage au lieutenant-colonel Thomas Nugent Courvoisie qui s’occupait des cadets à l’académie militaire de la Citadelle à Charleston où il a étudié.

Pat Conroy a ensuite écrit sept romans :

1976 The Great Santini (Le Grand Santini)
1980 The Lords of discipline (non traduit)
1986 The Prince of Tides (Le Prince des Marées)
1995 Beach music (Beach music)
2002 My losing season (Saison noire)
2009 South of broad (Charleston Sud)
2013 The death of Santini, the story of a father and his son (La mort de Santini)

Il a publié trois autres livres :

1972 The water is wide : son expérience en tant qu’enseignant (une adaptation a été traduite en 1974, suite à l’adaptation du livre à l’écran : Conrack. Le Journal d’un instituteur qui dérangeait trop l’ordre établi ; le texte intégral a été traduit en 2018 : À quelques milles du reste du monde)

1999 The Pat Conroy Cookbook : Recipes of my life : un livre de recettes enrichi d’anecdotes, non traduit.

2010 My Reading Life : suite de récits autobiographiques, non traduit.

Mon Pat Conroy ++

Je n’ai rien lu d’autre de cet auteur, mais je n’en resterai pas là.

Le Prince des Marées : et ces traductions alors ?

Ce paragraphe fait suite à mon article « Coup de gueule » : ICI.

Petit rappel, il existe deux traductions de ce roman, l’initiale et la révisée. J’ai commencé à lire la traduction révisée, qui m’a irrité, puis je me suis procuré la traduction initiale.

J’ai lu « Le Prince des Marées » dans sa traduction initiale avec grand plaisir. Mais je n’en suis pas resté là. J’ai comparé les deux traductions (l’initiale et la révisée) sur une cinquantaine de pages et j’en suis arrivé à la conclusion qu’il y a trois types de changements d’une traduction à l’autre :

  1. Le remplacement de « nous » suivis d’un passé simple

Exemples :

Traduction initiale.

« Nous étions des enfants et nous ne tardâmes pas à sauter la barrière pour faire quelques pas dans la forêt interdite. » (p.209)

« Nous détalâmes. Nous fonçâmes au mur de pierre que nous escaladâmes au plus vite avant de courir en hurlant jusqu’à notre jardin. » (p.212)

« Pendant la semaine qui suivit, nous fûmes prudents et vigilants, mais les jours passèrent sans incident et les rues d’Atlanta succombèrent à la blanche incandescence des cornouillers en fleur. » (p.214)

Traduction révisée.

« Nous étions des enfants et on ne tarda pas à sauter la barrière pour faire quelques pas dans la forêt interdite. » (p.209)

« On détala. On fonça au mur de pierre qu’on escalada au plus vite avant de courir en hurlant jusqu’à notre jardin. » (p.153)

« Pendant la semaine qui suivit, on fut prudents et vigilants, mais les jours passèrent sans incident et les rues d’Atlanta succombèrent à la blanche incandescence des cornouillers en fleur. » (p.154)

  1. La censure

Exemple :

« Elle lui demandait de faire nettoyer la maison par une Noire avant notre arrivée. » (p.214)

devient

« Elle lui demandait de faire nettoyer la maison avant notre arrivée. » (p.154)

Soit la traductrice avait inventée ce personnage au moment de la première traduction (ce qui serait quand même étonnant), soit le texte original a été purement et simplement censuré pour être davantage « politiquement correct » aux yeux des bien-pensants.

L’auteur est décédé en 2016, la traduction révisée a été publiée en 2019.

  1. Des améliorations dans certaines tournures de phrase

Il est vrai que certaines phrases sont plus fluides dans la nouvelle traduction, mais il s’agit de peu de cas et en règle générale, la traduction initiale tenait la route.

En conclusion ?

Sous prétexte d’améliorer (ce qui a été fait à certains endroits), la nouvelle traduction s’est offert le luxe d’appauvrir le texte et de le censurer. Si les révisions s’étaient limitées aux améliorations réelles, j’aurais applaudi des deux mains, mais les deux autres points me font préférer sans l’ombre d’un doute la traduction initiale.

Chacun choisira sa version en connaissance de cause (la meilleure étant sans doute la version originale en anglais).

Traduction initiale : Presses de la Renaissance, Pocket.
Traduction révisée : Albin Michel, Livre de poche.

Les pages indiquées après les citations ci-dessus sont celles des versions Pocket et Albin Michel.

Le Prince des Marées n’en reste pas moins un chef d’œuvre !

À découvrir aussi (clic sur le titre pour en savoir davantage)

D’autres lectures
Sabine Ledoux – Moi, Christiane P.
Agatha Christie – La nuit qui ne finit pas

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MON LIVRE NUMÉRO 5 BIENTÔT DISPONIBLE

Une grande nouvelle avant les vacances estivales : mon cinquième livre verra le jour le 24 septembre !

Un nouveau décor, une nouvelle couleur, un nouveau roman qui vous entraînera dans les méandres du showbiz et du monde des nantis, tout en gardant un pied à Balançon. Je n’en dis pas plus pour le moment. Rendez-vous à la rentrée pour le lancement de cette nouvelle aventure de la Collection du Chat Noir.

Bon été et à bientôt pour le numéro 5.

COUP DE GUEULE : Appauvrissement de la langue française, réécriture et censure

À partir de combien d’occurrences, une malheureuse coïncidence se transforme-t-elle en potentiel crime organisé ?

