Shirley Jackson – Nous avons toujours vécu au château

(Roman noir / 1962 / We have always lived in the castle)

Couverture du roman Nous avons toujours vécu au château de Shirley Jackson

Merricat Blackwood, sa sœur aînée Constance et leur oncle Julian vivent dans une grande maison, à l’écart du village. Oncle Julian radote dans son fauteuil roulant, obsédé par l’écriture de ses mémoires. Constance et lui n’ont plus quitté le domaine familial depuis le drame qui a décimé la famille six ans auparavant. Seule Merricat s’aventure au-delà de leur jardin. Lorsqu’elle part faire les courses au village, elle est la cible d’une hostilité à peine dissimulée. Pourquoi les habitants de la petite bourgade détestent-ils autant les rescapés des Blackwood ?

Quatrième de couverture et premier paragraphe du roman

Je m’appelle Mary Katherine Blackwood. J’ai dix-huit ans, et je vis avec ma sœur, Constance. J’ai souvent pensé qu’avec un peu de chance, j’aurais pu naître loup-garou, car à ma main droite comme à la gauche, l’index est aussi long que le majeur, mais j’ai dû me contenter de ce que j’avais. Je n’aime pas me laver, je n’aime pas les chiens, et je n’aime pas le bruit. J’aime bien ma sœur Constance, et Richard Plantagenêt, et l’amanite phalloïde, le champignon qu’on appelle le calice de la mort. Tous les autres membres de ma famille sont décédés.

Commentaire

Le lecteur est plongé dans le vif du sujet dès les premières lignes du roman. Il découvre une narratrice pour le moins originale. Un peu barrée. Au fil des pages, s’installe une ambiance étrange, mélange de folie douce, de haine, de paranoïa, d’angoisse et de poésie.

Shirley Jackson s’amuse et joue avec nos nerfs : qui sont les plus dérangés, les Blackwood ou les villageois ?

Peu à peu, les personnages se dévoilent et les fils de l’intrigue se dénouent.

Une curiosité pour qui est prêt à entreprendre ce voyage singulier. Et une référence dans le genre.

L’auteure et son œuvre

Shirley Jackson est née le 14 décembre 1916 à San Francisco. Elle est décédée le 8 août 1965. Elle a écrit 6 romans et plus de 200 nouvelles. Le fantastique et l’horreur étaient ses genres de prédilection.

Elle est surtout connue pour sa nouvelle La loterie (1948 / The lottery) adaptée au cinéma en 2019, pour son roman La maison hantée (1959 / The haunting of hill house) considéré comme l’un des meilleurs romans de fantômes et adapté au cinéma (notamment par Robert Wise en 1963 qui en a fait un classique du cinéma d’épouvante : La Maison du diable / The haunting) et pour le roman dont il est question ci-dessus.

Son œuvre a influencé de nombreux écrivains, dont Richard Matheson et Stephen King.

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Abé Kôbô – La femme des sables

(Roman / 1962 / Suna no onna)

Couverture du roman La femme des sables d'Abé Kôbô

Un homme marche dans les dunes à la recherche d’un insecte des sables. Il arrive à proximité d’un village en partie ensablé. Avant de comprendre ce qui lui arrive, il se retrouve prisonnier dans une maison au fond d’un trou, en compagnie d’une femme, chargé lui aussi de charrier inlassablement le sable envahissant qui menace les habitations.

Commentaire

« La femme des sables » est un roman étrange. Fascinant aussi. Il semble hors du temps. Ses protagonistes sont à peine nommés, ou pas nommés du tout. Des descriptions. Beaucoup de questions.

« La femme des sables » peut donner lieu à des interprétations multiples. Certains y verront l’inéluctable temps qui passe. Pour d’autres, il symbolisera la vacuité de la vie. Ou alors l’élévation de l’esprit. D’autres relèveront la faiblesse de l’homme. Ou sa petitesse, son insignifiance dans l’univers. L’impuissance de l’homme face aux éléments. La mort qui n’épargne personne. Chacun s’y retrouvera, en fonction de son vécu, de son état d’esprit, de ses propres réflexions.

Ce roman me fait penser, alors que les histoires et les styles d’écriture sont complètement différents, à d’autres ovnis littéraires : « Cent ans de solitude » de Gabriel Garcia Marquez, « La Caverne des idées » de José Carlos Somoza ou « Le désert des tartares » de Dino Buzzati. Génial dans son genre.

Extraits

Peut-il être, en vérité, plus horrible réponse que l’absence de réponse ! (p.72)

Si la femme lui était tout un difficile problème, cela ne tenait pas à la simple donnée qu’elle était une femme : cela devait tenir, jugeait-il, à cette position qu’elle prenait, la face contre la natte et les reins relevés. D’avoir jamais rien vu d’aussi indécent, non, en vérité, il ne s’en souvenait pas. (p.73)

De même que la grenouille en hibernation abolit l’existence de l’hiver, il s’essayait à se convaincre qu’il était possible, de par sa seule immobilité à lui, d’abolir, dans le même temps et en toutes choses, la somme des mouvements qui se manifestent dans le monde. (p.73)

Il n’est jamais si gros poisson que celui qu’on vient de manquer ! (p.279)

Car seul le naufragé qui vient à grand-peine d’échapper à la noyade est à même de comprendre, lui et nul autre, tout le désir qu’on peut avoir de rire, simplement parce qu’il vous est donné de pouvoir encore respirer et vivre. (p.297)

L’auteur et son œuvre

Kôbô Abé, né le 7 mars 1924 à Tokyo, est un romancier, dramaturge et scénariste japonais.

Il passe son enfance en Mandchourie. Fils de médecin, il étudie lui-même la médecine, mais aussi les mathématiques. Il est par ailleurs passionné d’étymologie (il avait sa propre collection d’insectes dans sa jeunesse), de littérature et de philosophie.

Après avoir abandonné la médecine, il se consacre totalement à l’écriture. Son œuvre comporte une quinzaine de romans, des nouvelles, une pièce de théâtre, des essais, des poèmes. Il obtient des prix littéraires prestigieux. Son roman le plus connu est « La femme des sables ».

Kôbô Abé meurt le 22 janvier 1993 à Tokyo d’une faiblesse cardiaque.

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Jane Austen – Raison et sentiments ♥

(Roman / 1811 / Sense and sensibility)

Couverture du roman Raison et sentiments de Jane Austen

À la mort d’Henry Dashwood, sa femme et ses trois filles sont obligées d’abandonner le domaine de Norland au profit du fils du défunt né d’une première union. Elles s’installent chez un parent généreux John Middleton. Dans leur nouvelle société, Elinor et Marianne, les filles aînées au caractère diamétralement opposé, vivent leurs premiers émois amoureux, entre grandes espérances et terribles désillusions.

Commentaire

Jane Austen réunit dans ce roman tous les ingrédients qui caractérisent son œuvre. Un style d’écriture riche et précis, des passages très drôles, de l’ironie, de l’émotion.

Elle nous présente la petite gentry de la fin du 18e siècle, les aspirations des uns et des autres, les vilenies également.

Jane Austen décrit à merveille l’une des préoccupations principales des femmes en âge de se marier, à savoir trouver un mari convenable et suffisamment fortuné pour assurer confort et bien-être à la famille. La condition sociale, le rang et l’éducation reçue jouent un rôle important dans ces exercices de rapprochements et d’alliances. L’attirance physique et l’inclination entrent également en compte dans ce jeu de relations. Même si les sentiments sont parfois sacrifiés lorsque les circonstances et la réussite d’un arrangement recherché l’exigent.

Des personnages austéniens

Jane Austen a créé une jolie palette de personnages illustrant la complexité de l’âme humaine. À commencer par les deux sœurs unies par une indéfectible affection et pourtant si différentes. La sage et réfléchie Elinor ne livre que peu ce qu’elle éprouve au fond de son cœur. Prudente, les pieds sur terre, elle essaye de toujours raison et contrôle garder. Marianne, au contraire, s’abandonne à ses sentiments, prête à s’enflammer pour les beaux yeux d’un charmant prétendant. Romantique, elle aime passionnément, sans détour. La première obéit aux règles de bienséance, tandis que la seconde n’hésite pas à outrer les esprits conservateurs de l’époque.

Les autres personnages balayent un large spectre de traits de caractère : la sottise, la gentillesse, l’avarice, la cupidité, l’honnêteté, la timidité, l’esprit calculateur, l’étroitesse d’esprit, l’absence de scrupules, le désintéressement, la mesquinerie, la générosité. Toujours avec humour, esprit et une grande capacité d’analyse psychologique.

Bien entendu, les intrigues et les retournements de situation sont au rendez-vous dans ce magnifique « Raison et sentiments ».

