Pat Conroy – Le Prince des Marées ♥

(Roman / 1986 / The Prince of Tides)

Couverture du roman Le Prince des marées de Pat Conroy

Tom, Luke et Savannah ont grandi au paradis, dans le sud faulknérien, sur l’île de Melrose où leur père pêchait et leur mère régnait par sa beauté. Leur enfance éblouie et perdue préfigure les drames de l’âge adulte. Parce qu’ils refusent de mûrir, de vieillir, leurs rêves d’art, d’exploits, de justice vont se heurter à la brutalité du monde réel. La géniale et tragique Savannah et ses frères affrontent l’amour, la solitude et la peur de vivre avec une ironie désespérée.

(quatrième de couverture)

Commentaire

Coup de cœur. Chef d’œuvre. Magnifique récit présentant une famille du Sud profond ayant du mal à joindre les deux bouts, les Wingo, souvent raillés par leurs congénères de Colleton et d’ailleurs.

Savannah, la fille, brillante poétesse, a quitté le cocon familial et s’est réfugiée à New York, coupant peu à peu tout lien avec les siens. Lorsqu’elle refait une tentative de suicide, Tom, son jumeau, se précipite à son chevet dans la Grande Pomme. Il rencontre Susan Lowenstein, la psy de Savannah, qui n’a que peu d’estime pour les rustres du Sud. Tous les deux partagent toutefois un but commun : faire au mieux pour venir en aide à Savannah.

Pour tenter de comprendre les origines du mal-être de Savannah, Tom raconte leur histoire familiale à Lowenstein, histoire faite de drames, de tendresse, d’humour, de complicité et d’un environnement spécifique à ce Sud unique.

Le lecteur découvre ainsi au fil des pages un père pêcheur de crevettes, violent, aux idées géniales mais foireuses, une mère complexée par sa condition et prête à tout pour sortir de la médiocrité, un grand-père excentrique de sainteté, une grand-mère au contraire totalement libérée, Luke, le grand-frère pragmatique des jumeaux avec qui il forme une fratrie unie et aimante, Savannah et sa folie douce, Tom, coach sportif et prof d’anglais dont le couple bat de l’aile, des tragédies et un lourd secret.

Un roman brillant, triste et drôle, dans la veine des meilleurs John Irving. Une source d’inspiration probablement pour les auteures de Betty et de Là où chantent les écrevisses.

Un pavé de 1070 pages (Pocket) qui ne m’a paru long à aucun moment.

A lire absolument pour les amateurs du genre.

Pour la petite histoire

Ce roman m’a été conseillé par Jonathan, un lecteur conquis par Ainsi a-t-il été, mon roman américain à moi. Il a réussi à me proposer quatre romans que je considère aujourd’hui comme des coups de cœur incontournables : celui-ci, Betty, Le gang des rêves et Les fureurs invisibles du cœur. Un sans-faute. Un carton plein. Merci et chapeau !

(en retour, je lui ai suggéré Pachinko et Le fils, dans cette même veine ; avec Là où chantent les écrevisses, des John Irving et Les chutes de Joyce Carol Oates, il y a de quoi remplir une étagère de magnifiques fresques familiales prenantes que je ne peux que recommander).

Extraits

Une famille est un élément naturellement soluble ; avec le temps il se dissout comme le sel dans l’eau de pluie. (p.768)

Et tandis que j’applaudissais, je savais que là serait toujours mon fardeau, non pas dans le fait de ne point posséder de génie, mais dans celui d’en être pleinement conscient. (p.810)

Rien n’affecte davantage une petite ville que la perte du plus rare et du plus adorable de ses citoyens. Rien n’affecte davantage une famille sudiste que la mort d’un homme qui lui conférait équilibre et fragilité dans un monde perméable aux valeurs corrompues. (p.903)

La vérité n’est jamais que ce dont on a décidé de se souvenir (p.1007)

L’histoire de ma famille était une histoire d’eau salée, de bateaux et de crevettes, de larmes et de tempêtes. (p.1065)

L’auteur et son œuvre

Pat Conroy est né le 26 octobre 1945 à Atlanta. Il est décédé le 4 mars 2016 à Beaufort, en Caroline du Sud, d’un cancer du pancréas.

Auteur à succès, il a enseigné en Caroline du Sud avant de se faire renvoyer, scandalisé par les moyens mis à disposition de ses élèves défavorisés et en conflit avec l’administration scolaire, notamment à cause de méthodes d’enseignement non conventionnelles et de son opposition aux châtiments corporels.

Il a publié son premier livre en 1972, The Boo (non traduit en français), une suite d’anecdotes, d’histoires courtes et de lettres en hommage au lieutenant-colonel Thomas Nugent Courvoisie qui s’occupait des cadets à l’académie militaire de la Citadelle à Charleston où il a étudié.

Pat Conroy a ensuite écrit sept romans :

1976 The Great Santini (Le Grand Santini)
1980 The Lords of discipline (non traduit)
1986 The Prince of Tides (Le Prince des Marées)
1995 Beach music (Beach music)
2002 My losing season (Saison noire)
2009 South of broad (Charleston Sud)
2013 The death of Santini, the story of a father and his son (La mort de Santini)

Il a publié trois autres livres :

1972 The water is wide : son expérience en tant qu’enseignant (une adaptation a été traduite en 1974, suite à l’adaptation du livre à l’écran : Conrack. Le Journal d’un instituteur qui dérangeait trop l’ordre établi ; le texte intégral a été traduit en 2018 : À quelques milles du reste du monde)

1999 The Pat Conroy Cookbook : Recipes of my life : un livre de recettes enrichi d’anecdotes, non traduit.

2010 My Reading Life : suite de récits autobiographiques, non traduit.

Mon Pat Conroy ++

Je n’ai rien lu d’autre de cet auteur, mais je n’en resterai pas là.

Le Prince des Marées : et ces traductions alors ?

Ce paragraphe fait suite à mon article « Coup de gueule » : ICI.

Petit rappel, il existe deux traductions de ce roman, l’initiale et la révisée. J’ai commencé à lire la traduction révisée, qui m’a irrité, puis je me suis procuré la traduction initiale.

J’ai lu « Le Prince des Marées » dans sa traduction initiale avec grand plaisir. Mais je n’en suis pas resté là. J’ai comparé les deux traductions (l’initiale et la révisée) sur une cinquantaine de pages et j’en suis arrivé à la conclusion qu’il y a trois types de changements d’une traduction à l’autre :

  1. Le remplacement de « nous » suivis d’un passé simple

Exemples :

Traduction initiale.

« Nous étions des enfants et nous ne tardâmes pas à sauter la barrière pour faire quelques pas dans la forêt interdite. » (p.209)

« Nous détalâmes. Nous fonçâmes au mur de pierre que nous escaladâmes au plus vite avant de courir en hurlant jusqu’à notre jardin. » (p.212)

« Pendant la semaine qui suivit, nous fûmes prudents et vigilants, mais les jours passèrent sans incident et les rues d’Atlanta succombèrent à la blanche incandescence des cornouillers en fleur. » (p.214)

Traduction révisée.

« Nous étions des enfants et on ne tarda pas à sauter la barrière pour faire quelques pas dans la forêt interdite. » (p.209)

« On détala. On fonça au mur de pierre qu’on escalada au plus vite avant de courir en hurlant jusqu’à notre jardin. » (p.153)

« Pendant la semaine qui suivit, on fut prudents et vigilants, mais les jours passèrent sans incident et les rues d’Atlanta succombèrent à la blanche incandescence des cornouillers en fleur. » (p.154)

  1. La censure

Exemple :

« Elle lui demandait de faire nettoyer la maison par une Noire avant notre arrivée. » (p.214)

devient

« Elle lui demandait de faire nettoyer la maison avant notre arrivée. » (p.154)

Soit la traductrice avait inventée ce personnage au moment de la première traduction (ce qui serait quand même étonnant), soit le texte original a été purement et simplement censuré pour être davantage « politiquement correct » aux yeux des bien-pensants.