Il ne s’agit pas là d’une accroche de quatrième de couverture, mais d’une réelle inquiétude. D’une colère, n’ayons pas peur des mots. D’où ce coup de gueule.

Le Club des Cinq

Tout a commencé il y a quelques années déjà, avec la publication de nouvelles traductions des célèbres aventures du Club des Cinq. Pour faire court, voici ce qui a changé concrètement dans les nouvelles versions des livres mythiques d’Enid Blyton :

– passage du passé simple au présent.
– suppression de certaines descriptions.
– simplification du langage, avec des « on » remplaçant des « nous » par exemple.
– suppression de ce qui pouvait être perçu comme politiquement incorrect.

Les trois premiers points illustrent une fâcheuse tendance à l’appauvrissement de la langue.

Le dernier point renvoie à un autre vrai souci : la censure des bien-pensants, comme dans le cas du renommage des Dix petits nègres, d’Agatha Christie.

Voici trois articles illustrant cette réécriture des célèbres romans de la Bibliothèque Rose :

https://actualitte.com/article/69948/jeux-video/le-club-des-5-la-nouvelle-traduction-qui-laisse-sans-voix

https://bibliobs.nouvelobs.com/romans/20170406.OBS7659/le-club-des-cinq-a-perdu-son-passe-simple-et-pas-mal-d-autres-choses-aussi.html

https://www.lavie.fr/ma-vie/famille/litterature-jeunesse-le-club-des-cinq-et-le-mystere-du-passe-simple-perdu-73502.php

Hachette se défend d’un nivellement par le bas mais avance une « modernisation » de la série, pour pousser à lire. Hallucinant ! J’ai du mal à croire que ces coupes franches ont incité beaucoup d’enfants n’aimant pas lire à se plonger dans ces livres. Au contraire, ceux qui sont passionnés par la lecture ont beaucoup perdu dans cette affaire. Scandaleux.

Couverture du roman Le Club des Cinq va camper de Enid Blyton

Mais nos charmantes maisons d’édition ne se sont pas arrêtées en si bon chemin. Elles ont de la suite dans les idées !

Pat Conroy – Le Prince des marées, nouvelle traduction

Un lecteur d’Ainsi a-t-il été m’a conseillé de lire Le Prince des marées publié en 1986 et vendu à plus de 20 millions d’exemplaires. Totalement conquis par les suggestions précédentes de ce lecteur averti (Betty, Le gang des rêves), je me suis plongé avec enthousiasme dans ce pavé culte de Pat Conroy. Et j’ai été séduit par l’histoire, les personnages, les dialogues. Mais quelque chose dans l’écriture m’a turlupiné. J’ai mis 150 pages à mettre le doigt dessus. Le souci m’a sauté aux yeux dans un passage où le narrateur raconte son enfance en compagnie de son frère et de sa sœur, en lisant la phrase :

« Nous étions des enfants et on ne tarda pas à sauter la barrière pour faire quelques pas dans la forêt interdite. »

Moche.

Dans ma tête, la bonne phrase était :

« Nous étions des enfants et nous ne tardâmes pas à sauter la barrière pour faire quelques pas dans la forêt interdite. »

J’ai regardé d’un peu plus près.

Je me suis rendu compte que toutes les fois où l’imparfait était utilisé pour la première personne du pluriel, le narrateur disait « nous » et pour tous les passé simple il utilisait « on ». Indigne d’une telle œuvre littéraire (portée à l’écran par Barbara Streisand).

J’ai creusé.

J’ai vu que dans mon livre édité par Albin Michel, il était noté « Traduction révisée ».

J’ai pensé au Club des Cinq.

J’ai écrit au lecteur qui m’avait conseillé ce livre et je lui ai demandé s’il l’avait lu en français, s’il avait toujours ce livre, dans quelle édition et s’il pouvait vérifier ma phrase.

Il m’a répondu dans la demi-heure.

Il dispose de la première traduction, faite par la même traductrice. La phrase en question apparaît ainsi :

« Nous étions des enfants et nous ne tardâmes pas à sauter la barrière pour faire quelques pas dans la forêt interdite. »

Comme je l’imaginais. Sans cet immonde « on ».

Je me suis procuré une version de la traduction originale. Stupeur. Tous les « nous » avec passé simple apparaissent bien dans cette première traduction. Ils ont tous été remplacés par des « on » dans la traduction révisée.

Couverture du roman Le Prince des marées de Pat Conroy

Je ne veux pas accabler la traductrice. Elle ne s’est certainement pas réveillée un matin en se disant « Je vais saboter mon boulot du Prince des marées ».

Alors quoi ? Qu’est-ce qui est passé par la tête d’Albin Michel pour infliger un tel traitement à ce roman ?

Et la suite ?

Le Club de Cinq, Le Prince des marées. Deux coïncidences ? Un vaste complot destiné à simplifier ou saboter notre belle langue française ? à censurer pour rentrer sans vergogne dans le politiquement correct ? Orchestré par qui ? Dans quel but ? Combien d’autres œuvres subissent le même sort, en silence, dans l’ombre ? Jusqu’où iront-« ils » ?

Je me rends compte à quel point mes questions « complotistes » sonnent ridicules. Mais je ne comprends pas ce qui se passe. J’oscille entre incompréhension et colère. Et je lance cette bouteille à la mer. Ce cri dans la nuit. Aura-t-il un écho ?

En attendant, je poursuis ma lecture du Prince des marées, dans sa première traduction, bien sûr (Presses de la Renaissance, Pocket).

Le fin mot de l’histoire, après lecture du roman, dans l’article consacré au Prince des marées : ICI.

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