Extraits

« Cher, cher Norland, disait Marianne en se promenant seule devant la maison, le dernier soir, quand cesserai-je de te regretter ? Comment pourrai-je me sentir chez moi ailleurs ? O heureuse maison ! peux-tu savoir ce que je souffre en te regardant de cet endroit d’où, peut-être, je ne te verrai jamais plus ? Et vous, mes arbres familiers ! Mais vous resterez les mêmes. Pas une feuille ne tombera à cause de notre départ et pas une branche ne restera immobile parce que nous ne serons plus là pour vous voir ! Non, vous resterez bien les mêmes, ignorant le plaisir ou le regret dont vous êtes cause, et insensibles au changement de ceux qui se promenaient sous votre ombre ! Mais qui donc restera pour vous admirer ? » (p.30)

 Faut-il rejeter toutes les probabilités parce que ce ne sont pas des certitudes ? (p.81)

 Je souhaite, comme tout le monde, être parfaitement heureux ; mais, comme pour tout le monde, il faut que ce soit à ma propre façon. (p.93)

 – Je me suis souvent surprise moi-même à faire ce genre d’erreur, dit Elinor, à me méprendre sur quelque aspect d’un caractère ; on s’imagine que les gens sont plus gais ou plus graves, plus ingénieux ou plus stupides qu’ils ne le sont en réalité, et il est difficile de dire comment et en quoi l’erreur a pris naissance. Parfois, on se fonde sur ce qu’ils disent eux-mêmes et, plus fréquemment, sur ce qu’en disent les autres, sans se donner à soi-même le loisir de réfléchir et de juger. (p.96)

 Lorsqu’on ne souhaite pas être convaincu d’une chose, on trouve toujours des raisons d’en douter. (p.172)

 Un homme qui ne sait que faire de son temps ne se fait pas scrupule de le faire perdre aux autres. (p.202)

 Mrs Dashwood plut également à lady Middleton. Il y avait chez toutes les deux un égoïsme et une sécheresse de cœur qui les attiraient mutuellement ; et elles communiaient, l’une, l’autre, dans une insipide correction et un manque complet d’intelligence. (p.228)

 Elle ne parlait pas beaucoup, car, à l’inverse de beaucoup de gens, elle mesurait le nombre de ses paroles à celui de ses idées. (p.231)

 Le mal est maintenant irréparable et c’est entièrement votre œuvre. (p.248)

 Il regrette ce qu’il a fait. Et pourquoi le regrette-t-il ? Parce que cela ne lui a pas réussi. (p.346)

L’auteure et son œuvre

Jane Austen est née le 16 décembre 1775 à Steventon en Angleterre, avant-dernière de la fratrie. Elle a six frères et une sœur, Cassandra, qui sera sa meilleure amie tout au long de sa vie et qui, comme elle, mourra sans être mariée et donc sans descendance. Son père est pasteur et sa mère compte un lord-maire de Londres parmi ses ancêtres. La famille n’est pas riche mais vit confortablement.

Les Austen apprécient la littérature. C’est donc naturellement que Jane écrit dès son enfance, à cette époque pour amuser ses proches. Elle prend plaisir à se moquer des romans sentimentaux à la mode.

En 1783, les deux sœurs passent par Oxford pour parfaire leur éduction. Puis elles reviennent vivre au domicile familial. Jane y a accès à la l’importante bibliothèque familiale.

Elle est fortement marquée par le décès de son père en 1805.

Outre ses histoires de jeunesse regroupées dans les « Juvenilia », Jane Austen écrira neuf romans dont deux resteront inachevés et une pièce de théâtre.

Elle décède de maladie le 18 juillet 1817, avant d’avoir réussi à terminer son roman « Sanditon ».

Le style Austen

On retrouve dans l’ensemble de l’œuvre de Jane Austen son style pétillant, son art à manier l’humour et l’ironie, son réalisme, sa critique sociale, habile mais sans concession, et sa large panoplie de personnages bien brossés, allant de la jeune fille attachante et pleine de bon sens au baronnet vaniteux déconnecté de la vraie vie.

Austen aujourd’hui

Jane Austen est un des fleurons de la littérature anglaise. Elle est mondialement reconnue et appréciée.

De nombreux écrivains ont rendu hommage à Jane Austen, soit en imaginant une fin à ses romans inachevés, soit en situant leurs propres romans dans l’univers austénien, comme P.D. James dans « La mort s’invite à Pemberley ».

Ses œuvres ont connu de multiples adaptations, au cinéma et à la télévision.

Mon Jane Austen ++

J’ai lu les 9 romans de Jane Austen, tous très recommandables, et une œuvre extraite des « Juvenilia ». Mes préférés, outre « Raison et sentiments », sont « Orgueil et préjugés », « Emma », « Persuasion » et l’inachevé « Les Watson ».

Orgueil et préjugés

(1813 / Pride and prejudice)

Mr et Mrs Bennett habitent la campagne et ont cinq filles à marier. L’arrivée dans le voisinage de riches héritiers leur ouvrent des perspectives intéressantes. Jane et Elizabeth tireront-elles leur épingle du jeu ? S’entendront-elles avec les sœurs de Charles Bingley ? De son côté, Darcy paraît trop fier et hautain pour plaire. Le cousin Collins ou Wickham, l’ami de Darcy, brouilleront-ils les cartes ? Kitty et Lydia Bennett se mêleront-elles des relations amoureuses de leurs grandes sœurs ? L’orgueil des uns et les préjugés des autres empêcheront-ils des alliances de voir le jour ?

Un classique

« Orgueil et préjugés » est le roman le plus connu de Jane Austen. L’attachante Lizzy Bennett en est l’héroïne. Une jeune fille dans la grande tradition des personnages de Jane Austen, pleine de bon sens, jolie, intelligente, spirituelle.

Comme dans « Raison et sentiments », l’auteure nous dépeint la complexité pour les jeunes filles de parvenir à un bon mariage, à la fois pour assurer une sécurité financière et un rang dans la société et, pourquoi pas, y trouver leur bonheur côté cœur.

Un roman magnifique. Si seulement Darcy était un peu moins arrogant et un peu plus marrant.

Extraits

Je lui aurais volontiers pardonné son orgueil s’il n’avait tant mortifié le mien. (p.37)

 La vanité et l’orgueil sont deux choses bien distinctes, bien que les mots soient souvent utilisés l’un pour l’autre. On peut être orgueilleux sans être vain. L’orgueil a trait davantage à l’idée que nous nous faisons de nous-mêmes, la vanité à ce que nous voudrions que les autres pussent penser de nous. (p.38)

 À ceux qui ne changent jamais d’opinion, il incombe particulièrement de bien juger du premier coup. (p.106)

 Depuis le commencement, je pourrais dire dès le premier instant où je vous ai vu, j’ai été frappée par votre fierté, votre orgueil et votre mépris égoïste de sentiments d’autrui. Il n’y avait pas un mois que je vous connaissais et déjà je sentais que vous étiez le dernier homme du monde que je consentirais à épouser. (p.194)

Mansfield Park

(1814)

Issue d’une famille miséreuse, Fanny Price est âgée de dix ans quand elle est adoptée par son oncle maternel, Sir Thomas Bertram, qui va prendre en charge son éducation. Accueillie dans le domaine de Mansfield Park, Fanny est élevée avec ses cousins et cousines qui, à l’exception d’Edmund, la traitent avec indifférence ou mépris. (début de la quatrième de couverture)

Un roman déroutant. Tous les ingrédients nécessaires à un très grand roman semblent présents dans « Mansfield Park » : une écriture toujours aussi soignée, une ironie savamment distillée, un décor bien planté, une belle histoire, des personnages nombreux et approfondis, des analyses sociales, de l’amour, de l’argent, des rebondissements, du suspense à la Jane Austen. Mais à côté de ces belles promesses, j’ai noté deux grains de sable qui empêchent ce roman d’être parmi mes préférés de l’auteure. D’une, un début un peu laborieux, avec des longueurs sur une représentation de théâtre qui prête à scandale avec trop d’insistance. De deux, Fanny Price et Edmund, personnages très sympathiques au demeurant, sont un peu mous et coincés. On a parfois envie de leur botter le derrière pour les réveiller. Du reste, un lourd conformisme pèse constamment dans cette histoire, malgré les sourires provoqués (contre son gré) par cette chère madame Norris.

Emma

(1815)

Emma Woodhouse, vingt-et-un ans, est belle, riche et intelligente. Et désœuvrée. Elle vit avec son père, veuf, âgé et hypocondriaque. Ils habitent à Hartfield, vaste demeure située près du gros village de Highbury. Ils fréquentent un cercle d’amis fidèles. Pour s’occuper, Emma s’imagine des talents d’entremetteuse. Mais les efforts qu’elle déploie pour rapprocher les uns des autres n’aboutissent souvent pas aux résultats escomptés.

Un beau roman qui mélange les intrigues et les rapports amoureux à la Marivaux et le style travaillé, empreint de retenue et d’humour de Jane Austen. Peu d’action. Un jeu de pistes subtil parsemé d’indices pour aider à comprendre avant son terme qui finira avec qui. Un roman initiatique aussi pour la jeune Emma. Et une peinture soignée de l’importance des différences de classes de l’époque. Une lecture très agréable pour qui est sensible à ce genre d’œuvre.

Northanger Abbey

(1818)

La jeune et crédule Catherine Morland, férue de romans gothiques, découvre la ville de Bath, dans le Sommerset. Elle y rencontre Henry Tilney, qui l’invite à séjourner à Northanger Abbey, propriété de son père. Lieu au nom évocateur, que son imagination présage étrange et inquiétant… (début de la quatrième de couverture)

Jane Austen a écrit ce roman entre 1798 et 1799. Elle l’a finalisé en 1803. Il n’a pu être publié de son vivant à cause de sombres soucis avec son éditeur. Tout ça pour dire que même s’il est paru à titre posthume, « Northanger Abbey » est presque une œuvre de jeunesse de Jane Austen.

« Northanger Abbey » est un roman initiatique, l’apprentissage de la vie de Catherine Morland qui découvre le monde. Jane Austen y dénonce avec beaucoup d’ironie les romans gothiques, la vanité, la vantardise et les pôles d’intérêt très limités (les chevaux) des hommes, la superficialité, l’imagination débordante et la passion des toilettes des femmes, la cupidité et les intrigues intéressées des uns et des autres. Elle s’appuie sur deux personnages pour montrer que tout n’est pas pourri en ce bas monde : le sage Henry Tilney et sa sœur fidèle en amitié Eleanore. Jane Austen défend également avec force le roman. Le tout dans des jeux de piste amoureux dont elle a le secret.