L’auteur est décédé en 2016, la traduction révisée a été publiée en 2019.

  1. Des améliorations dans certaines tournures de phrase

Il est vrai que certaines phrases sont plus fluides dans la nouvelle traduction, mais il s’agit de peu de cas et en règle générale, la traduction initiale tenait la route.

En conclusion ?

Sous prétexte d’améliorer (ce qui a été fait à certains endroits), la nouvelle traduction s’est offert le luxe d’appauvrir le texte et de le censurer. Si les révisions s’étaient limitées aux améliorations réelles, j’aurais applaudi des deux mains, mais les deux autres points me font préférer sans l’ombre d’un doute la traduction initiale.

Chacun choisira sa version en connaissance de cause (la meilleure étant sans doute la version originale en anglais).

Traduction initiale : Presses de la Renaissance, Pocket.
Traduction révisée : Albin Michel, Livre de poche.

Les pages indiquées après les citations ci-dessus sont celles des versions Pocket et Albin Michel.

Le Prince des Marées n’en reste pas moins un chef d’œuvre !

À découvrir aussi (clic sur le titre pour en savoir davantage)

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Agatha Christie – La nuit qui ne finit pas

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John Boyne – Les fureurs invisibles du coeur ♥

(Roman / 2017 / The heart’s invisible furies)

Couverture du roman Les fureurs invisibles du coeur de John-Boyne

Cyril n’est pas « un vrai Avery » et il ne le sera jamais – du moins, c’est ce que lui répètent ses parents, Maude et Charles. Mais s’il n’est pas un vrai Avery, qui est-il ? Né d’une fille-mère bannie de la communauté rurale irlandaise où elle a grandi, devenu fils adoptif des Avery, un couple dublinois aisé et excentrique, Cyril se forge une identité au gré d’improbables rencontres et apprend à lutter contre les préjugés d’une société irlandaise où la différence et la liberté de choix sont loin d’être acquises.

 « Une grande fresque sur l’histoire sociale de l’Irlande transformée en épopée existentielle. » Florence Bouchy, Le Monde des livres.

 « John Boyne partage avec le chef-d’œuvre de John Irving, Le Monde selon Garp, un même souffle épique. » Delphine Peras, L’Express.

 « Une éducation sentimentale et politique portée par l’art d’un romancier qui sait sonder les reins et les cœurs. » Christophe Ono-dit-Biot, Le Point.

 (quatrième de couverture)

Commentaire

« Les fureurs invisibles du coeur » est un pavé de 850 pages. Mais ce livre ne m’a paru long à aucun moment.

John Boyne nous propose une mémorable et passionnante fresque familiale et historique sur sept décennies et trois pays. L’Irlande, croyante et conservatrice, prend cher. Ses curés, frustrés et méchants, semblent prendre un malin plaisir à humilier les femmes dès que l’occasion se présente. Ses élus et son gouvernement ne brillent pas par leur intelligence et leur volonté de servir le peuple. Quant au peuple, il affiche une homophobie violente et hypocrite, par ignorance, par bêtise ou par peur de l’inconnu peut-être.

Cyril, le principal protagoniste de cette histoire, se débat dans cette société brutale entre ce qu’il est, ce qu’il a le droit d’être et ce qu’il doit surtout cacher pour ne pas aller à l’encontre de la loi et de la bienséance. Et plus ses désirs sont refoulés, plus ils l’obsèdent. Il mène une vie conventionnelle pour les autres et une vie secrète dans sa tête et à travers d’aventures nocturnes précipitées et sans lendemain.

John Boyne nous offre une jolie galerie de personnages, imparfaits, avec leurs interrogations, leurs craintes, leurs doutes, leurs malheurs et leurs petites victoires. Il les décrit avec finesse et justesse. A travers les attitudes, aventures et mésaventures des uns et des autres, il pointe du doigt l’intolérance banalisée et surtout le droit à la différence.

Le plus grand tour de force de l’auteur est peut-être de réussir à faire passer le lecteur sans cesse du rire aux larmes, sur des sujets et des séquences aussi dramatiques.

Un roman addictif.

« Les fureurs invisibles du coeur » a sa place sur mon étagère quelque part entre Pachinko, Le gang des rêves, Betty, Là où chantent les écrevisses, L’œuvre de Dieu, la part du diable, « Les chutes » et Ainsi a-t-il été.

L’auteur et son œuvre

John Boyne est né en 1971 à Dublin.

Il a écrit une douzaine de romans et une demi-douzaine de romans pour adolescents, dont le best-seller mondial « Un garçon en pyjama rayé » qui a été adapté au cinéma en 2008. Ses romans sont traduits dans 50 langues.

Mon John Boyne ++

Je n’ai lu que « Les fureurs invisibles du cœur » de cet auteur pour le moment.

À découvrir aussi (clic sur le titre pour en savoir davantage)

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Laurent Gaudé – Le soleil des Scorta
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Djaïli Amadou Amal – Les impatientes

(Roman / 2020)

Couverture du roman Les impatientes de Djaïli Amadou Amal

« Patience, mes filles ! Munyal ! Telle est la seule valeur du mariage et de la vie. » Au nord du Cameroun, au sein des riches familles peules et musulmanes, la patience est la vertu cardinale enseignée aux futures épouses. Malheur à celle qui osera contredire la volonté d’Allah ! Entre les murs des concessions, où règnent rivalité polygame et violences conjugales, la société camerounaise condamne ces femmes au silence.

Mais c’est aussi là que les destins s’entrelacent. Ramla, arrachée à son premier amour ; Safira, confrontée à l’arrivée d’une deuxième épouse ; Hindou, mariée de force à son cousin : chacune rêve de s’affranchir de sa condition. Jusqu’où iront-elles pour se libérer ?

(quatrième de couverture)

Commentaire

La quatrième de couverture m’a préparé à un roman poignant. Lorsque j’ai découvert après la page de titre, la mention : « Cet ouvrage est une fiction inspirée de faits réels », j’ai eu l’intuition que je débutais un livre particulier. Elle s’est vérifiée.

« Les impatientes » relate la condition de la femme dans les milieux aisés du nord du Cameroun. La vie dans les concessions, dans ces enceintes fermées regroupant de grandes familles et des domestiques. Là où les hommes ont tous les droits, ou presque. Là où les femmes n’en ont presque pas. A cause de l’interprétation de la religion. A cause des coutumes. A cause du poids de la société. A cause des hommes. A cause d’autres femmes aussi.

Dans ces enceintes, règne une chape de silence. « Patience » dit-on aux femmes qui s’interrogent sur ce qui leur arrive. La société a banalisé les filles mariées de force à des hommes plus âgés, les viols conjugaux, la polygamie et les rivalités qu’elle engendre, les violences au quotidien autant physiques que psychologiques. « Patience. » Elles patientent souvent, subissent, survivent au mieux. Souffrant d’un déficit d’éducation par rapport aux garçons, ces filles n’ont souvent que leurs yeux pour pleurer. Certaines se rebellent. Pour le meilleur ou pour le pire.

Un roman/récit qui ne peut laisser indifférent.

Prix Goncourt des lycéens 2020.

