Jack London – Martin Eden ♥

(Roman / 1909)

Couverture du roman Martin Eden de Jack London

Martin Eden est un jeune marin issu des bas-fonds d’Oakland. Un jour, il est admis par hasard chez des bourgeois et tombe amoureux de la jeune fille de la maison, Ruth. Il a envie de la conquérir mais comprend rapidement qu’il traîne deux gros handicaps pour arriver à ses fins. D’une, Ruth et lui n’appartiennent pas à la même classe sociale. De deux, son ignorance et son manque de culture paraissent rédhibitoires pour intégrer ce monde qu’il découvre à peine et conquérir la belle. Il n’abandonne pas pour autant et commence par s’instruire. Il projette de devenir écrivain.

Commentaire

Attention chef d’œuvre !

Jack London évoque souvent de grands espaces blancs, des chiens de traîneau, la nature sauvage. Ces thématiques, notamment développées dans « L’appel de la forêt » et « Croc-Blanc », ne sont pas à l’ordre du jour dans ce roman.

« Martin Eden », en partie autobiographique, dépeint une certaine société américaine du début du 20e siècle, le gouffre séparant les classes sociales, les conditions de travail déplorables des classes ouvrières, l’ascension sociale méritée grâce à un travail acharné, la passion amoureuse, l’écriture, les éditeurs, les illusions, les désillusions, le paraître, l’étroitesse d’esprit de ceux qui pensent savoir, l’hypocrisie, la solitude. Un roman exceptionnel, d’une grande richesse au niveau des sujets abordés et d’une extrême lucidité quant à leur traitement. En plus, il est très bien écrit. Un de mes préférés, tous styles confondus.

Extraits

Ils avaient appris la vie dans les livres, et lui l’avait vécue. (p.48)

Jamais elle n’aurait deviné qu’à ces moments-là, cet homme venu d’un milieu inférieur la dépassait par la grandeur et la profondeur de ses conceptions. Comme tous les esprits limités qui ne savent reconnaître de limites que chez les autres, elle jugea que ses propres conceptions de la vie étaient vraiment très vastes, que les divergences de vues qui les séparaient l’un de l’autre marquaient les limites de l’horizon de Martin et rêva de l’aider à voir comme elle, d’agrandir son esprit à la mesure du sien. (p.99)

Autrefois, il s’imaginait naïvement que tout ce qui n’appartenait pas à la classe ouvrière, tous les gens bien mis avaient une intelligence supérieure et le goût de la beauté ; la culture et l’élégance lui semblaient devoir marcher forcément de pair et il avait commis l’erreur insigne de confondre éducation et intelligence. (p.306)

Ils ont essayé d’écrire et ils n’ont pas pu. Et voilà justement le paradoxe idiot de la chose : toutes les portes de la littérature sont gardées par des cerbères : les ratés de la littérature. Éditeurs, rédacteurs, directeurs des services littéraires des revues et librairies, tous, ou presque tous, ont voulu écrire et n’ont pas réussi. (p.318)

Ce n’est pas dans le succès d’une œuvre qu’on trouve sa joie, mais dans le fait de l’écrire. (p.341)

J’étais le même alors, le même qu’aujourd’hui. Et vous ne m’avez pas reconnu. Pourquoi me reconnaissez-vous aujourd’hui ? (p.445)

Il y eut un long grondement et il lui sembla glisser sur une interminable pente. Et, tout au fond, il sombra dans la nuit. Ça, il le sut encore : il avait sombré dans la nuit.
Et au moment même où il le sut, il cessa de le savoir. (p.478)

Ailleurs sur la toile

Direction le Québec. Mamaki sur sa chaîne Youtube Sous le ciel nous livre des mots très justes dans son analyse de « Martin Eden » :

L’auteur et son œuvre

John naît le 12 janvier 1876. Sa mère est abandonnée par son père biologique. Elle se marie quelques mois plus tard avec John London, un veuf, père de deux enfants. Le futur écrivain est appelé Jack à partir de ce moment-là, pour ne pas le confondre avec son père adoptif.

La famille s’installe à Oakland en 1886. Il fréquente la bibliothèque publique de la ville, donnant peut-être naissance à une future vocation. Il effectue des petits boulots. À partir de 1890, il devient ouvrier, puis pilleur d’huîtres. Il côtoie des voyous, découvre l’alcool et les filles.