Pas la meilleure œuvre de l’auteure, mais néanmoins distrayant.

Persuasion

(1818)

La très jeune Anne Elliot s’est laissé persuader de rompre ses fiançailles avec Frederick Wentworth, ce dernier n’étant ni assez riche ni assez titré. Il lui faudra traverser plus de sept années de douloureuse inexistence – long automne où elle pense à jamais rester enfermée – avant qu’une seconde chance lui soit offerte. (début de la quatrième de couverture)

Tournant dans l’œuvre de Jane Austen

« Persuasion » est le dernier roman achevé de Jane Austen. Il a été publié à titre posthume en 1818. Il est intéressant à plus d’un titre.

Son ton, tout d’abord. Plus grave qu’à l’accoutumée, mélancolique, un brin désabusé. L’ironie ne prête pas à rire comme habituellement, mais est utilisée pour souligner des traits guère flatteurs de certains personnages, des constats amers et cruels plutôt que des invitations à s’en amuser.

L’écriture ensuite. Si elle n’a rien perdu en finesse ou en précision, elle a cependant évolué. Le ressenti des personnages est davantage mis en avant, les descriptions aussi, au détriment des dialogues, moins nombreux.

La construction du récit est remarquable également. Anne Elliot, l’héroïne, n’est pas une jeune fille romantique qui apprend la vie et la raison au fur et à mesure de l’avancement du récit. Au contraire, très jeune, elle a obéi aux convenances et aux conseils sages de l’autorité, et a par la même occasion détruit son bonheur futur tel qu’elle l’envisageait. Et huit ans plus tard, elle se prend à rêver de manière romantique à recoller les morceaux. Le monde à l’envers. Loin d’un schéma habituel qui part d’un chaos romantique pour finir sur une idylle raisonnable, parfois inattendue, après des expériences et des rebondissements divers et variés.

Du classique, malgré tout

Les thèmes abordés, classiques : des sentiments contrariés, les convenances, les classes sociales, les intrigues, les jalousies, la vanité.

Les personnages, classiques également : le baronnet stupide et vaniteux, la sœur hypocondriaque et envieuse, les intrigants, les sympathiques, mais aussi spécifiques à ce roman : les protagonistes amoureux qui ne suivent pas le cheminement standard puisqu’ils se quittent d’abord avant d’essayer de se retrouver huit ans plus tard, et les marins portés en étonnante haute estime (Jane Austen avait deux frères marins, ceci expliquant peut-être cela).

Inspiration

La mélancolie qui se dégage de ce roman et l’importance donnée au ressenti et aux réflexions des personnages pourraient suggérer que Jane Austen s’est inspirée d’un vécu pour brosser ce tableau un tantinet désabusé, orchestré par des convenances en passe d’être abandonnées (l’ouverture d’esprit des Musgrove pour leurs filles illustre cette évolution des mentalités). L’espoir final d’une seconde chance pourrait être ce qu’elle aurait elle-même souhaité mais pas obtenu. Un doux rêve coiffant sur le poteau une triste réalité.

Extraits

On l’avait contrainte à la prudence dans sa jeunesse et, en prenant de l’âge, elle apprenait à aimer le romanesque, suite naturelle d’un commencement contre nature. (p.79)

 Anne, cependant, pouvait imaginer, en accord avec Lady Russell, qu’un mariage mieux assorti aurait pu apporter beaucoup à Charles, une femme véritablement intelligente ajouter à l’estime dans laquelle il était tenu, ainsi que rendre plus utiles, plus raisonnables et moins communes ses activités et ses habitudes. (p.95)

 « Selon moi, monsieur Elliot, la bonne compagnie est celle de personnes intelligentes, bien informées et ayant beaucoup de conversation.
– Vous vous trompez, corrigea-t-il avec douceur, cette compagnie-là n’est pas la bonne mais la meilleure. La bonne compagnie ne requiert que de la naissance, de l’instruction et des manières ; pour ce qui est de l’instruction, elle ne se montre pas trop exigeante. La naissance et les bonnes manières sont essentielles, mais un peu de savoir ne constitue nullement un danger dans la bonne compagnie ; au contraire, il passera fort bien. (p.226)

Lady Susan

(1871)

Lady Susan est une veuve jolie et intelligente qui paraît dix ans de moins que son âge. Elle maîtrise l’art de la séduction et ne s’embarrasse pas de morale. Ni lorsqu’elle flirte avec des soupirants, beaux pour le plaisir ou fortunés pour assurer l’avenir. Ni quand elle tente de forcer sa fille de seize ans à épouser un personnage riche et stupide. Elle-même a un bon parti en vue. Le fait que l’homme en question soit marié ne semble pas représenter un obstacle insurmontable.

Court roman épistolaire écrit vers 1793 mais publié qu’en 1871. Lady Susan est très éloignée des jeunes filles bien élevées, héroïnes aux mœurs (presque) irréprochables, rencontrées dans les autres romans de Jane Austen. Je ne m’attendais pas à trouver une telle manipulatrice égoïste, sans cœur et sans scrupules chez cette auteure. Roman court mais passionnant. Une réussite !

Les Watson

(roman inachevé / The Watsons)

Emma Watson, dix-neuf ans, retourne auprès de sa famille de condition modeste, quatorze ans après l’avoir quittée. Élevée dans l’opulence, elle est obligée de rejoindre les siens lorsque sa tante suit son nouveau mari en Irlande, deux ans après la mort de son oncle.

Elle est invitée à un bal et y rencontre différents personnages, notamment les Edwards, amis aisés de la famille, les nobles et fortunés Osborne, Howard, l’ancien tuteur de Lord Osborne et le séduisant mais superficiel Tom Musgrave.

Jane Austen a débuté la rédaction de ce roman en 1804. Elle a abandonné ce projet en 1805. The Watsons a été publié pour la première fois en 1871.

Il est dommage que Jane Austen n’ait jamais terminé ce roman très prometteur. Emma Watson, le personnage principal, est un savant mélange d’Emma Woodhouse, d’Elizabeth Bennett, de Fanny Price et des sœurs Dashwood. Elle paraît gaie, intelligente, sensée, bienveillante, empathique, dotée d’humour, la jeune fille pas loin d’être parfaite.

Les temps changent : dans ce roman, un jeune homme n’est pas jugé assez bien pour épouser la fille Edwards parce qu’il n’est que… chirurgien !

La fin de l’histoire imaginée par Jane Austen serait connue grâce à son neveu James Edward Austen-Leigh et à sa biographie de la romancière. Des fins ont ainsi été écrites par différents écrivains (John Coates, etc). Un exercice sympathique mais sans doute périlleux. Je n’ai lu aucune de ces fins.

Sanditon

(roman inachevé)

Les Parker, associés à une riche veuve, Lady Denham, tentent de transformer Sanditon, une petite bourgade au bord de la mer, en une station balnéaire à la mode.

Jane Austen écrit ce roman alors qu’elle est gravement malade. Elle doit d’ailleurs l’interrompre à cause de sa santé défaillante et meurt avant de pouvoir l’achever.

La romancière souhaitait-elle écrire une histoire drôle, presque caricaturale ? Ou, sentant la fin proche, s’est-elle lancée, désabusée, dans un dernier récit dénonçant la bêtise humaine dans toute sa splendeur (le totalement naïf Mr. Parker, le potentiellement superficiel Sidney Parker, les hypocondriaques à l’extrême Diana, Susan et Arthur, l’avare Lady Denham, les héritiers hypocrites tournant autour d’elle, les inepties de la mode) sous l’œil plein de bon sens et sans concession de Charlotte Heywood, une jeune femme proche d’Elizabeth Bennett, d’Emma Watson et peut-être de Jane Austen elle-même ? Elle n’a malheureusement pas eu le temps de terminer son œuvre, ni de nous indiquer où elle souhaitait en venir. Ces questions resteront sans réponse.

Comme pour les Waltons, d’autres auteurs ont imaginé des fins à ce roman, notamment Marie Dobbs. Je n’ai lu aucune de ces fins.

Amour et amitié

(Love and friendship)

Un court roman épistolaire de Jane Austen. Une oeuvre de jeunesse (14 ou 15 ans ?), destinée certainement à faire rire la famille. Jane se moque des grandes histoires sentimentales à la mode à cette époque. Dans cette parodie, elle se livre sans retenue à l’ironie et à l’exagération. Une curiosité.

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Markus Zusak – La voleuse de livres

(Roman / 2005 / The book thief)

Couverture du roman La voleuse de livre de Markus Zusak

Leur heure venue, bien peu sont ceux qui peuvent échapper à la Mort. Et, plus rares encore, ceux qui réussissent à éveiller Sa curiosité. Liesel Meminger y est parvenue. (début de la quatrième de couverture)

En janvier 1939, Liesel Meminger a presque dix ans. Elle vit dans l’Allemagne nazie. Son existence prend un nouveau tournant : elle est adoptée par Hans et Rosa Hubermann. Elle grandira dans un monde en guerre, dans un univers ponctué de « Saumensch ! », de « Saukerl ! » et de « Dummkopf ! », attirée irrésistiblement par les livres.

Commentaire

Un roman atypique. La narratrice ? Markus Zusak a offert ce rôle non pas à la petite Liesel, mais à la Mort. Loin d’être sanguinaire, violente ou perverse, la Mort se contente de faire son travail, recueillir des âmes. Et ce n’est pas le boulot qui manque à partir de 1939.