Un livre à ranger par exemple à côté de « Le cahier bleu » de James A. Levine qui dénonce les atrocités de la prostitution des enfants en Inde. Âmes sensibles s’abstenir.

L’auteure et son œuvre

Djaïli Amadou Amal est née en 1975 à Maroua, dans le nord du Cameroun. Ce roman est en partie autobiographique. Elle a été mariée à 17 ans à un homme plus âgé qu’elle. Elle a réussi, à force de détermination, à s’enfuir. Depuis, elle a pris la plume et attire l’attention sur ces pratiques révoltantes. Militante pour les droits de la femme, elle fait entendre la voix de ces femmes brimées au vu et au su de la société. Pour faire changer les mentalités. Pour que cessent ces souffrances.

Outre « Les impatientes », elle a également écrit « Walaande, l’art de partager un mari » en 2010, « Mistiriijo, la mangeuse d’âmes » en 2013 et « Cœur du Sahel » en 2022.

Mon Djaïli Amadou Amal ++

Je n’ai lu que « Les impatientes » de cette auteure.

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Hervé Le Tellier – L’anomalie

(Roman / 2020)

« Il est une chose admirable qui surpasse toujours la connaissance, l’intelligence, et même le génie, c’est l’incompréhension. »

En juin 2021, un événement insensé bouleverse les vies de centaines d’hommes et de femmes, tous passagers d’un vol Paris-New York. Parmi eux : Blake, père de famille respectable et néanmoins tueur à gages ; Slimboy, pop star nigériane, las de vivre dans le mensonge ; Joanna, redoutable avocate rattrapée par ses failles ; ou encore Victor Miesel, écrivain confidentiel soudain devenu culte. Tous croyaient avoir une vie secrète. Nul n’imaginait à quel point c’était vrai.

(quatrième de couverture)

Couverture du roman L'anomalie de Herve Le Tellier

Commentaire

Un roman original qui s’assemble comme un puzzle à travers l’histoire de sept passagers et du commandant d’un vol Paris – New York pris dans un terrible orage.

Le style d’écriture s’adapte à chaque personnage. Le lecteur découvre petit à petit où l’auteur veut en venir. Le suspense et les rebondissements sont au rendez-vous. On n’échappe pas à certains clichés, mais ceux-ci ne m’ont pas gêné. On a hâte de comprendre et de connaître la fin.

Ce roman questionne sur le sens de la vie et, dans cette quête de la Vérité, nous livre parmi toutes les hypothèses envisagées une explication qui vaut son pesant de cacahuètes par son originalité et par ce qu’elle implique. Je n’en dirai pas plus pour ne rien dévoiler de l’intrigue.

Un roman à lire !

Prix Goncourt 2020.

L’auteur et son œuvre

Hervé Le Tellier est un écrivain français né à Paris le 21 avril 1957.

Il a écrit des romans, des nouvelles, des pièces de théâtres, des poèmes.

Coopté à l’Oulipo en 1992, il en est le président depuis 2019.

Mon Hervé Le Tellier ++

Je n’ai lu que « L’anomalie » de cet auteur.

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Dezso Kosztolanyi – Anna la douce

(Roman / 1926 / Édes Anna)

Couverture du roman Anna la douce de Dezso Kosztolanyi

Hongrie. 31 juillet 1919. La République des Conseils qui dirige le pays depuis cent jours vit ses derniers instants. Les bolcheviks, à sa tête, sont chassés du pouvoir.

A Budapest, dans leur maison cossue, les Vizy revivent. Ils n’ont plus de raison d’avoir peur. Kornel Vizy, l’ancien conseiller ministériel, retourne à ses activités politiques et retrouve son lustre d’avant. Sa femme, Angela Vizy, se consacre à nouveau à son obsession : trouver la bonne idéale. Le concierge Ficsor, Rouge aux prérogatives déchues, sait qu’il a des choses à se faire pardonner par les riches propriétaires de l’immeuble s’il veut survivre à l’inévitable répression. Il propose à madame Vizy de lui débaucher la meilleure des bonnes, Anna, qui travaille actuellement pour une famille moins aisée. Il lui assure qu’elle est parfaite.

Commentaire

Dans le Budapest d’après-guerre et d’après un court intermède communiste, les personnages de Dezso Kosztolanyi évoluent comme dans une pièce de théâtre géante, avec l’appartement des Vizy comme scène principale et des scènes déportées de-ci de-là au gré des besoins de l’auteur et de son histoire. Il y a le couple de nantis, lui, ambitieux, plongé dans les intrigues et les rouages de la politique, elle, préoccupée par son intérieur et par les mille et un défauts potentiels de la future bonne. Il y a le neveu excentrique, les amis de la bonne société, le notaire, le docteur plein d’humanité, le concierge ex-rouge en danger au milieu des puissants de retour au pouvoir, leurs femmes, le ramoneur et les bonnes. Dans ce microcosme, chacun agit selon ses moyens, ses convictions et sa classe sociale, pour vivre ou survivre.

Dezso Kosztolanyi manie l’humour et l’ironie tantôt avec subtilité, tantôt avec férocité. Il n’explique pas, il décrit. Il présente ses personnages, la plupart d’entre eux pas des plus sympathiques, et leurs actes, sans rien justifier. Il ne juge pas, il laisse ce soin au lecteur. Son style narratif, simple et efficace, offre une lecture très agréable, parfois presque jouissive.

Un classique de la littérature hongroise. Un classique tout court, admirablement servi par une excellente traduction.

ATTENTION : évitez de lire préfaces et quatrièmes de couverture des livres de cet auteur, les intrigues y sont souvent dévoilées ; prenez-en connaissance après avoir lu les romans.

Extraits

– Vous, n’est-ce pas, vous aimez l’humanité.
– Moi ? Pas particulièrement.
– Pardon
– Je ne l’aime pas, parce que je ne l’ai encore jamais vue, parce que je ne la connais pas. L’humanité, c’est un concept abstrait. Et vous remarquerez d’ailleurs, Monsieur le conseiller, que tous les escrocs aiment l’humanité. L’égoïste, celui qui ne donnera un morceau de pain pas même à son frère, l’hypocrite, ils auront toujours pour idéal l’humanité. Ils pendent et ils assassinent, mais ils aiment l’humanité. Il n’y a rien de plus confortable. En fin de compte, cela n’engage à rien. Personne ne viendra vers moi en disant « bonjour, je suis l’humanité ». L’humanité ne demande pas à manger, ne veut pas de vêtements, elle reste à une distance respectable, en toile de fond, son auguste front dignement auréolé. Seuls Pierre et Paul existent. Des êtres humains. L’humanité, cela n’existe pas.
– Et la patrie ?
– La patrie, c’est pareil, répondit Moviszter, qui fit une pause pour trouver l’explication adéquate. La patrie, voyez-vous, c’est aussi une notion très belle et très large. Excessivement large. Combien de crimes ne sont-ils pas commis en son nom… (p.142)

[…] Souvent je me dis que de nos jours, seuls les domestiques ont la belle vie.
Ces dames se prirent à soupirer, comme si elles avaient, toutes tant qu’elles étaient, raté leur carrière, comme si elles n’avaient, dans ce monde impitoyable, qu’un seul regret : elles étaient condamnées à ne jamais devenir domestiques… (p.146)