En 1893, il s’engage sur une goélette qui l’emmènera jusqu’au Japon. À son retour, il gagne un concours de rédaction en prose et fait publier le récit d’une de ses expériences en mer dans le quotidien « San Francisco Morning Call ».

Il occupe des boulots harassants. Il subit ensuite la panique de la crise de l’emploi de cette année-là et se retrouve sans travail.

Engagement politique

En 1894, il adhère au parti socialiste. Il vit dans la misère, est emprisonné 30 jours pour vagabondage.

Jack London intègre le lycée en 1895, puis l’université en 1896. Il continue de militer pour le parti, est condamné à un mois de prison pour agitation. Il étudie intensément mais doit abandonner l’université de Berkeley par manque de moyens financiers.

En 1897, il participe à la ruée vers l’or au Klondike. Atteint du scorbut, il est rapatrié en 1898.

Ses expériences et ses voyages constitueront une riche source d’inspiration.

Il continue d’écrire et, en 1900, parvient à faire publier un premier recueil de nouvelles « Le fils du loup », un premier pas vers le succès. Il se marie la même année avec Bessie Maddern qui lui donnera deux filles.

En 1902, il vit à Londres. Son expérience anglaise lui sert pour l’écriture d’un essai : « Le peuple de l’abîme ».

Succès

Il obtient succès et célébrité en 1903, avec la publication de son roman « L’appel de la forêt ». Il enfoncera le clou en 1906 avec « Croc-Blanc ». Entretemps, il aura divorcé, couvert le conflit russo-japonais au Japon et en Corée en 1904 et se sera remarié en 1905 avec Charmian Kittredge.

Jack London construit un ranch en 1905, puis un bateau en 1907. Il embarque pour un tour du monde qui s’arrête en Australie : il est malade et doit être soigné.

Il enchaîne les romans à succès : « Le talon de fer » en 1908, son grand roman politique et la première dystopie moderne, puis « Martin Eden » en 1909 qu’il présentera lui-même comme une dénonciation de l’individualisme souvent mal comprise par le public.

Jack London meurt le 22 novembre 1916, d’une urémie, alors qu’il prend de la morphine, souffrant aussi de dysenterie et d’alcoolisme.

Il aura écrit plus d’une vingtaine de romans, des essais, plus de 200 nouvelles, des récits d’aventures, d’autres à couleur socialiste, parfois autobiographiques, certains s’apparentant même à de la science-fiction. Il aura été un des premiers écrivains américains capitalisant fortune et célébrité grâce à la littérature.

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Mon premier roman, « Ainsi a-t-il été », est enfin disponible !

. . .  en format papier et en format numérique !

Partage en direct d’un grand moment de bonheur

Un vieux rêve se réalise. Je tiens mon roman dans mes mains. Je le feuillette. Je le couve d’un regard attendri. Je le hume. J’en frissonne.

Je suis heureux. Tout simplement. Totalement. Comme un gamin qui vient de déballer un jouet ardemment espéré.

Le bonheur revêt parfois des habits ordinaires. Un livre.

Merci à ceux qui m’ont aidé dans cette entreprise.

Anna, Tom et les autres naissent aux yeux du monde. Je leur souhaite de partager leurs aventures avec des lecteurs de tous horizons. De faire de belles rencontres. De vous toucher. De vous divertir. De vous enrichir. De vous émouvoir autant qu’ils m’ont ému.

Pour les détails du livre, cliquez sur sa couverture :

Couverture du roman Ainsi a-t-il été de Claude Griesmar

Bonne lecture à ceux qui se lanceront dans cette expérience !

Enfin !

… ou explications détaillées de ce titre potentiellement pompeux !

Combien de fois n’ai-je entendu cette publicité dans les médias ? L’album de Marcel Chinchon ou d’Aurora Lovinston est enfin disponible ! Un slogan qui m’a toujours interpellé. Parce que, en vérité, je n’attendais pas spécialement les dernières œuvres musicales de ces artistes. En général pas du tout, pour être complètement honnête. Surtout lorsque je ne connaissais pas les artistes en question.