Un roman merveilleux. L’auteur nous fait vivre des épisodes de l’horrible deuxième guerre mondiale au cœur même de l’Allemagne, à travers une galerie de personnages touchants, certains autant victimes du nazisme, voire davantage, que des civils de pays alliés. Il dose savamment l’émotion et l’humour pour nous narrer avec talent le quotidien d’anonymes, adultes et enfants, pris dans l’engrenage de la grande Histoire. Leur courage, leurs faiblesses, leurs ambitions, leurs drames, leurs rêves, leurs questionnements, leurs tracas et leurs hantises. Avec toujours présents, la Mort, les cauchemars, l’incertitude du lendemain, les tragédies de la guerre, les livres et le pouvoir des mots.

À chaque page de « La voleuse de livres », le lecteur craint pour ses héros. Il est ballotté entre l’accordéon et le bruit des bottes. Il a hâte de terminer le roman, de s’assurer que les personnages auxquels il s’est attaché survivront au conflit meurtrier, tout en redoutant le moment où il quittera définitivement le petit monde de la rue Himmel.

Exceptionnel !

« La voleuse de livres » a été adapté au cinéma en 2013 par Brian Percival.

Extraits

Ce dont les humains sont capables, c’est une chose qui m’échappera toujours… (p.33)

Une boule de neige en pleine figure est certainement la meilleure entrée en matière pour une amitié durable. (p.59)

Il y a pire qu’un garçon qui vous déteste. Un garçon qui vous aime. (p.63)

Comme beaucoup de malheurs, cela commença par l‘apparence du bonheur. (p.101)

C’est plus facile d’être près du but que de l’atteindre. (p.105)

Pour souffrir, tous les lieux se valent. (p.174)

On peut faire beaucoup de mal à quelqu’un en le laissant vivre. (p.291)

« Je suis un idiot. »
Non, Papa.
Tu es juste un homme. (p.463)

Parfois, ça me tue, la façon dont les gens meurent. (p.537)

Les humains ont au moins l’intelligence de mourir. (p.566)

Elle était en train de lui dire adieu et elle ne le savait pas. (p.596)

Les mots. Pourquoi fallait-il qu’ils existent ? Sans eux, il n’y aurait rien de tout cela. Sans les mots, le Führer ne serait rien. (p.600)

L’auteur et son œuvre

Markus Zusak est né le 23 juin 1975 à Sydney, en Australie, d’un père autrichien et d’une mère allemande. Il est le plus jeune d’une famille de quatre enfants. Spécialisé dans la littérature pour la jeunesse, il a écrit six romans à ce jour. Je n’ai lu que « La voleuse de livres » qui peut aussi bien être lu par des adolescents que par des adultes.

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Tracy Chevalier – La jeune fille à la perle ♥

(Roman / 1999 / Girl with a pearl earring)

Couverture du roman La jeune fille à la perle de Tracy Chevalier

Début de la quatrième de couverture

La jeune et ravissante Griet est engagée comme servante dans la maison du peintre Vermeer. Nous sommes à Delft, au dix-septième siècle, l’âge d’or de la peinture hollandaise. Griet s’occupe du ménage et des six enfants de Vermeer en s’efforçant d’amadouer l’épouse, la belle-mère et la gouvernante, chacune très jalouse de ses prérogatives.
Au fil du temps, la douceur, la sensibilité et la vivacité de la jeune fille émeuvent le maître qui l’introduit dans son univers.

Commentaire

J’ai une tendresse particulière pour ce roman, découvert par hasard en 2007. Profitant de l’effet euphorisant qu’une librairie procure sur mon humble personne, je me promenais nonchalamment entre des étagères remplies de livres lorsque soudain, au détour d’un rayon, je me suis retrouvé nez-à-nez avec cette jeune fille au visage envoûtant. J’en ai eu la respiration coupée. Comme d’autres, j’étais tombé sous le charme de ce tableau de Vermeer depuis bien longtemps déjà. J’y avais fait référence peu de temps auparavant. Et voilà qu’il me regardait, imprimé sur un support qui me plaît tant, un livre.

J’ai acheté le roman illico et je l’ai lu avec délectation.

Tracy Chevalier a inventé l’histoire de ce tableau, « La jeune fille à la perle », en se basant sur les éléments historiques dont elle disposait. Rien que le fait d’avoir eu l’idée d’imaginer l’histoire de cette œuvre m’a enthousiasmé. Le résultat m’a enchanté.

Ce roman est une réussite, un sans-faute. Tout y est : le sujet, le style, l’histoire, les personnages. Et tout y est bon.

Tracy Chevalier nous dépeint avec minutie la société hollandaise du dix-septième siècle, dans un style riche et fluide, très agréable à lire. Elle décortique les relations entre les classes sociales, la cohabitation entre les religions, la place de la femme dans la société et son combat permanent pour exister, la vie de l’artiste, son côté créatif, avec des explications bienvenues sur les couleurs et la lumière notamment, mais aussi ses aspects commerciaux et ses contraintes bassement matérielles, incontournables pour subvenir aux besoins de la famille. Sans oublier la relation ambiguë qui s’installe peu à peu entre le peintre et son modèle. Pour parvenir à ses fins, l’auteure utilise une panoplie de personnages fouillés, décrits avec soin. Un magnifique exercice !

Après avoir lu ce roman, on ne voit plus le tableau tout à fait de la même manière.

Film

« La jeune fille à la perle » a été adapté au cinéma par Peter Webber en 2003. Ce film, aux couleurs exceptionnellement travaillées, offre l’un de ses plus beaux rôles à Scarlett Johansson.

Même si, comme très souvent, l’adaptation cinématographique ne rend pas complètement justice à la complexité et à la richesse du roman, en omettant de nombreux événements détaillés dans le livre et en se concentrant sur la relation entre Vermeer et Griet, le film est très beau et vaut le coup d’être vu.

Extraits

Mon père me tendit un petit paquet enveloppé dans un mouchoir. « Ça te rappellera la maison et nous tous », dit-il. (p.23)

Elle pouvait être drôle et espiègle un moment, puis agressive quelques instants plus tard, comme le chat qui ronronne mord quelquefois la main qui le caresse. (p.79)

J’avais le temps de penser, je pensais trop. J’étais comme le chien qui, à force de lécher ses plaies pour les nettoyer, les avive. (p.121)

« Dites-moi Griet, pourquoi avez-vous déplacé la nappe? » Sa voix avait le même ton que lorsqu’il m’avait questionné au sujet des légumes, dans la cuisine de mes parents.
Je réfléchis. « Il faut un peu de désordre dans la composition pour faire ressortir la sérénité du modèle, expliquai-je. Il faut quelque chose qui dérange l’œil tout en lui étant agréable, et ça l’est parce que l’étoffe et son bras sont dans une position similaire. »
Un long silence s’ensuivit. Mon maître contemplait la table. J’attendis, m’essuyant les mains à mon tablier.
« Je n’aurais pas cru que je pouvais apprendre quelque chose d’une servante », finit-il par dire. (p.187)

« Maintenant, regardez-moi. »
Je tournai la tête et le regardai par-dessus mon épaule droite.
Ses yeux s’immobilisèrent dans les miens et tout ce qui me vint à l’esprit ce fut que leur gris me rappelait l’intérieur d’une coquille d’huître.
Il semblait attendre quelque chose. Mon visage commença à refléter ma crainte de ne pouvoir le satisfaire.
« Griet », reprit-il avec douceur. Il n’eut point besoin d’en dire davantage, mes yeux s’emplirent de larmes. Je les retins, je savais faire maintenant.
« Oui. Ne bougez pas. »
Il allait peindre mon portrait. (p.232)

L’auteure et son œuvre

Tracy Chevalier, née le 19 octobre 1962 à Washington, est spécialisée dans les romans historiques. Elle vit à Londres avec son mari et son fils.

A ce jour, Tracy Chevalier a écrit dix romans.

J’ai toujours l’impression de lire du classique quand je lis du Tracy Chevalier. Outre ses thématiques historiques pointues, bien trouvées et bien documentées, Tracy Chevalier a le chic, ou plutôt le talent, de conter ses histoires de fort agréable manière. Son style soutenu et fluide à la fois, une association parfaite qui paraît si simple mais qui pourtant est en réalité tellement compliquée, rend ses livres plaisants et addictifs.

Certains protagonistes de ses romans sont des personnages ayant réellement existé.

A recommander aux lecteurs amateurs de belles écritures et de romans dont l’action se déroule à d’autres époques.

Mon Tracy Chevalier ++

J’ai lu six romans de Tracy Chevalier à ce jour, tous très recommandables.

La dame à la licorne

(2003 / The lady and the unicorn)

Désireux d’orner les murs de sa nouvelle demeure parisienne, le noble Jean Le Viste commande une série de six tapisseries à Nicolas des Innocents, miniaturiste renommé à la cour du roi de France, Charles VIII. Surpris d’avoir été choisi pour un travail si éloigné de sa spécialité, l’artiste accepte néanmoins après avoir entrevu la fille de Jean Le Viste dont il s’éprend.
La passion entraînera Nicolas dans le labyrinthe de relations délicates entre maris et femmes, parents et enfants, amants et servantes.
En élucidant le mystère d’un chef-d’œuvre magique, Tracy Chevalier ressuscite un univers de passion et de désirs dans une France où le Moyen Age s’apprête à épouser la Renaissance.
(quatrième de couverture)

L’origine de La Dame à la Licorne, tenture célèbre composée de six tapisseries, reste un mystère. Nul ne sait qui a réalisé ce chef d’œuvre, ni qui l’a commandité.
Après avoir procédé à des recherches pour savoir ce qu’il était possible de trouver à ce sujet, l’auteure a imaginé l’histoire de cette œuvre d’art. Avec brio.
Tracy Chevalier nous emmène en 1490 et nous entraîne dans des aventures rocambolesques, de Paris à Bruxelles. Avec toujours le sens du détail. Et de l’humour !
Le roman de Tracy Chevalier que je préfère, après « La jeune fille à la perle ».