De telles rencontres, avec le recul des années réservent toujours quelques surprises.
Nous aimons fixer nos connaissances éloignées en un point donné, en une situation déterminée, tout comme les morts ; nous arrêtons le temps sur leurs têtes, et nous nous persuadons, en vertu d’une pieuse mystification, que cet arbitraire de notre imagination qui les a figés en un cliché est aussi valable pour nous, et que nous non plus, depuis ce temps-là, nous n’avons pas avancé sur la voie qui conduit à l’anéantissement. Et voilà qu’en pareille circonstance nous devons prendre conscience, comprendre que nous nous sommes leurrés, et nous sourions, embarrassés, comme si vraiment nous voyions devant nous quelque chose d’agréable, et non point un phénomène des plus déplaisants. (p.162)

Tout le monde a ses défauts. C’est naturel. Il faut s’en accommoder. Pour elles non plus la vie n’est pas si rose. Elles se fatiguent tellement, elles se décarcassent tellement, et leur travail est tel qu’il ne peut même pas leur donner des satisfactions : sitôt achevé, c’est déjà du passé, il est aussitôt mangé par d’autres, Sali, abîmé, par nous, chère Madame, par nous. Eh bien, qu’elles aient au moins cette petite compensation, qu’on leur permette de ne pas être parfaites… Il faut le comprendre. (p.244)

 Même le ministre ne bougea pas. Il se sentait parfaitement bien. Tout le monde se sentait parfaitement bien. Peut-être parce que le ministre se sentait parfaitement bien. (p.272)

 Ils avançaient comme deux aveugles, bras dessus, bras dessous dans la nuit, l’un guidant l’autre – l’aveugle, celui qui ne voit pas. (p.309)

L’auteur et son œuvre

Dezső Kosztolányi est né le 29 mars 1885 à Szabadka et mort le 3 novembre 1936 à Budapest. Cet homme de lettres hongrois a été poète, écrivain, journaliste, critique littéraire, essayiste et traducteur. Il a notamment traduit Maupassant, Molière, Calderon, Rostand, Byron, Huysmans et Wilde.

Dans ses écrits, il a exploré l’âme humaine avec ironie, tendresse et justesse. Il parvenait à décrire le commun des mortels comme s’il était une personne extraordinaire. Ce qui est un peu vrai : chacun est unique.

Fondateur et un des principaux rédacteurs de la revue Nyugat (Occident) qui a joué un rôle prépondérant dans le renouveau littéraire hongrois du début du 20e siècle, il est aussi un grand ami de Frigyes Karinthy, un autre immense personnage littéraire de l’époque.

Un auteur captivant, à découvrir ou redécouvrir.

Mon Dezso Kosztolanyi ++

J’ai découvert Dezso Kosztolanyi avec « Anna la douce ». Une expérience extrêmement positive. J’ai enchaîné avec d’autres œuvres de cet auteur : des romans (Alouette, Le cerf-volant d’or, Néron le poète sanglant, Le mauvais médecin, Kornél Esti, Les aventures de Kornél Esti), des nouvelles (Baignade (une histoire cruelle et tragique), Pauline, Silus, Marc-Aurèle, Caligula) et un poème (Marc-Aurèle). J’ai été conquis par l’ensemble, hormis le poème (pas ma spécialité).

Alouette

(1924 / Pacsirta)

Sarszeg, Hongrie, début septembre 1899. Le vieux couple Vajkay envoie leur fille Alouette dans la famille à la campagne pour une semaine. Akos et Antonia Vajkay s’autorisent des sorties et redécouvrent des joies oubliées dans leur petite ville durant ces sept jours. Ils finissent par s’avouer de cruelles vérités.

L’auteur décrit encore une incroyable panoplie de personnages, dans son style simple, direct, efficace. Incroyable parce qu’ils n’ont rien de particulier et pourtant ils sont tous uniques. L’art de transformer des gens ordinaires en personnes remarquables. Dans cette vie banale en province, interrompue le temps d’une parenthèse de sept jours pour le couple Vajkay, le quotidien est parfois cruel et semble inévitable, sous un vernis fragile de routine acceptée bon gré, mal gré.

Un roman d’une grande puissance émotive et en même temps d’une grande sobriété. Du grand art.

Le cerf-volant d’or

(1925 / Aranysárkány)

A Sarszeg, c’est bientôt l’heure du bac. Les étudiants espèrent ne pas être recalés. Leurs professeurs font de leur mieux pour leur inculquer le savoir et faire d’eux des hommes. Parmi eux, Antal Novàk, veuf et père d’une fille qui n’est pas insensible aux charmes des garçons et qui s’applique à le mener par le bout du nez. Novàk, pas dupe, ne fait cependant pas preuve de trop de sévérité car, comme pour ses élèves, il croit aux vertus de la pédagogie douce, de l’éducation, des explications et de la persuasion.

Encore un roman passionnant de Dezso Kosztolanyi. Contrairement à « Anna la douce » et à « Alouette » où toute la force de la narration réside dans la description des actions des personnages, dans « Le cerf-volant d’or » l’auteur fait entrer le lecteur dans la tête des personnages et explique ainsi pourquoi ils agissent de la manière dont ils agissent.

Une fois encore, Dezso Kosztolanyi décrit des gens simples, des élèves, des professeurs, des commerçants, et en fait des personnages uniques. A partir d’une banale ville et de son école, il tisse un drame complexe que même ses acteurs interpréteront de différentes manières.

Les pistes de réflexion sont nombreuses : l’ingratitude, le harcèlement, le bien-fondé voué à l’échec du désir de maîtriser et de former les autres selon ce qu’on pense bon, les dégâts potentiels occasionnés par des malentendus et un manque de communication, l’hypocrisie, l’ennui de la routine, la complexité des gens simples, le manque de respect des élèves à leurs professeurs signalé par l’auteur en Hongrie il y a une centaine d’années et qu’on déplore de plus en plus en France de nos jours.

Un excellent roman !

Extraits

Il ne le comprenait pas. Il voulait le comprendre. Il savait que les souffrances les plus douloureuses viennent de la non-compréhension, car ne fait mal que ce qu’on est incapable de concevoir ou de se représenter. Il espérait trouver un soulagement dans la compréhension. (p.242)

 – Comme on fait son lit on se réveille. (p.339)

Néron, le poète sanglant

(1922, Nero, a véres költő)

Un autre chef d’œuvre.

Dezso Kosztolanyi aurait pu écrire l’histoire de Néron avec ses mots, en se basant sur ses recherches pour coller le plus près possible à la réalité. Il ne l’a pas fait. Il n’a pas écrit un roman historique fidèle à l’Histoire. Son projet a été plus ambitieux.

Il prend quelques libertés avec la chronologie de certains événements (décès de certains personnages), en ignore d’autres (grand incendie de Rome, voyage de Néron en Grèce), ignore des personnages complètement ou presque (Tigellin, Pétrone, Claudia Acte n’est citée qu’une seule fois dans le roman), en invente (Zodique, Fannius), tout cela pour mieux servir son propos.

Dezso Kosztolanyi ne se laisse pas emprisonner dans l’Histoire mais l’utilise pour transposer des problématiques valables à toutes époques : le lien entre art et pouvoir, l’incompatibilité entre un exercice efficace des deux (Néron est mauvais poète étant empereur et mauvais empereur parce que poète), le sens de l’art, ici la poésie, mais aussi le mal nécessaire, la poursuite de ses rêves, l’aveuglement qui peut en découler, les manœuvres et flatteries dans la politique ou l’art, la vanité, l’ambition, le prix à payer pour atteindre ses ambitions, les solutions philosophiques aux problèmes posés (Sénèque, chap. 26 et 30 notamment). Il explore questionnements et solutions (bonnes ou mauvaises) à travers ses personnages (Néron, Agrippine, Britannicus, Octavie, Poppée, Sénèque, Lucain, Pâris, Burrus, Zodique & Fannius, Phaon) et nous livre un roman riche en enseignements et en pistes de réflexion. Toujours dans son style fluide et imparable.

