MOTS 5
Deviens ce que tu es.
Nietzsche
Nietzsche
En ce mois de mai, je vous propose un polar sombre comme son titre l’indique. Sombre, mais aussi attachant et addictif : Les lieux sombres, de Gillian Flynn.
Bonnes lectures, au pluriel parce que les deux autres romans de cette auteure sont excellents également, et n’hésitez pas à commenter !
(Thriller / 2009 / Dark places)
Début des années 1980. Libby Day a sept ans lorsque sa mère et ses deux sœurs sont assassinées dans la ferme familiale. La petite fille, qui a échappé au massacre, désigne le meurtrier à la police, son frère Ben, âgé de quinze ans. Vingt-cinq ans plus tard, alors que son frère est toujours derrière les barreaux, Libby souffre de dépression chronique. Encouragée par une association, elle accepte de retourner pour la première fois sur les lieux du drame. Et c’est là, dans un Middle West dévasté par la crise économique, qu’une vérité inimaginable commence à émerger…
Mon premier Gillian Flynn. Et ce « Les lieux sombres » a été une excellente surprise !
Tout est bon dans ce roman sombre, très sombre.
Le contexte tout d’abord. Gillian Flynn nous dépeint avec minutie une crise sociale dans une Amérique très éloignée de l’American dream et de ses success stories. Elle nous plonge au cœur de la misère rurale, violente, dans un monde où les dettes étouffent ceux qui s’escriment à garder la tête hors de l’eau.
L’écriture. Dans un style fluide et précis, le roman navigue entre passé et présent, entre différents points de vue, offrant un rythme haletant et prenant. S’ajoute à cet exercice de style particulièrement réussi, un ton général comportant une certaine dose d’humour constamment mise à mal par la sinistrose et la détresse ambiantes. Du grand art.
Les personnages ensuite, complexes, fouillés, torturés. Gillian Flynn les met à nu, avec leurs forces et leurs faiblesses, avec leur envie de s’en sortir et leurs bassesses. Elle parvient à les rendre attachants malgré leurs défauts. Le meilleur exemple est l’héroïne, Libby Day. Voleuse, menteuse, paresseuse, convaincue que tout lui est dû suite à son expérience traumatisante, elle n’a au début du roman rien pour plaire. Et pourtant, on comprend qu’elle n’est pas aussi superficielle qu’il n’y paraît, on finit par l’apprécier, par souhaiter qu’elle s’en sorte. Elle réussit à nous toucher.
Le scénario est diabolique, l’intrigue habilement menée, les rebondissements palpitants, les révélations distillées au compte-goutte, le suspense permanent. À chaque page, je n’avais qu’une hâte : connaître la suite, sachant en même temps pertinemment que je regretterais d’atteindre la fin du livre, tellement je prenais plaisir à le lire.
Passionnant. Jubilatoire.
Gillian Flynn est née en 1971 à Kansas City, dans le Missouri.
Journaliste, scénariste et romancière, elle a écrit à ce jour trois romans et une nouvelle.
Son premier roman a fait l’objet d’une mini-série. Les deux suivants ont été adaptés au cinéma.
Gillian Flynn ne fait pas dans la quantité, mais la qualité est incontestablement au rendez-vous dans chacune de ses œuvres. Ses personnages sont touffus, travaillés, jamais parfaits, loin de là. Ses intrigues sont finement élaborées et truffées de surprises. L’atmosphère de ses romans suinte le mal-être, l’imperfection, mais l’espoir aussi dans la galère ambiante.
Je conseille vivement cette romancière aux amateurs du genre.
J’ai lu et énormément apprécié les 2 autres romans de cette auteure.
(2012 / Gone girl)
Missouri. Amy et Nick forment un couple modèle, en apparence du moins. Un jour Amy disparaît, leur maison est saccagée, des traces de sang laissent imaginer le pire. Nick devient très vite le suspect idéal.
Gros succès international, « Les apparences » m’a presqu’autant plu que « Les lieux sombres ». La découverte de la romancière et de son style en moins. Du thriller haut de gamme. Machiavélique et étonnant à souhait. Exceptionnel, tout simplement.
(2006 / Sharp objects)
La ville de Wind Gap dans le Missouri est sous le choc : une petite fille a disparu. Déjà l’été dernier, une enfant avait été sauvagement assassinée… Une jeune journaliste, Camille Preak, se rend sur place pour couvrir l’affaire. Elle-même a grandi à Wind Gap. Mais pour Camille, retourner à Wind Gap, c’est réveiller de douloureux souvenirs. (début de la quatrième de couverture)
Le premier thriller de Gillian Flynn. Et comme les autres : époustouflant !
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Maupassant – Bel-Ami
En ce mois d’avril, je vous présente un roman que je considère comme un chef-d’œuvre : Martin Eden, de Jack London.
Bonne lecture et n’hésitez pas à commenter !