La Vierge en bleu

(1997 / The Virgin blue)

Récemment arrivée des Etats-Unis avec son mari, Ella Turner a du mal à trouver sa place dans cette bourgade de province du sud-ouest de la France. S’y sentant seule et indésirable, elle entreprend des recherches sur ses ancêtres protestants qui eurent à fuir les persécutions. (début de la quatrième de couverture)

Premier roman de Tracy Chevalier. Au programme, la guerre de religions entre catholiques et protestants il y a quatre siècles. Et le destin de deux femmes séparées par ce même laps de temps. Délicieux.

Prodigieuses créatures

(2009 / Remarkable creatures)

Dans les années 1810, à Lyme Regis, sur la côte du Dorset battue par les vents, Mary Anning découvre ses premiers fossiles et se passionne pour ces prodigieuses créatures qui remettent en question les théories sur la création du monde. Très vite, la jeune fille issue d’un milieu modeste se heurte à la communauté scientifique, exclusivement composée d’hommes. (début de la quatrième de couverture)

Biographie romancée de Mary Anning et de son amie Elizabeth Philpot, chasseuses de fossiles à Lyme, à une époque où la science était réservée aux hommes d’une certaine condition sociale.
L’histoire est à la fois captivante et instructive. L’écriture, comme d’habitude chez Tracy Chevalier, est remarquable, voire prodigieuse. La quatrième de couverture mentionne « une finesse qui rappelle Jane Austen ». Le style est avant tout celui de Tracy Chevalier, et c’est mine de rien un beau compliment.

La dernière fugitive

(2013 / The last runaway)

1850. Après un échec sentimental, Honor Bright, quaker anglaise, embarque pour l’Amérique en compagnie de sa sœur, partie rejoindre son fiancé. Très vite, elle doit apprendre à survivre et à se reconstruire dans un nouveau pays aux coutumes étranges.

Un autre très bon roman de Tracy Chevalier. L’auteure raconte la vie des quakers et celle des femmes dans un pays encore sauvage. Par ailleurs, elle décrit le chemin de fer clandestin, ce réseau de routes et de contacts secrets emprunté par les esclaves en fuite, dans ce même pays soumis aux lois esclavagistes. Prenant.

A l’orée du verger

(2016 / At the edge of the orchard)

En 1838, la famille Goodenough s’installe sur les terres marécageuses du Black Swamp, dans l’Ohio. Le père est obsédé par son verger. La mère déteste ces pommiers. Chaque hiver, la fièvre emporte un de leurs enfants.

Roman plus sombre que les précédents. Toujours aussi bien écrit.

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Jack London – Martin Eden ♥

(Roman / 1909)

Couverture du roman Martin Eden de Jack London

Martin Eden est un jeune marin issu des bas-fonds d’Oakland. Un jour, il est admis par hasard chez des bourgeois et tombe amoureux de la jeune fille de la maison, Ruth. Il a envie de la conquérir mais comprend rapidement qu’il traîne deux gros handicaps pour arriver à ses fins. D’une, Ruth et lui n’appartiennent pas à la même classe sociale. De deux, son ignorance et son manque de culture paraissent rédhibitoires pour intégrer ce monde qu’il découvre à peine et conquérir la belle. Il n’abandonne pas pour autant et commence par s’instruire. Il projette de devenir écrivain.

Commentaire

Attention chef d’œuvre !

Jack London évoque souvent de grands espaces blancs, des chiens de traîneau, la nature sauvage. Ces thématiques, notamment développées dans « L’appel de la forêt » et « Croc-Blanc », ne sont pas à l’ordre du jour dans ce roman.

« Martin Eden », en partie autobiographique, dépeint une certaine société américaine du début du 20e siècle, le gouffre séparant les classes sociales, les conditions de travail déplorables des classes ouvrières, l’ascension sociale méritée grâce à un travail acharné, la passion amoureuse, l’écriture, les éditeurs, les illusions, les désillusions, le paraître, l’étroitesse d’esprit de ceux qui pensent savoir, l’hypocrisie, la solitude. Un roman exceptionnel, d’une grande richesse au niveau des sujets abordés et d’une extrême lucidité quant à leur traitement. En plus, il est très bien écrit. Un de mes préférés, tous styles confondus.

Extraits

Ils avaient appris la vie dans les livres, et lui l’avait vécue. (p.48)

Jamais elle n’aurait deviné qu’à ces moments-là, cet homme venu d’un milieu inférieur la dépassait par la grandeur et la profondeur de ses conceptions. Comme tous les esprits limités qui ne savent reconnaître de limites que chez les autres, elle jugea que ses propres conceptions de la vie étaient vraiment très vastes, que les divergences de vues qui les séparaient l’un de l’autre marquaient les limites de l’horizon de Martin et rêva de l’aider à voir comme elle, d’agrandir son esprit à la mesure du sien. (p.99)

Autrefois, il s’imaginait naïvement que tout ce qui n’appartenait pas à la classe ouvrière, tous les gens bien mis avaient une intelligence supérieure et le goût de la beauté ; la culture et l’élégance lui semblaient devoir marcher forcément de pair et il avait commis l’erreur insigne de confondre éducation et intelligence. (p.306)

Ils ont essayé d’écrire et ils n’ont pas pu. Et voilà justement le paradoxe idiot de la chose : toutes les portes de la littérature sont gardées par des cerbères : les ratés de la littérature. Éditeurs, rédacteurs, directeurs des services littéraires des revues et librairies, tous, ou presque tous, ont voulu écrire et n’ont pas réussi. (p.318)

Ce n’est pas dans le succès d’une œuvre qu’on trouve sa joie, mais dans le fait de l’écrire. (p.341)

J’étais le même alors, le même qu’aujourd’hui. Et vous ne m’avez pas reconnu. Pourquoi me reconnaissez-vous aujourd’hui ? (p.445)

Il y eut un long grondement et il lui sembla glisser sur une interminable pente. Et, tout au fond, il sombra dans la nuit. Ça, il le sut encore : il avait sombré dans la nuit.
Et au moment même où il le sut, il cessa de le savoir. (p.478)

Ailleurs sur la toile

Direction le Québec. Mamaki sur sa chaîne Youtube Sous le ciel nous livre des mots très justes dans son analyse de « Martin Eden » :

L’auteur et son œuvre

John naît le 12 janvier 1876. Sa mère est abandonnée par son père biologique. Elle se marie quelques mois plus tard avec John London, un veuf, père de deux enfants. Le futur écrivain est appelé Jack à partir de ce moment-là, pour ne pas le confondre avec son père adoptif.

La famille s’installe à Oakland en 1886. Il fréquente la bibliothèque publique de la ville, donnant peut-être naissance à une future vocation. Il effectue des petits boulots. À partir de 1890, il devient ouvrier, puis pilleur d’huîtres. Il côtoie des voyous, découvre l’alcool et les filles.

En 1893, il s’engage sur une goélette qui l’emmènera jusqu’au Japon. À son retour, il gagne un concours de rédaction en prose et fait publier le récit d’une de ses expériences en mer dans le quotidien « San Francisco Morning Call ».

Il occupe des boulots harassants. Il subit ensuite la panique de la crise de l’emploi de cette année-là et se retrouve sans travail.

Engagement politique

En 1894, il adhère au parti socialiste. Il vit dans la misère, est emprisonné 30 jours pour vagabondage.

Jack London intègre le lycée en 1895, puis l’université en 1896. Il continue de militer pour le parti, est condamné à un mois de prison pour agitation. Il étudie intensément mais doit abandonner l’université de Berkeley par manque de moyens financiers.

En 1897, il participe à la ruée vers l’or au Klondike. Atteint du scorbut, il est rapatrié en 1898.

Ses expériences et ses voyages constitueront une riche source d’inspiration.

Il continue d’écrire et, en 1900, parvient à faire publier un premier recueil de nouvelles « Le fils du loup », un premier pas vers le succès. Il se marie la même année avec Bessie Maddern qui lui donnera deux filles.

En 1902, il vit à Londres. Son expérience anglaise lui sert pour l’écriture d’un essai : « Le peuple de l’abîme ».

Succès

Il obtient succès et célébrité en 1903, avec la publication de son roman « L’appel de la forêt ». Il enfoncera le clou en 1906 avec « Croc-Blanc ». Entretemps, il aura divorcé, couvert le conflit russo-japonais au Japon et en Corée en 1904 et se sera remarié en 1905 avec Charmian Kittredge.

Jack London construit un ranch en 1905, puis un bateau en 1907. Il embarque pour un tour du monde qui s’arrête en Australie : il est malade et doit être soigné.

Il enchaîne les romans à succès : « Le talon de fer » en 1908, son grand roman politique et la première dystopie moderne, puis « Martin Eden » en 1909 qu’il présentera lui-même comme une dénonciation de l’individualisme souvent mal comprise par le public.

Jack London meurt le 22 novembre 1916, d’une urémie, alors qu’il prend de la morphine, souffrant aussi de dysenterie et d’alcoolisme.

Il aura écrit plus d’une vingtaine de romans, des essais, plus de 200 nouvelles, des récits d’aventures, d’autres à couleur socialiste, parfois autobiographiques, certains s’apparentant même à de la science-fiction. Il aura été un des premiers écrivains américains capitalisant fortune et célébrité grâce à la littérature.

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John Irving – L’oeuvre de Dieu, la part du Diable ♥

(Roman / 1985 / The cider house rules)

Couverture du roman L'oeuvre de Dieu, la part du Diable de John Irving

Années 1920. Au fin fond du Maine, le docteur Wilbur Larch met des enfants non désirés au monde (l’œuvre de Dieu), des bébés abandonnés qu’il recueille dans son orphelinat. Il pratique aussi l’avortement (la part du Diable), contre les lois en vigueur.