En bonus, une préface élogieuse de Thomas Mann.

Un beau roman.

Le mauvais médecin

(1921 / A rossz orvos)

Le prêtre qui maria Vilma et Istvan leur dit en ouvrant les bras : « Aimez-vous l’un l’autre. »

« L’amour c’est la vie ! s’exclama-t-il ; l’amour, c’est la vérité, l’amour, c’est la voie ! », lança-t-il une fois encore, avec une simplicité telle que les parents de la mariée commencèrent à pleurer.

Ainsi débute « Le mauvais médecin », le premier roman de Dezso Kosztolanyi.

Lorsqu’il publie ce roman, Dezso Kosztolanyi n’est pas un novice de l’écriture. Il a déjà beaucoup d’expérience dans le journalisme, la poésie et la nouvelle. Il maîtrise son style. On peut déjà admirer la précision et la concision dans l’écriture et les descriptions poussées de ses personnages.

« Le mauvais médecin » a souvent eu du mal à trouver sa place. Il ne répond pas à des critères stricts lui permettant d’être étiqueté, collé dans une catégorie. Ni nouvelle, ni roman, il s’agit en réalité d’un roman court, format en vogue en Hongrie à cette époque.

« Le mauvais médecin » questionne sur la culpabilité, la culpabilité qui rapproche les gens, le sens du mariage, le sens de la vie et aussi sur l’obscurantisme et les respectables escrocs parfois aussi assassins que les bandits de grand chemin.

Tragique et cruel !

Kornél Esti

(1934 / Esti Kornél)

Encore un format qui prête à discussion. Dix-huit chapitres pouvant se lire indépendamment qui ont toutefois du sens dans l’ordre choisi par le très créatif auteur (le deuxième chapitre nous présente par exemple Kornél Esti enfant). Par conséquent pas vraiment des nouvelles, mais pas un roman très conventionnel non plus.

Kornél Esti est un double que s’est inventé Dezso Kosztolanyi et qu’il a utilisé dans plus de quarante histoires. Dezso Kosztolanyi donne la liberté à Kornél Esti de vivre ce qu’il a envie de vivre, de dire ce qu’il a envie de dire, de faire ce qu’il a envie de faire, de critiquer ce qu’il a envie de critiquer, tout en s’autorisant compassion et tolérance, lorsqu’il en a envie. L’épouse de Kosztolanyi écrira dans ses Mémoires : « Kornél Esti est son second moi, le double goguenard et sans contraintes de son moi sentimental et bourgeois, qui dit tout haut et surtout accomplit tout ce qu’il aurait, lui, aimé faire, qui vit la vie libre et romantique du XIXe siècle à sa place à lui, Dezső Kosztolányi, lui qui ne fait que travailler, enchaîné à son bureau, que mener à bonne fin sa corvée journalière, courbé sous le joug du gagne-pain, dans cette société d’après-guerre, et des devoirs familiaux. »

On retrouve tout le génie de Dezso Kosztolanyi dans le décryptage du chapitre 9 (l’histoire d’une rencontre dans un train entre Kornél Esti et un contrôleur bulgare), dans l’inventivité pince-sans-rire du chapitre 14 (l’histoire d’un cleptomane qui traîne sa maladie jusqu’à sa dernière profession connue, traducteur), dans son analyse des gens dans les chapitres 4 (une ville dont les habitants se blâment plutôt que de se vanter), 6 (dans lequel on découvre qu’il est difficile de se débarrasser d’un trop-plein d’argent) et 12 (dans lequel un vénérable président dispense sa sagesse en dormant).

Dans les chapitres 13 et 16, il nous montre à quel point la bonté et la bienveillance mettent parfois la patience à rude épreuve.

Le chapitre 18, le dernier, est une allégorie du cours de l’existence. Elle renvoie à la nouvelle de son grand ami Fryges Karinthy, « Le cirque », qui nous présente également une allégorie de la vie.

« Kornél Esti » est un régal d’humour et de clairvoyance, dans un style des plus agréables.

Extraits du chapitre 12

Jusqu’à présent, sur terre, tous les désordres sont venus de ce que certains voulaient créer un ordre, toutes les immondices sont venues de ce que certains voulaient balayer. Comprenez-moi, la vraie malédiction en ce monde est l’organisation, et le vrai bonheur, c’est la désorganisation, le hasard, le caprice. (p.219)

 Les exemples attestent que l’humanité a été plongée dans le malheur, le sang et l’ordure par ceux qui s’enthousiasmaient pour la chose publique, qui prenaient leur mission au sérieux, qui veillaient ardemment, honnêtement, et ses bienfaiteurs ont été ceux qui ne s’occupaient que de leurs propres affaires, les négligents, les indifférents, les dormeurs. L’erreur n’est même pas de gouverner le monde peu sagement. Au fond, l’erreur est de le gouverner. (p.219)

Les aventures de Kornél Esti

(1935 / Esti Kornél kalandjai : 1927-1935)

Ce deuxième livre consacré à Kornél Esti comporte dix-sept nouvelles histoires qui n’avaient trouvé leur place dans « Kornél Esti ».

De nouvelles analyses perspicaces de l’âme humaine (« Les bizuths », « Le manuscrit », « Le mensonge », « Sarkany », « L’apothicaire et lui », « La disparition de Kalman Kernel », « Bonheur ») et une belle fin.

Le traducteur cleptomane

()

Ce recueil de nouvelles recomposé est une compilation de onze extraits de « Kornél Esti » (5) et de « Les aventures de Konél Esti » (6).

De sa vie, Dezso Kosztolanyi n’a écrit ni recueil, ni nouvelle intitulés « Le traducteur cleptomane ». Ce livre n’est qu’un artificiel assemblage éditorial. Il aurait l’avantage de proposer ces textes si « Kornél Esti » et « Les aventures de Konél Esti » n’avaient pas été publiés en français. Il a l’inconvénient de ne pas représenter ce que l’auteur souhaitait publier. Pourquoi j’en parle ici ? Parce que je me suis fait avoir et j’ai acheté ce livre avant les deux autres. Je ne savais pas. Alors si mon erreur peut aider d’autres à éviter la même, elle aura au moins servi à quelque chose !

Voici la « composition » de ce recueil :

– Le traducteur cleptomane : chapitre 14 de « Kornél Esti ».
– L’argent : chapitre 6 de « Kornél Esti ».
– Le contrôleur bulgare : chapitre 9 de « Kornél Esti ».
– La ville franche : chapitre 4 de « Kornél Esti ».
– La disparition : La disparition de Kalman Kernel de « Les aventures de Kornél Esti ».
– Le pharmacien et lui : L’apothicaire et lui de « Les aventures de Kornél Esti ».
– Misère : Sarkany de « Les aventures de Kornél Esti ».
– Le manuscrit : Le manuscrit de « Les aventures de Kornél Esti ».
– Le président : chapitre 12 de « Kornél Esti ».
– Le chapeau : Le chapeau de « Les aventures de Kornél Esti ».
– La dernière lecture : La dernière lecture publique de « Les aventures de Kornél Esti ».

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Min Jin Lee – Pachinko ♥

(Roman / 2017 / Pachinko)

Couverture du roman Pachinko de Min Jin Lee

Début des années 30. Dans un petit village coréen, la jeune et naïve Sunja se laisse séduire par un riche négociant vivant au Japon. Lorsqu’elle tombe enceinte, son amant lui apprend qu’il a déjà femme et enfants au pays du Soleil-Levant. Il lui propose de devenir sa deuxième épouse, sa « femme coréenne ». Elle refuse. Pour éviter le déshonneur de sa famille, elle accepte d’épouser un pasteur chrétien de santé fragile, de passage dans son village. Cette offre généreuse la contraint néanmoins à quitter son pays et à accompagner son mari au Japon.