(Roman / 1909)
Martin Eden est un jeune marin issu des bas-fonds d’Oakland. Un jour, il est admis par hasard chez des bourgeois et tombe amoureux de la jeune fille de la maison, Ruth. Il a envie de la conquérir mais comprend rapidement qu’il traîne deux gros handicaps pour arriver à ses fins. D’une, Ruth et lui n’appartiennent pas à la même classe sociale. De deux, son ignorance et son manque de culture paraissent rédhibitoires pour intégrer ce monde qu’il découvre à peine et conquérir la belle. Il n’abandonne pas pour autant et commence par s’instruire. Il projette de devenir écrivain.
Attention chef d’œuvre !
Jack London évoque souvent de grands espaces blancs, des chiens de traîneau, la nature sauvage. Ces thématiques, notamment développées dans « L’appel de la forêt » et « Croc-Blanc », ne sont pas à l’ordre du jour dans ce roman.
« Martin Eden », en partie autobiographique, dépeint une certaine société américaine du début du 20e siècle, le gouffre séparant les classes sociales, les conditions de travail déplorables des classes ouvrières, l’ascension sociale méritée grâce à un travail acharné, la passion amoureuse, l’écriture, les éditeurs, les illusions, les désillusions, le paraître, l’étroitesse d’esprit de ceux qui pensent savoir, l’hypocrisie, la solitude. Un roman exceptionnel, d’une grande richesse au niveau des sujets abordés et d’une extrême lucidité quant à leur traitement. En plus, il est très bien écrit. Un de mes préférés, tous styles confondus.
Ils avaient appris la vie dans les livres, et lui l’avait vécue. (p.48)
Jamais elle n’aurait deviné qu’à ces moments-là, cet homme venu d’un milieu inférieur la dépassait par la grandeur et la profondeur de ses conceptions. Comme tous les esprits limités qui ne savent reconnaître de limites que chez les autres, elle jugea que ses propres conceptions de la vie étaient vraiment très vastes, que les divergences de vues qui les séparaient l’un de l’autre marquaient les limites de l’horizon de Martin et rêva de l’aider à voir comme elle, d’agrandir son esprit à la mesure du sien. (p.99)
Autrefois, il s’imaginait naïvement que tout ce qui n’appartenait pas à la classe ouvrière, tous les gens bien mis avaient une intelligence supérieure et le goût de la beauté ; la culture et l’élégance lui semblaient devoir marcher forcément de pair et il avait commis l’erreur insigne de confondre éducation et intelligence. (p.306)
Ils ont essayé d’écrire et ils n’ont pas pu. Et voilà justement le paradoxe idiot de la chose : toutes les portes de la littérature sont gardées par des cerbères : les ratés de la littérature. Éditeurs, rédacteurs, directeurs des services littéraires des revues et librairies, tous, ou presque tous, ont voulu écrire et n’ont pas réussi. (p.318)
Ce n’est pas dans le succès d’une œuvre qu’on trouve sa joie, mais dans le fait de l’écrire. (p.341)
J’étais le même alors, le même qu’aujourd’hui. Et vous ne m’avez pas reconnu. Pourquoi me reconnaissez-vous aujourd’hui ? (p.445)
Il y eut un long grondement et il lui sembla glisser sur une interminable pente. Et, tout au fond, il sombra dans la nuit. Ça, il le sut encore : il avait sombré dans la nuit.
Et au moment même où il le sut, il cessa de le savoir. (p.478)
Direction le Québec. Mamaki sur sa chaîne Youtube Sous le ciel nous livre des mots très justes dans son analyse de « Martin Eden » :
John naît le 12 janvier 1876. Sa mère est abandonnée par son père biologique. Elle se marie quelques mois plus tard avec John London, un veuf, père de deux enfants. Le futur écrivain est appelé Jack à partir de ce moment-là, pour ne pas le confondre avec son père adoptif.
La famille s’installe à Oakland en 1886. Il fréquente la bibliothèque publique de la ville, donnant peut-être naissance à une future vocation. Il effectue des petits boulots. À partir de 1890, il devient ouvrier, puis pilleur d’huîtres. Il côtoie des voyous, découvre l’alcool et les filles.
En 1893, il s’engage sur une goélette qui l’emmènera jusqu’au Japon. À son retour, il gagne un concours de rédaction en prose et fait publier le récit d’une de ses expériences en mer dans le quotidien « San Francisco Morning Call ».
Il occupe des boulots harassants. Il subit ensuite la panique de la crise de l’emploi de cette année-là et se retrouve sans travail.
En 1894, il adhère au parti socialiste. Il vit dans la misère, est emprisonné 30 jours pour vagabondage.
Jack London intègre le lycée en 1895, puis l’université en 1896. Il continue de militer pour le parti, est condamné à un mois de prison pour agitation. Il étudie intensément mais doit abandonner l’université de Berkeley par manque de moyens financiers.
En 1897, il participe à la ruée vers l’or au Klondike. Atteint du scorbut, il est rapatrié en 1898.
Ses expériences et ses voyages constitueront une riche source d’inspiration.