Homer Wells est un de ces orphelins. Plusieurs tentatives pour le placer en famille d’adoption échouent. Il sera finalement autorisé à rester à l’orphelinat, auprès du docteur Larch, de nurse Angela et de nurse Edna qu’il considère comme sa véritable famille. Larch le prend sous sa coupe et lui apprend peu à peu le métier d’obstétricien.

Commentaire

« L’oeuvre de Dieu, la part du Diable » est un roman bouleversant, drôle, abordant des sujets sensibles (avortements, enfants non désirés, abandons) sans tomber dans le jugement ou le caricatural. Fidèle à son habitude, Irving nous offre son lot de personnages attachants et complexes. Il est difficile de reposer le livre une fois qu’on s’est plongé dans cette magnifique histoire. Irving est au sommet de sa forme. Il développe ses sujets avec maîtrise et aisance. La narration est exceptionnelle. Les idées fusent. L’humour et l’émotion sont extraordinairement bien dosés. Le lecteur passe du rire aux larmes en l’espace de quelques paragraphes. Du grand art.

Le début de résumé ci-dessus ne rend pas justice à la qualité, à l’intensité et à la richesse du récit (pourquoi la pomme sur la couverture, tout d’abord ? et puis il y aurait tant à dire sur Melony, sur Candy, sur Wally, sur Ange aussi). Un roman génial. Le meilleur de John Irving à mon sens.

Extraits

Les raisons pour lesquelles les orphelins doivent être adoptés avant l’adolescence ? C’est qu’ils ont besoin d’être aimés et d’avoir quelqu’un à aimer, avant de s’embarquer dans cette phase nécessaire de l’adolescence, à savoir : le besoin de tromper, soutenait Larch dans sa lettre. L’adolescent découvre que le mensonge est presque aussi séduisant que le sexe et beaucoup plus facile à pratiquer. (p.125)

 Je ne prétends pas que c’est bien, tu comprends ? Je dis que c’est à elle de choisir – c’est un choix de femme. Elle a le droit d’avoir le choix, tu comprends ? (p.142)

 Il faut que tu les aides parce que tu sais comment les aider. Demande-toi qui les aidera si tu refuses. (p.639)

– C’est dur d’avoir envie de protéger quelqu’un et d’en être incapable, fit observer Ange.
– On ne peut pas protéger les gens, petit, répondit Wally. Tout ce qu’on peut faire, c’est les aimer. (p.702)

L’auteur et son œuvre

John Irving naît le 2 mars 1942. Il grandit dans le New Hampshire. Étudiant médiocre, il excelle en lutte. En 1963, il obtient une bourse et part étudier un an à Vienne. Il publie son premier roman à l’âge de 26 ans. La consécration n’arrivera qu’avec le quatrième, « Le monde selon Garp », best-seller international, comme le sont devenus tous ses écrits par la suite.

Il a publié à ce jour 15 romans, un recueil de nouvelles, un essai et un livre pour enfants.

Certains thèmes sont récurrents dans son œuvre : la lutte, la Nouvelle-Angleterre, Vienne, les ours, les relations de couple, un parent absent (John Irving n’a pas connu son géniteur, Irving est le nom de son père adoptif).

John Irving est un conteur-né. Inventif, habile, imprévisible, addictif, il soigne autant ses personnages que ses histoires. Il écrit merveilleusement bien. Et en plus, il a beaucoup d’humour. Un grand écrivain.

Mon John Irving ++

J’ai lu 10 romans de John Irving, tous recommandables. J’ai une préférence cependant pour les suivants, autres petits chefs-d’œuvre absolument savoureux :

Une veuve de papier

(1998 / A widow for one year)

En 1958, Ted Cole, un auteur de livres pour enfants, pousse son assistant saisonnier de 16 ans dans les bras de Marion, sa femme. Il veut précipiter un divorce devenu inéluctable depuis la mort de leurs deux fils.

Dernière nuit à Twisted River

(2009 / Last night in Twisted River)

À Twisted River, les bûcherons mangent chez le Cuistot et chez son fils. Jusqu’au drame. Une très belle histoire de brutes, d’ours, de meurtres, de fuites et de femmes, indiennes, italiennes…

Le monde selon Garp

(1978 / The world according to Garp)

L’histoire déjantée de S.T. Garp, qui deviendra écrivain, et de sa mère, infirmière et féministe malgré elle, qui a choisi le sergent technicien Garp, « opérationnellement intact » malgré un cerveau endommagé, comme père de son unique enfant.

Le premier roman de John Irving que j’ai lu. Imparable.

L’Hôtel New Hampshire

(1981 / The Hotel New Hampshire)

L’histoire désopilante et grave, loufoque et émouvante, de l’excentrique famille Berry, deux parents, cinq enfants, un ours, un chien, dans trois hôtels sur deux continents.

Une prière pour Owen

(1989 / A prayer for Owen Meany)

Owen, ami du narrateur, se croit l’instrument de Dieu. Dans l’Amérique d’avant la guerre du Vietnam, à 11 ans, il en paraît 6, mais affiche une intelligence au-dessus de la moyenne. Une histoire drôle et bouleversante.

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Amélie Nothomb – Acide sulfurique

(Roman – dystopie / 2005)

Couverture du roman Acide sulfurique d'Amélie Nothomb

Dans un futur plus ou moins proche, des rafles autorisées par la loi sont organisées pour recruter, sans leur aval, les candidats d’une nouvelle émission de télé-réalité, « Concentration ». Le principe de l’émission est de montrer aux spectateurs les privations et humiliations des candidats prisonniers sous le joug d’impitoyables candidats kapos. Leur inexorable affaiblissement. Leur détresse. Leur mise à mort également. Le tout, en direct et sans filtre.

« Concentration » scandalise évidemment les médias et l’opinion publique. L’audimat atteint toutefois des sommets.

La laide et stupide kapo Zdena tombe sous le charme de la plus belle des prisonnières, Pannonique, connue dans le camp sous le nom CKZ 114.

Commentaire

Il fallait oser. Et Amélie Nothomb a osé. Dénoncer les excès de la télé-réalité, l’hypocrisie et le voyeurisme des spectateurs et la course à l’audimat, peu importe les moyens employés, en associant ce genre télévisuel à une barbarie qui a marqué l’Histoire de la plus mauvaise des manières, les camps de concentration de la Deuxième Guerre mondiale. Avec tortures, destruction de la personnalité et exécutions incluses dans le concept, pour ne pas faire les choses à moitié.

Une dystopie courte, cruelle, écrite dans le style si particulier d’Amélie Nothomb. Une dystopie intelligente, qui prête à réfléchir. Un roman qui a provoqué l’indignation de certains, scandalisés par l’audace jugée déplacée de l’auteure. Une œuvre polémique ? À chacun de se faire sa propre opinion. « Acide sulfurique » est une véritable réussite en ce qui me concerne !

Visionnaire ? Terrifiant.

Les âmes sensibles préféreront peut-être les romans d’Amélie Nothomb décrits plus bas dans cet article. Surtout comme porte d’entrée de l’œuvre de cette auteure.

Extraits

Vint le moment où la souffrance des autres ne leur suffit plus : il leur en fallut le spectacle (quatrième de couverture et premier paragraphe du livre).

 C’est quand son absence est la plus criante que Dieu est le plus nécessaire. (p.79)

 Il est beaucoup plus difficile de battre un individu dont on connaît le nom. (p.109)

 Comme n’importe quelle ratée, elle méprisait ceux qui excellaient là où elle avait échoué. (p.114)

 Ce qui est beau, c’est quand quelqu’un parle pour dire quelque chose. (p.115)

 Elle est sublime. Mais on peut être sublime et se tromper. (p.177)

L’auteure et son œuvre

Amélie Nothomb est un personnage à part dans le monde de la littérature. Cette mystérieuse dame au chapeau a le chic pour sortir du lot commun des écrivains francophones. Même sa date de naissance est sujette à débat. Selon certaines sources, elle serait née le 13 août 1967 à Kobé, au Japon. D’autres prétendent qu’elle a vu le jour le 9 juillet 1966 à Etterbeek, en Belgique. Qui d’autre peut se prévaloir d’être né deux fois, à plus d’un an d’intervalle, sur deux continents différents, à plus de 9000 kilomètres de distance ?

Fille d’un diplomate belge, elle passe son enfance au rythme des affectations de son père, au Japon, en Chine, à New York, au Bangladesh, en Birmanie et au Laos. Elle ne découvre véritablement la vie en Belgique qu’à dix-sept ans, l’âge de ses premiers écrits.

Elle connait son premier succès littéraire en 1992, avec le roman « Hygiène de l’assassin ». Depuis, elle collectionne succès et prix, publiant consciencieusement un livre par an.

Son œuvre est extrêmement variée. Les sujets de ses romans en partie autobiographiques proviennent de ses expériences et voyages à travers le monde. D’autres romans se rapprochent de fables. Ses écrits sont souvent courts, parfois complètement loufoques. Toutes ses œuvres ont comme points communs un style précis, incisif, empreint d’humour, des dialogues savoureux et une manière particulière de distiller des idées et des observations lucides et pertinentes qui prêtent à réflexion. Le noir et le morbide font partie du riche attirail de l’auteure. L’expérimentation et l’inventivité aussi.

À tester, si vous n’y avez jamais goûté. Et plus si affinités.

Amélie Nothomb peut compter sur un public large et fidèle, dont elle est très proche. Elle va notamment régulièrement à sa rencontre lors de séances de dédicaces.