Commentaire

« Pachinko » est un roman passionnant, à plus d’un titre.

Tout d’abord, « Pachinko » est une saga familiale qui retrace l’histoire bouleversante d’une famille coréenne sur quatre générations, famille prise dans le tourbillon de l’Histoire du 20e siècle. Les personnages sont décrits avec soin, avec leurs qualités et leurs défauts, leur courage, leur envie de se battre, leur amour pour leurs proches, leurs espoirs et leurs doutes aussi.

« Pachinko » est ensuite un témoignage historique. Il rapporte, souvent dans la douleur, les relations de l’époque entre Japonais et Coréens, les brimades et discriminations raciales subies par les seconds de la part de ceux qui colonisaient leur pays et accueillaient certains ressortissants coréens, main d’œuvre bon marché, en leur faisant bien ressentir leur non-appartenance au pays hôte. Il présente aussi les ravages de la seconde guerre mondiale et la vision des immigrés coréens de la scission en deux de leur pays d’origine.

L’auteure nous fait vivre avec beaucoup d’émotion la nostalgie du pays des Coréens établis au Japon et la difficulté de ces immigrés à trouver leur place dans ce nouveau pays ouvertement hostile à leur égard, les tentations à vaincre pour ne pas baisser les bras (sombrer dans l’alcool), ni renier des valeurs (gagner de l’argent facile en se mettant hors-la-loi).

La tentative de christianisation de la région est également abordée dans ce livre, avec les persécutions et répressions visant à décourager la propagation de cette religion venue d’ailleurs.

« Pachinko » est un roman instructif pour tous les points listés ci-dessus (personnellement j’ai découvert cette haine et cette tension entre Japonais et Coréens), mais aussi pour le Pachinko même, qui n’est pas, comme je le supposais, le prénom d’un protagoniste du livre, mais qui est en réalité un jeu d’argent, quelque part entre le flipper et la machine à sous. On en apprend tous les jours !

« Pachinko », enfin, est un roman merveilleusement bien écrit, d’une plume fluide et précise. Un roman qu’on prend plaisir à lire.

Pour finir, je classe « Pachinko » d’une part sur la même étagère que « L’art de perdre » d’Alice Zeniter, pour son aspect description historique de la difficulté de deux peuples de vivre l’un avec l’autre, l’un étant le colonisateur et l’autre le colonisé (Japon/Corée – France/Algérie), difficulté surtout rencontrée par le second, l’opprimé, celui qui subit une situation non voulue ; d’autre part à côté de Betty, Ainsi a-t-il été, Là où chantent les écrevisses, ces belles histoires de femmes courageuses qui se battent pour survivre.

À lire absolument pour les amateurs du genre.

Extraits

On disait qu’un fils gâté pouvait causer plus de tort à une famille qu’un fils mort, alors ils se gardaient bien de le choyer. (p.17)

 Hoonie avait suffisamment de bon sens pour ne pas espérer l’impossible – il avait la sagesse du paysan, acceptant sa vie telle qu’elle était, sans prétendre à ce qu’il ne lui était pas permis de désirer. (p.17)

 Les plus rusés et les plus robustes survivraient sans doute à cet hiver, mais les récits désolants se multipliaient. Les enfants allaient se coucher pour ne jamais se réveiller, les filles troquaient leur innocence contre un bol de nouilles de blé, les anciens se laissaient mourir en silence pour que les jeunes puissent manger. (p.25)

 Son père lui avait appris à ne pas juger les autres sur des critères superficiels : ce que portait ou possédait un homme ne disait rien de son cœur ou de sa morale. (p.67)

 La vie à Osaka serait difficile, mais les choses allaient s’arranger. Ils feraient un bouillon savoureux des cailloux et de l’amertume qu’on leur donnait. (p.145)

 Il n’y avait plus d’innocence que chez les nouveau-nés. (p.314)

 Ce qui l’étonnait surtout, c’était que plus il approchait de la mort, plus il la craignait. Il y avait tant de choses qu’il n’avait pas réussi à accomplir. Et plus encore qu’il n’aurait jamais dû faire. (p.347)

 Le destin d’une femme est de souffrir. (p.542)

L’auteure et son œuvre

Min Jin Lee est née à Séoul, Corée du Sud, le 11 novembre 1968. Sa famille s’est installée aux Etats-Unis en 1976. Cette auteure et journaliste américano-coréenne a fait des études d’histoire et de droit. Elle a travaillé en tant qu’avocate d’entreprise, avant de se concentrer sur l’écriture. Elle a écrit plusieurs essais, et des articles dans des journaux prestigieux comme le New York Times, le Wall Street Journal ou le Times of London.

Min Jin Lee a vécu quatre ans à Tokyo, de 2007 à 2011. Elle vit aujourd’hui à New York.

Dans le domaine de la fiction, elle a écrit à ce jour deux nouvelles et deux romans : « Free food for millionaires », en 2007, et « Pachinko ». « Free food for millionaires » n’est publié en France qu’en février 2023 sous le titre « La famille Han ».

Mon Min Jin Lee ++

Je n’ai rien lu d’autre de cette auteure pour le moment.

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Mélissa Da Costa – Tout le bleu du ciel

(Roman / 2019)

Couverture du roman Tout le bleu du ciel de Melissa Da Costa

Emile 26 ans est atteint d’un Alzheimer précoce. Cette maladie neurodégénérative incurable va le priver peu à peu de sa mémoire et de ses souvenirs. Il lui reste au maximum deux ans à vivre. Ne voulant ni finir à l’hôpital comme cobaye de tests cliniques, ni surtout gâcher la vie de sa famille et de ses amis en devenant un boulet encombrant, il décide de fuir soignants et compassion des proches. Il veut pleinement profiter du peu de temps qu’il lui reste et choisit de s’embarquer dans un dernier voyage en camping-car à travers les Pyrénées. Il poste une annonce pour trouver un compagnon qui l’accompagnera dans son ultime périple.

Commentaire

« Tout le bleu du ciel » de Mélissa Da Costa est un roman beau et triste à la fois. À recommander aux lecteurs qui aiment être émus aux larmes en lisant (moi j’aime bien de temps en temps). Parfait parce que le livre est épais et on peut ainsi pleurer longtemps.

Une fois qu’on a séché ses larmes, on retient une jolie panoplie de personnages (j’ai trouvé Joanne particulièrement attachante et j’aurais évidemment aimé caresser Pok), des descriptions de villages pittoresques et de paysages magnifiques qu’on a envie de visiter au plus vite (j’imagine ces lieux envahis par des hordes de lecteurs qui ont adoré ce roman ; nous nous y croiserons peut-être un jour), des citations en nombre, une leçon de vie ou du moins des pistes de réflexion sur les priorités de l’existence et l’importance de garder à l’esprit qu’elle finira un jour.

La plume de Mélissa Da Costa est agréable, pleine de vie, fluide, au point qu’on ne voit pas passer les pages de ce pavé qu’est « Tout le bleu du ciel ».

Après avoir refermé ce roman, notre premier regard vers le ciel ne voit pas le bleu tout à fait comme avant.

Une réussite.

L’auteure et son œuvre

Mélissa Da Costa est une romancière française née le 07/08/1990. Après des études d’économie et de gestion, elle travaille comme chargée de communication dans le domaine de l’énergie et du climat. Elle suit en parallèle des formations en aromathérapie, naturopathie et sophrologie.