Il continue d’écrire et, en 1900, parvient à faire publier un premier recueil de nouvelles « Le fils du loup », un premier pas vers le succès. Il se marie la même année avec Bessie Maddern qui lui donnera deux filles.
En 1902, il vit à Londres. Son expérience anglaise lui sert pour l’écriture d’un essai : « Le peuple de l’abîme ».
Il obtient succès et célébrité en 1903, avec la publication de son roman « L’appel de la forêt ». Il enfoncera le clou en 1906 avec « Croc-Blanc ». Entretemps, il aura divorcé, couvert le conflit russo-japonais au Japon et en Corée en 1904 et se sera remarié en 1905 avec Charmian Kittredge.
Jack London construit un ranch en 1905, puis un bateau en 1907. Il embarque pour un tour du monde qui s’arrête en Australie : il est malade et doit être soigné.
Il enchaîne les romans à succès : « Le talon de fer » en 1908, son grand roman politique et la première dystopie moderne, puis « Martin Eden » en 1909 qu’il présentera lui-même comme une dénonciation de l’individualisme souvent mal comprise par le public.
Jack London meurt le 22 novembre 1916, d’une urémie, alors qu’il prend de la morphine, souffrant aussi de dysenterie et d’alcoolisme.
Il aura écrit plus d’une vingtaine de romans, des essais, plus de 200 nouvelles, des récits d’aventures, d’autres à couleur socialiste, parfois autobiographiques, certains s’apparentant même à de la science-fiction. Il aura été un des premiers écrivains américains capitalisant fortune et célébrité grâce à la littérature.
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Grand-mère d’une amie
. . . en format papier et en format numérique !
Un vieux rêve se réalise. Je tiens mon roman dans mes mains. Je le feuillette. Je le couve d’un regard attendri. Je le hume. J’en frissonne.
Je suis heureux. Tout simplement. Totalement. Comme un gamin qui vient de déballer un jouet ardemment espéré.
Le bonheur revêt parfois des habits ordinaires. Un livre.
Merci à ceux qui m’ont aidé dans cette entreprise.
Anna, Tom et les autres naissent aux yeux du monde. Je leur souhaite de partager leurs aventures avec des lecteurs de tous horizons. De faire de belles rencontres. De vous toucher. De vous divertir. De vous enrichir. De vous émouvoir autant qu’ils m’ont ému.
Pour les détails du livre, cliquez sur sa couverture :
Bonne lecture à ceux qui se lanceront dans cette expérience !
Enfin !
Combien de fois n’ai-je entendu cette publicité dans les médias ? L’album de Marcel Chinchon ou d’Aurora Lovinston est enfin disponible ! Un slogan qui m’a toujours interpellé. Parce que, en vérité, je n’attendais pas spécialement les dernières œuvres musicales de ces artistes. En général pas du tout, pour être complètement honnête. Surtout lorsque je ne connaissais pas les artistes en question.
Depuis quelques jours, cette phrase choc a pris une toute nouvelle dimension dans mon esprit. Je l’avais peut-être toujours mal interprétée.
C’est l’ajout du mot « enfin » qui apporte une forme d’adrénaline à une phrase au départ simplement factuelle. Mon premier roman est disponible. Mon premier roman est enfin disponible. « Enfin » fait toute la différence.
Enfin. Le Larousse en ligne liste quatre définitions pour ce mot. Dans mon interprétation initiale et dans ma nouvelle vision de la chose, c’est la troisième définition qui s’applique : « Indique qu’un événement se produit, après avoir été attendu longtemps et avec impatience ».
La subtilité de compréhension ne réside pas dans le sens du mot « enfin », mais au niveau de son destinataire.
J’ai toujours naïvement imaginé que « enfin » s’adressait à la cible commerciale, aux clients potentiels. Que les maisons de disques tentaient d’imprimer sournoisement dans l’esprit des consommateurs que ceux-ci surveillaient depuis des lustres les bacs ou leurs sites de ventes en ligne préférés, impatients d’y trouver le nouvel album de la star louée. Que le « enfin » ne représentait ainsi qu’une incitation supplémentaire à la consommation. Je n’avais peut-être pas tort.
Je donne toutefois une signification différente à ce « enfin » aujourd’hui. Du moins pour celui de mon titre, celui concernant mon roman. J’ai les pieds sur terre. Je sais bien que vous n’étiez pas nombreux à attendre « Ainsi a-t-il été ».
Ce « enfin » me concerne, moi. Parce que je peux vous assurer que je l’attendais, ce moment. Mon premier roman est enfin disponible ! Enfin. Après tant de travail. Tant de temps. Tant d’efforts déployés. Songez à un de vos propres projets de très longue haleine qui a finalement abouti et vous comprendrez la teneur et la force émotionnelle de ce « enfin ».
Si vous appréciez « Ainsi-a-t-il été », mon site ou les deux, n’hésitez pas à le faire savoir autour de vous à d’autres amateurs de littérature. Vous êtes ma meilleure carte de visite !
Claude Griesmar