Mon Amélie Nothomb ++

Je ne connais pas encore tous les écrits de cette auteure, mais je n’ai jamais été déçu par les œuvres que j’ai lues.

Pour moi, un roman d’Amélie Nothomb est comme une friandise très colorée. Lorsque la gourmandise me prend, j’en choisis une que je n’ai jamais goûtée et je la déguste avec volupté. Je me délecte alors de nouvelles saveurs, mélanges de sucré, de salé, d’acidité, d’amertume et de piquant. Des découvertes toujours agréables et surtout surprenantes.

Les livres d’Amélie Nothomb fonctionnent un peu comme la boîte de chocolats de Forrest Gump.

Trois bonbons à conseiller, parmi tant d’autres :

Métaphysique des tubes

(2000)

Roman autobiographique narrant les trois premières années de la vie d’Amélie Nothomb au Japon. Ce formidable récit présente une enfant qui découvre le monde et ses vérités, parfois cruelles. Avec beaucoup de lucidité, de clairvoyance et d’humour.

Stupeur et tremblements

(1999)

Encore un roman en partie autobiographique. Amélie Nothomb est recrutée pour un an dans une très grosse entreprise japonaise, la compagnie Yumimito. Elle déchante très vite.

Un roman drôle qui s’apprécie sur trois niveaux : la description de la société japonaise ultra-coincée dans ses codes, les réactions occidentales et nothombiennes de l’auteure et le style d’écriture décapant. Imparable !

Peut-être le roman idéal pour découvrir Amélie Nothomb.

La nostalgie heureuse

(2013)

Et un troisième roman autobiographique. Récit des retrouvailles entre Amélie Nothomb et le Japon en 2012, pour le tournage d’un reportage sur la romancière. Retrouvailles également entre Amélie Nothomb et Nishio-san, sa nounou adorée qu’elle a quitté le cœur brisé à l’âge de six ans, entre Amélie Nothomb et Rinri, son amour japonais de ses vingt-et-un ans. La relation de l’époque entre Amélie et Rinri a fait l’objet d’un autre roman : « Ni d’Ève ni d’Adam ».

J’ai été particulièrement ému en lisant dans « La nostalgie heureuse » :

Les caniveaux et les égouts n’ont pas changé. (p.49)

Et bien entendu par les retrouvailles entre Amélie et celle qu’elle considère comme sa deuxième mère.

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Harper Lee – Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur ♥

(Roman / 1960 / To kill a mockingbird)

Couverture du roman Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur d'Harper Lee

Début de la quatrième de couverture

Dans une petite ville d’Alabama, à l’époque de la Grande Dépression, Atticus Finch élève seul ses deux enfants, Jem et Scout. Avocat intègre et rigoureux, il est commis d’office pour défendre un Noir accusé d’avoir violé une Blanche.

Commentaire

Je ne vais pas détailler davantage le résumé de ce roman culte qui a été publié aux Etats-Unis alors que la loi autorisait encore la discrimination raciale.

Ce Prix Pulitzer 1961 délivre un message fort. En plus, l’histoire est superbement narrée par la jeune Scout.

Humour, mélancolie et suspense sont au rendez-vous de ce livre bouleversant traitant de l’enfance, de la tolérance, de la bêtise et de la condition humaine.

Un incontournable en ce qui me concerne.

Extraits

– D’abord, Scout, un petit truc pour que tout se passe mieux entre les autres, quels qu’ils soient, et toi : tu ne comprendras jamais personne tant que tu n’envisageras pas la situation de son point de vue…
– Pardon?
– … tant que tu ne te glisseras pas dans sa peau et que tu n’essaieras pas de te mettre à sa place. (p.52)

 – Tu défends les nègres, Atticus ? lui demandai-je le soir même.
– Bien sûr. Ne dis pas « nègre », Scout, c’est vulgaire.
– Tout le monde dit ça, à l’école.
– Désormais, ce sera tout le monde sauf toi…
– Eh bien, si tu ne veux pas que je parle de cette manière, pourquoi m’envoies-tu à l’école ? (p.121)

– On va gagner, Atticus ?
– Non, ma chérie.
– Alors pourquoi…
– Ce n’est pas parce qu’on est battu d’avance qu’il ne faut pas essayer de gagner. (p.123)

Les moqueurs ne font rien d’autre que de la musique pour notre plaisir. Ils ne viennent pas picorer dans les jardins des gens, ils ne font pas leurs nids dans les séchoirs à maïs, ils ne font que chanter pour nous de tout leur coeur. Voilà pourquoi c’est un péché de tuer un oiseau moqueur. (p.144)

 – Il devrait en être fier, dis-je.
– Les gens normaux ne tirent jamais aucune fierté de leurs talents, dit Miss Maudie. (p.156)

– Ils ont tout à fait le droit de le penser et leurs opinions méritent le plus grand respect, dit Atticus, mais avant de vivre en paix avec les autres, je dois vivre en paix avec moi-même. La seule chose qui ne doive pas céder à la loi de la majorité est la conscience de l’individu. (p.167)

Avec lui, la vie était banale, sans lui, elle devenait insupportable. (p.182)

 – D’après toi, pourquoi Boo Radley ne s’est jamais enfui ?
Il poussa un long soupir et me tourna le dos.
– Peut-être parce qu’il a nulle part où aller… (p.225)

Ne t’en fais pas Jem ; les choses ne sont jamais aussi mauvaises qu’elles en ont l’air. (p.334)

– Non, Jem, moi je pense qu’il n’y a qu’une seule sorte de gens, les gens. (p.352)

L’auteure et son œuvre

Harper Lee est née le 28 avril 1926 et morte le 19 février 2016 à Monroeville dans l’Alabama.

Après des études de droit, elle s’installe à New York en 1950 et décide de devenir écrivain.

En 1959, elle donne un coup de main à Truman Capote, son camarade d’enfance, qui se lance dans un projet ambitieux : l’écriture du roman documentaire « De sang-froid » (In cold blood), basé sur un quadruple meurtre réel. Elle l’aide dans ses recherches et l’assiste dans les entretiens qu’il mène à Holcomb dans le cadre de son enquête sur le crime en question. Truman lui dédie le roman et la remercie pour son travail à ses côtés.

Le premier roman d’Harper Lee paraît en 1960 : « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur ». Le succès est immédiat et ne se démentira jamais. Souvent étudié à l’école, ce roman est devenu un classique de la littérature américaine.

Pendant longtemps, elle ne publiera pas d’autre roman, déclarant qu’elle avait dit ce qu’elle avait à dire.

Va et poste une sentinelle

Fin 2014, à l’âge de 88 ans, elle aurait donné son accord pour publier un manuscrit qui traînait depuis des décennies dans un tiroir, « Va et poste une sentinelle ». Pourquoi ce changement d’avis après 54 ans ? Parce qu’elle aurait été poussée par son avocate ? son éditeur ? Parce qu’elle n’était plus protégée par sa sœur, décédée en 2011 ?

Ce roman a été écrit avant « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur ». Il présente Scout et sa famille 20 ans après les faits du premier roman.

Au final, une énorme déception. Le style n’est pas au point. Les personnages n’ont pas les mêmes traits de caractère entre les deux livres. Certains souvenirs relatés présentent des faits différents de ceux qui se sont déroulés dans « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur ». « Va et poste une sentinelle » n’est peut-être qu’un premier mauvais jet du futur classique. Et une opération marketing de fort mauvais goût. À éviter.

Pour moi, Harper Lee restera l’auteure géniale d’un unique roman, génial lui aussi : « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur ». Après, chacun pourra se faire son opinion.

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Honoré de Balzac – La Maison du Chat-qui-pelote

(Nouvelle / 1830)

Couverture de La maison du Chat-qui-pelote d'Honoré de Balzac

Théodore de Sommervieux, aristocrate et peintre, rôde autour de la Maison du Chat-qui-pelote où résident les Guillaume, fameux drapiers de Paris, leurs filles Virginie et Augustine, et leurs trois commis. Il est amoureux de la belle Augustine. Un an plus tôt, son cœur a chaviré lorsqu’il a surpris un dîner dans cette maison. À la nuit tombante, sous une lumière comparable à celle des grands tableaux de l’école hollandaise, elle lui est apparue comme la figure principale d’un tableau vivant. Joseph Lebas, l’aîné des commis, éprouve des sentiments semblables pour la jeune fille.

Commentaire

Balzac a placé « La Maison du Chat-qui-pelote » en ouverture de sa Comédie humaine. Un choix judicieux. On y retrouve la plume élégante de l’écrivain, ses descriptions détaillées, son amour du vieux Paris, de l’architecture, de la peinture.

Dans cette nouvelle, Balzac nous livre un premier lot de types de personnage : l’artiste (Théodore), le commerçant (M. Guillaume), la femme dominatrice et sans scrupules (la duchesse de Carigliano), la femme amoureuse et malheureuse (Augustine). Il peint différentes alliances : les mariages raisonnables et calculés (les Guillaume, leur fille et le commis), les mariages de la haute société autorisant excès et libertinage (les Carigliano), les liaisons découlant des précédents (la duchesse et ses amants), les liaisons mortes avant de naître (Joseph amoureux d’Augustine), le mariage d’amour (Théodore et Augustine), malheureux, impossible, de par la rencontre de deux mondes incompatibles, celui de l’artiste aristocrate vivant dans un monde d’esthétique et de distractions, et celui d’Augustine qui n’a connu que le labeur et le matériel.

Pourquoi avoir choisi ici cette nouvelle de Balzac, plutôt qu’un de ses grands romans de la Comédie humaine ?

Parce qu’elle fait partie de mes œuvres préférées de la Comédie humaine, du moins de ce que j’en ai lu à ce jour.

Parce que j’ai envie de la partager avec vous.