Elle autoédite son premier roman, « Je revenais des autres » en 2017. Le succès vient avec « Tout le bleu du ciel ». Elle a publié à ce jour deux autres romans : « Les lendemains » (2020) et « Les douleurs fantômes » (2022).

Mon Mélissa Da Costa ++

J’ai lu « Tout le bleu du ciel » et « Les lendemains » de cette auteure.

Les lendemains

(2020)

Un roman apaisant, malgré un sujet d’une grande tristesse. À travers cette histoire, dans un style fluide et simple (dans le bon sens du terme), Mélissa Da Costa nous révèle que le monde ne s’arrête pas de tourner, que la vie continue même après la pire tragédie, qu’il y a moyen de remonter la pente quand on est au fond du trou, qu’il est possible d’apprendre à vivre avec son vécu et d’aller de l’avant, d’une manière ou d’une autre. Tout en pudeur, sans leçon de morale à quatre sous, sans prétendre qu’on peut oublier et passer à autre chose. Dans ce roman, la nature et la bienveillance viendront en aide à la narratrice et joueront un rôle prépondérant dans la construction d’un avenir potentiel qui paraissait inconcevable après le drame. Touchant.

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Delia Owens – Là où chantent les écrevisses ♥

(Roman / 2018 / Where the crawdads sing)

Couverture du roman Là où chantent les écrevisses de Delia Owens

En 1952, des descendants de renégats et d’esclaves en fuite et des laissés-pour-compte qui ont tout perdu ou presque vivent éparpillés dans les marais près de Barkley Cove, en Caroline du Nord. Parmi eux, Kya, 6 ans, et sa famille que les gens de la petite ville considèrent comme des racailles. Celle qui sera vite surnommée « La Fille des marais » se retrouve seule à 10 ans et doit apprendre à se débrouiller pour survivre au milieu de cette nature qu’elle aime tant.

En 1969, le corps d’un jeune homme est retrouvé dans les marécages.

Commentaire

« Là où chantent les écrevisses » est un livre exceptionnel. Hymne à la nature et à la tolérance, ce roman décrit avec beaucoup de réalisme l’abandon et la solitude, l’amour déçu et ses blessures, la mise à l’écart des plus démunis et le racisme.

Autour de ces thèmes forts et bien menés, Delia Owens partage avec le lecteur ses connaissances sur les plantes et les animaux. Cerise sur le gâteau, elle parvient à ajouter un meurtre et une enquête au récit, sans rompre ni son charme, ni son équilibre poétique.

Kya est une héroïne attachante, forte et fragile à la fois. Les autres personnages sont également marquants, faciles à imaginer, autant les discrets gentils que les vrais méchants.

« Là où chantent les écrevisses » est un livre magnifiquement écrit, habilement construit, plein d’humanité, violent parfois, émouvant toujours, sensuel, pudique, qui prête à réfléchir. Un de ces livres qu’on dévore parce qu’on a hâte d’en connaître la fin, alors qu’en même temps on est triste, arrivé aux dernières pages, de devoir quitter ce monde des marais et cette aventure, chagriné de devoir dire adieu à des personnes courageuses et imparfaites qui auront partagé leur vie, leurs mésaventures et leurs bonheurs avec nous.

À ranger sur la même étagère que Betty et que Ainsi a-t-il été, l’étagère des beaux romans, des belles histoires, des femmes courageuses et des livres bouleversants.

À lire absolument pour les amateurs du genre.

Extraits

Un marais n’est pas un marécage. Le marais, c’est un espace de lumière, où l’herbe pousse dans l’eau, et l’eau se déverse dans le ciel. Des ruisseaux paresseux charrient le disque du soleil jusqu’à la mer, et des échassiers s’en envolent avec une grâce inattendue – comme s’ils n’étaient pas faits pour rejoindre les airs – dans le vacarme d’un millier d’oies des neiges.
Puis, à l’intérieur du marais, çà et là, de vrais marécages se forment dans les tourbières peu profondes, enfouis dans la chaleur moite des forêts. Parce qu’elle a absorbé toute la lumière dans sa gorge fangeuse, l’eau des marécages est sombre et stagnante. Même l’activité des vers de terre paraît moins nocturne dans ces lieux reculés. On entend quelques bruits, bien sûr, mais comparé au marais, le marécage est silencieux parce que c’est au cœur des cellules que se produit le travail de désagrégation. La vie se décompose, elle se putréfie, et elle redevient humus : une saisissante tourbière de mort qui engendre la vie. (deux premiers paragraphes du roman)

 Quand il est acculé, désespéré ou isolé, l’homme se replie sur son instinct de survie. (p.18)

 Peut-être allaient-ils tous la quitter, s’en aller par ce chemin l’un après l’autre. (p.57)

 Son père lui avait dit de nombreuses fois que la définition d’un homme, un vrai, c’était qu’il savait pleurer sans honte, qu’il pouvait lire de la poésie avec son cœur, que l’opéra touchait son âme, et qu’il savait faire ce qu’il fallait pour défendre une femme. (p.68)

 Elle n’avait jamais eu d’ami, mais elle ressentait le besoin d’en avoir un. Comme un élan. (p.71)

 Quelqu’un qui aimait les oiseaux ne pouvait tout simplement pas être mauvais. (p.126)

 Allongée à leurs côtés, Ma avait déclaré : « Écoutez bien, il y a une belle leçon à tirer de tout ça. D’accord, on s’est enlisées, mais nous, les filles, qu’est-ce-qu’on a fait ? On l’a pris à la légère et on a bien ri. C’est comme ça que font les sœurs et les filles. Elles s’entraident, même quand elles pataugent, surtout quand elles pataugent. » (p.128)

« Certains peuvent vivre loin de la nature, d’autres ne peuvent pas. » Oh, s’exclama-t-elle. Oh !
– Tu sais lire, Kya. Et tu sais pour toujours.
– C’est pas seulement ça, expliqua-t-elle en murmurant presque. Je savais pas que des mots pouvaient vouloir dire des choses si graves Je savais pas qu’une phrase pouvait être si importante. » (p.137)

 Le temps fait que les enfants ne connaissent jamais leurs parents jeunes. (p.140)

Kya se rappela que sa mère l’encourageait toujours à explorer le marais : « Va aussi loin que tu peux. Tout là-bas, où on entend le chant des écrevisses. »
Ça veut dire aussi loin que tu peux dans la nature, là où les animaux sont encore sauvages, où ils se comportent comme de vrais animaux. (p.146)

 Quand on a besoin des autres, on finit par souffrir. (p.187)

 Combien faut-il être prêt à donner pour vaincre sa propre solitude ? (p.209)

 Elle riait pour lui faire plaisir, ce qu’elle n’avait jamais fait pour personne. Renonçant à une partie d’elle-même rien que pour ne pas perdre sa compagnie. (p.226)

 Kya regardait le bout de ses pieds. Pourquoi celui qu’on a abandonné, celui qui saigne encore, devrait-il assumer la charge du pardon ? (p.252)

Si quelqu’un devait jamais comprendre la solitude, c’était bien la lune.
Retournant vers le cycle immuable de la vie des têtards et le ballet des lucioles, Kya s’enfonça plus profondément encore dans un monde sauvage où les mots n’avaient pas cours. La nature semblait le seul galet qui ne se déroberait plus sous ses pas quand elle traverserait un ruisseau. (p.271)

 Les visages changent avec les épreuves de la vie, mais les yeux demeurent une fenêtre ouverte sur le passé. (p.293)

 Dûment formée par ces millions d’heures passées sans la moindre compagnie, Kya pensait qu’elle savait ce que « solitude » voulait dire. Une vie à fixer la vieille table de la cuisine, à fouiller du regard des chambres vides, et des étendues infinies de vagues et d’herbes. Personne avec qui partager la joie de la découverte d’une plume ou de la dernière touche apportée à une aquarelle. À réciter des poèmes aux mouettes et aux goélands. (p. 431)

L’auteure et son œuvre

Delia Owens est une écrivaine et zoologiste, née en 1949 en Géorgie, aux Etats-Unis. Elle a vécu plus de vingt ans en Afrique. Avant d’écrire « Là où chantent les écrevisses », best-seller international, elle a publié trois livres consacrés à la nature et aux animaux, grands succès aux Etats-Unis également.