Et aussi parce que « La Maison du Chat-qui-pelote » contient grand nombre d’ingrédients qui apportent toute la saveur à l’ensemble de l’Œuvre.

« La Maison du Chat-qui-pelote » est une Comédie humaine en miniature.

Une lecture idéale pour goûter à ce merveilleux héritage que nous a laissé Balzac. Ou pour s’y replonger avec délectation.

Extraits

– Vous voyez ce que l’amour m’a inspiré, dit l’artiste à l’oreille de la timide créature qui resta tout épouvantée de ces paroles. (p.50)

– Si fait, monsieur Joseph. Que dites-vous de la peinture ? C’est là un bel état.
– Oui, je connais un maître peintre en bâtiment, monsieur Lourdois, qui a des écus. (p.60)

 Qui dépense trop n’est jamais riche. (p.67)

 Le seul sublime qu’elle connût était celui du cœur. Enfin, Théodore ne put se refuser à l’évidence d’une vérité cruelle : sa femme n’était pas sensible à la poésie, elle n’habitait pas sa sphère, elle ne le suivait pas dans tous ses caprices, dans ses improvisations, dans ses joies, dans ses douleurs ; elle marchait terre à terre dans le monde réel, tandis qu’il avait la tête dans les cieux. Les esprits ordinaires ne peuvent pas apprécier les souffrances renaissantes de l’être qui, uni à un autre par le plus intime de tous les sentiments, est obligé de refouler sans cesse les plus chères expansions de sa pensée, et de faire rentrer dans le néant les images qu’une puissance magique le force à créer. Pour lui, ce supplice est d’autant plus cruel, que le sentiment qu’il porte à son compagnon ordonne, par sa première loi, de ne jamais rien se dérober l’un à l’autre, et de confondre les effusions de la pensée aussi bien que les épanchements de l’âme. (p.70)

 Les gens sans religion sont capables de tout. (p.79)

L’auteur et son œuvre

Honoré de Balzac est né à Tours le 20 mai 1799, sans la particule. Il est mort à Paris le 18 août 1850.

Balzac a été tour à tour imprimeur, éditeur, journaliste, romancier et critique littéraire. Ses premières œuvres publiées entre 1820 et 1827, notamment sous le pseudonyme Horace de Saint-Aubain, sont des échecs. Il les reniera par la suite.

Durant cette période, il lui arrive fréquemment de se cacher de ses créanciers et des huissiers. Mme de Berny, sa maîtresse de vingt-deux ans son aînée et mère de neuf enfants, le soutient financièrement, l’encourage et le conseille dans son métier d’écrivain. Il lui en sera toujours reconnaissant.

En 1829 paraît son premier roman sous son vrai nom, « Les Chouans ».

Balzac est un forçat du travail. Il écrit beaucoup, et vite (et sans traitement de texte, sans correcteur orthographique et sans copier/coller, s’il vous plaît).

La Comédie Humaine

Dès 1833, il décide de regrouper ses écrits sous une œuvre unique, la Comédie humaine, organisée en trois grands ensembles : Études de mœurs, Études philosophiques et Études analytiques. Son but : brosser une vaste fresque sociale de son époque à travers plus de 140 titres (romans, nouvelles, contes, essais) et plus de 2000 personnages. La Comédie humaine propose une large panoplie de genres : romantique, fantastique, policier, philosophique, historique. L’œuvre est titanesque.

En 1844, il écrit à Mme Hanska, une noble polonaise, qui fut son admiratrice avant de l’épouser en 1850 :

« Quatre hommes auront eu une vie immense : Napoléon, Cuvier, O’Connell, et je veux être le quatrième. Le premier a vécu de la vie de l’Europe ; il s’est inoculé des armées ; le second a épousé le globe ; le troisième s’est incarné un peuple ; moi, j’aurai porté une société toute entière dans ma tête ».

Balzac n’arrivera pas à bout de son projet. Il meurt d’épuisement après avoir finalisé 92 ouvrages. Certains resteront inachevés. D’autres n’auront pas été commencés.

La légende prétend qu’il a appelé Horace Bianchon à son secours sur son lit de mort. Bianchon est l’illustre médecin de la Comédie humaine.

Le génie de Balzac

Outre le concept global, Balzac a développé deux autres idées remarquables dans sa Comédie humaine.

Tout d’abord la récurrence des personnages. Pour lier les ouvrages entre eux, et pour rendre sa société totalement crédible, Balzac a décidé de réutiliser de nombreux personnages dans différents récits. Dans un rôle principal, un rôle secondaire ou uniquement en les mentionnant au détour d’une scène. Et ceci, à des périodes diverses et variées de leur vie. Cet exercice compliqué a régulièrement provoqué des réécritures de parties déjà terminées, pour garantir la cohérence de l’ensemble. Ces réajustements ont fini par devenir tellement complexes que certaines contradictions sont passées au travers des mailles du filet de Balzac, surtout au niveau des dates. Rien de dramatique toutefois, ces imperfections ne nuisant pas à la qualité globale de l’œuvre.

Autre trouvaille notable, la catégorisation des personnages dans des archétypes sociaux, par métiers et par d’autres traits de personnalité ou de caractère, afin de décrire systématiquement tous les types d’individus de la société. On retrouve ainsi : les Financiers, les Médecins, les Artistes, les Soldats, les Commerçants, les Politiciens, les Petits employés, les Notables, les Courtisanes, les Criminels, les Bourgeois, les Dandies, les Nobles, les Passionnés, les Avares, les Dévoués, les Parents, les Sots, les Génies, …

Les personnages sont souvent excessifs, à l’image de Balzac lui-même.

Par ailleurs, Balzac est également un des fondateurs de la Société des gens de lettres, créée pour protéger les écrivains et faire respecter leurs droits d’auteur.

Balzac est un des plus grands écrivains de l’Histoire. Tout simplement.

Mon Honoré de Balzac ++

Je n’ai pas (encore) lu l’intégrale de la Comédie humaine. Tous les ouvrages n’atteignent pas l’excellence, mais cette œuvre géante, qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, est terriblement impressionnante ! Personnellement, j’adore.

Parmi les nombreuses réussites qui sortent du lot, j’en cite quatre ci-dessous qui peuvent en appeler beaucoup d’autres pour les amateurs du genre :

La recherche de l’absolu

(1834)

En 1809, Balthazar Claës héberge un officier polonais, chimiste passionné, qui lui confie qu’il est sur le point de résoudre les mystères de la décomposition de la matière. Contaminé par la fièvre de la Science, Balthazar se lance à son tour dans de complexes expériences, à la recherche de l’Absolu. Il s’éloigne progressivement de sa femme et de ses enfants, plongé dans ses réflexions, et dilapide peu à peu sa fortune.

Balzac décrit avec une précision diabolique les extrêmes auxquels peut mener une quête obsessionnelle. Il peint le dévouement absolu, oppose l’Amour à la Science, pointe du doigt la fine frontière entre le génie et la folie. Et pose la question ultime : jusqu’à quel point un homme a-t-il le droit de sacrifier les siens au nom de la Connaissance et du Progrès ?

Un excellent roman.

Le Père Goriot

(1835)

1819. Eugène Rastignac, jeune provincial, étudie le droit à Paris. Il vit à la pension Vauquer qui héberge également Horace Bianchon, étudiant en médecine, le Père Goriot, un vieil original qui a fait fortune durant la Révolution, et l’énigmatique Vautrin.

Le Père Goriot est le grand classique de la Comédie humaine. Balzac y dépeint l’amour paternel poussé à l’extrême et l’arrivisme des jeunes Parisiens et Provinciaux prêts à tout pour se faire une place dans le beau monde de la capitale.

À lire au moins une fois dans sa vie, pour qui apprécie ce style de littérature.

Illusions perdues

(1843)

Aventures et mésaventures en trois parties de deux amis, David Séchard et Lucien Chardon.

Tout d’abord à Angoulême. David et Ève, la sœur de Lucien, se battent pour sauver l’imprimerie que David a rachetée à son père. Lucien, de son côté, parvient à intégrer l’aristocratie locale, mais se sent rapidement à l’étroit dans l’étroitesse d’esprit provinciale.

Dans la deuxième partie, Lucien monte à Paris pour se faire un nom dans la littérature. Il connaît des déconvenues, autant littéraires que sentimentales. Avide de succès, il se lance dans le journalisme. Il ne cesse d’aller de désillusion en désillusion.

Dans la dernière partie, David a des difficultés à ne pas se faire voler une invention de fabrication de papier par des concurrents malhonnêtes. Lucien, de retour à Angoulême, tente de l’aider.

Une pièce maîtresse de la Comédie humaine, considérée par Balzac comme un élément capital de son œuvre. Ce gros roman comporte de nombreux thèmes récurrents de la Comédie humaine : amour, trahison, petitesses de la province, intrigues de la capitale, arrivisme, codes et cruauté du beau monde, naïveté du provincial à Paris.

De nombreux personnages récurrents font des apparitions plus ou moins marquantes dans ce récit.

Balzac dresse dans « Illusions perdues » des portraits souvent peu flatteurs de plusieurs de ses archétypes sociaux.

Un indispensable pour tout amateur de Balzac.

Splendeurs et misères des courtisanes

(1847)

Aventures et mésaventures d’Esther, une courtisane, de Lucien Chardon, du mystérieux abbé Carlos Herrera et du riche baron de Nucingen.

Magnifique suite d’ « Illusions perdues », ce gros roman permet de retrouver bon nombre de personnages récurrents de la Comédie humaine.

L’enchaînement du « Père Goriot », d’« Illusions perdues » et de « Splendeurs et misères des courtisanes » est un grand moment de lecture.

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