Mon Delia Owens ++

Je n’ai rien lu d’autre de cette auteure.

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Jorn Riel – Le jour avant le lendemain

(Roman / 1975 / Før morgendagen)

Couverture du roman Le jour avant le lendemain de Jorn Riel

Dans le nord-est du Groenland, Ninioq, la femme la plus âgée de sa tribu, et son petit-fils Manik se portent volontaires pour organiser le séchage du stock de viande sur une petite île, Neqe. Kongujuk, une autre vieille femme, se joint à eux. Ils passeront l’été sur Neqe en attendant que les bateaux reviennent les chercher pour le retour à l’habitat d’hiver. Ninioq profite du calme de cet été pour transmettre à son petit-fils traditions, légendes, histoires de famille et gestes utiles du quotidien pour survivre dans ce milieu hostile.

Commentaire

Un roman court, sombre et lumineux, bouleversant.

Un livre très instructif sur le mode de vie des peuples du Groenland et sur la rencontre de ces tribus du bout du monde avec l’homme blanc, sur leur vision de ces énigmatiques étrangers et sur ce que ceux-ci leur ont apporté.

Une histoire magnifiquement écrite par Jorn Riel, un conteur-né.

Une petite perle qui marque encore longtemps après avoir refermé le livre.

L’auteur et son œuvre

Jorn Riel est né le 23 juillet 1931 à Odense, au Danemark. Son enfance a été bercée par les récits de Knud Rasmussen et de Peter Freuchen. Il s’engage en 1950 dans une expédition scientifique dirigée par Lauge Koch. Il part pour le nord-est du Groenland et y demeure pendant seize ans.

Son attachement pour les tribus du Groenland et sa riche expérience personnelle dans les contrées du grand nord ont une forte influence sur son œuvre littéraire. Il écrit ainsi une dizaine d’ouvrages intitulés « Racontars arctiques », courtes fictions mettant en scène des personnages récurrents, des trappeurs du nord-est du Groenland amoureux de celle qui manque souvent cruellement sur la banquise : la femme. Il écrit aussi trois trilogies consacrées au grand nord : « La maison de mes pères », « Le chant pour celui qui désire vivre » et « Le garçon qui voulait devenir un être humain ». Cette moitié arctique de son œuvre est dédiée à Nugarssunguaq, sa petite-fille groenlandaise, et à Paul-Emile Victor qu’il a côtoyé au Groenland.

Parmi ses autres écrits, « La faille » dont l’action est située chez les Papous de Nouvelle-Guinée.

Jorn Riel, après ses aventures dans le froid du nord, est parti pour ses vieux jours vivre en Malaisie, « histoire de décongeler » comme il s’amuse à le dire.

Jorn Riel est un écrivain populaire au Danemark mais aussi ailleurs : son œuvre a été traduite dans une quinzaine de langues.

Mon Jorn Riel ++

Je n’ai lu que ce roman de cet auteur pour le moment.

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Philipp Meyer – Le fils

(Roman / 2013 / The son)

Couverture du roman Le fils de Philipp Meyer

L’histoire du Texas de 1850 à nos jours à travers trois personnages d’une même famille mais de trois générations différentes.

Eli McCullough, le Colonel, a été enlevé par les Comanches à l’âge de 11 ans. Il a vécu parmi eux pendant trois ans. De retour chez les Blancs, il a participé à la guerre de Sécession avant de bâtir un empire.

Peter, l’un des fils du Colonel, est sidéré par les méthodes violentes de son père. Révolté dans l’âme, il s’oppose comme il le peut à la tyrannie et à la loi du plus fort.

Jeanne-Anne, petite-fille de Peter, ambitieuse et sans scrupules comme le Colonel, se retrouve à la tête de la fortune familiale et s’efforce de consolider cet héritage.

Commentaire

Philipp Meyer nous raconte l’histoire du Texas, des bisons au pétrole, des massacres perpétrés par les Blancs, les Indiens et les Mexicains aux week-ends entre riches propriétaires, des vols des terres perpétrés par les uns et les autres, les victimes étant toujours outrées d’être dépossédées à leur tour de ce qu’ils s’étaient eux-mêmes approprié par la violence. Une Histoire qui s’écrit dans le sang, dans la destruction de la nature, dans l’extermination des peuples, la sauvagerie des uns n’ayant rien à envier à celle des autres.

L’auteur tient habilement le lecteur en haleine en naviguant entre les époques, en distillant informations et rebondissements au compte-goutte, à travers les trois points de vue de ses personnages principaux. Trois visions, trois voix, trois styles narratifs. Le tyran qui dans sa jeunesse a vu sa famille massacrée sous ses yeux. La conscience familiale, dépitée et se sentant coupable pour tous les autres. Et la femme qui se bat pour réussir dans un milieu encore dominé par les mâles machistes, usant elle-même de procédés impitoyables.

Une vaste galerie de personnages secondaires participe avec bonheur à cette fresque grandiose, imposante en taille et en qualité, qui se construit comme un puzzle géant.

L’histoire des McCullough peut être perçue comme un (excellent) prétexte pour raconter l’Histoire du Texas, elle n’en demeure pas moins prenante.

Un roman palpitant, émouvant, instructif historiquement, empreint d’humanité malgré la violence omniprésente. Un grand roman.

A lire.

Extraits

Les gens ont toujours un faible pour le perdant. Jusqu’à ce qu’il s’agisse de prendre sa défense. (p.241)

 La terre avait soif. Quelque chose de primitif y réclamait son dû. (p.586)

 Un être humain, une vie – ça méritait à peine qu’on s’y arrête. Les Wisigoths avaient détruit les Romains avant d’être détruits par les musulmans, eux-mêmes détruits par les Espagnols et les Portugais. Pas besoin de Hitler pour comprendre qu’on n’était pas dans une jolie petite histoire. Et pourtant, elle était là. A respirer, à penser à tout cela. Le sang qui coulait à travers les siècles pouvait bien remplir toutes les rivières et tous les océans, en dépit de l’immense boucherie, la vie demeurait. (p.587)

 Il y avait dans l’air un certain parfum, apaisant, sucré. Elle le reconnut : le baume de Judée. Est-ce que les bourgeons des peupliers de Virginie étaient déjà sortis ? Elle ne se souvenait plus. (p.756)

 Ils croyaient que personne n’avait le droit de leur prendre ce qu’eux-mêmes avaient volé. Mais c’était pareil pour tout le monde : chacun s’estimait le propriétaire légitime de ce qu’il avait pris à d’autres (p.775)

L’auteur et son œuvre

Philipp Meyer est né le 1er mai 1974 à New York.

Il a écrit deux romans à ce jour :

Un arrière-goût de rouille (2009 / American rust)
Le fils (2013 / The son)

Mon Philipp Meyer ++

Je n’ai lu que « Le fils » de cet auteur à ce jour

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