Depuis quelques jours, cette phrase choc a pris une toute nouvelle dimension dans mon esprit. Je l’avais peut-être toujours mal interprétée.

C’est l’ajout du mot « enfin » qui apporte une forme d’adrénaline à une phrase au départ simplement factuelle. Mon premier roman est disponible. Mon premier roman est enfin disponible. « Enfin » fait toute la différence.

Enfin. Le Larousse en ligne liste quatre définitions pour ce mot. Dans mon interprétation initiale et dans ma nouvelle vision de la chose, c’est la troisième définition qui s’applique : « Indique qu’un événement se produit, après avoir été attendu longtemps et avec impatience ».

La subtilité de compréhension ne réside pas dans le sens du mot « enfin », mais au niveau de son destinataire.

J’ai toujours naïvement imaginé que « enfin » s’adressait à la cible commerciale, aux clients potentiels. Que les maisons de disques tentaient d’imprimer sournoisement dans l’esprit des consommateurs que ceux-ci surveillaient depuis des lustres les bacs ou leurs sites de ventes en ligne préférés, impatients d’y trouver le nouvel album de la star louée. Que le « enfin » ne représentait ainsi qu’une incitation supplémentaire à la consommation. Je n’avais peut-être pas tort.

Je donne toutefois une signification différente à ce « enfin » aujourd’hui. Du moins pour celui de mon titre, celui concernant mon roman. J’ai les pieds sur terre. Je sais bien que vous n’étiez pas nombreux à attendre « Ainsi a-t-il été ».

Ce « enfin » me concerne, moi. Parce que je peux vous assurer que je l’attendais, ce moment. Mon premier roman est enfin disponible ! Enfin. Après tant de travail. Tant de temps. Tant d’efforts déployés. Songez à un de vos propres projets de très longue haleine qui a finalement abouti et vous comprendrez la teneur et la force émotionnelle de ce « enfin ».

Si vous appréciez « Ainsi-a-t-il été », mon site ou les deux, n’hésitez pas à le faire savoir autour de vous à d’autres amateurs de littérature. Vous êtes ma meilleure carte de visite !

MOTS 2

La vie est un recueil
d’amours et d’amitiés,
de petits bonheurs partagés,
de plaisirs offerts et de mains tendues,
de rencontres, de découvertes et d’expériences,
de connaissances acquises,
de valeurs et de savoirs transmis,
de satisfactions personnelles,
d’épreuves à traverser,
et d’une ribambelle de choses sans importance.

                   Claude Griesmar

John Irving – L’oeuvre de Dieu, la part du Diable ♥

(Roman / 1985 / The cider house rules)

Couverture du roman L'oeuvre de Dieu, la part du Diable de John Irving

Années 1920. Au fin fond du Maine, le docteur Wilbur Larch met des enfants non désirés au monde (l’œuvre de Dieu), des bébés abandonnés qu’il recueille dans son orphelinat. Il pratique aussi l’avortement (la part du Diable), contre les lois en vigueur.

Homer Wells est un de ces orphelins. Plusieurs tentatives pour le placer en famille d’adoption échouent. Il sera finalement autorisé à rester à l’orphelinat, auprès du docteur Larch, de nurse Angela et de nurse Edna qu’il considère comme sa véritable famille. Larch le prend sous sa coupe et lui apprend peu à peu le métier d’obstétricien.

Commentaire

« L’oeuvre de Dieu, la part du Diable » est un roman bouleversant, drôle, abordant des sujets sensibles (avortements, enfants non désirés, abandons) sans tomber dans le jugement ou le caricatural. Fidèle à son habitude, Irving nous offre son lot de personnages attachants et complexes. Il est difficile de reposer le livre une fois qu’on s’est plongé dans cette magnifique histoire. Irving est au sommet de sa forme. Il développe ses sujets avec maîtrise et aisance. La narration est exceptionnelle. Les idées fusent. L’humour et l’émotion sont extraordinairement bien dosés. Le lecteur passe du rire aux larmes en l’espace de quelques paragraphes. Du grand art.

Le début de résumé ci-dessus ne rend pas justice à la qualité, à l’intensité et à la richesse du récit (pourquoi la pomme sur la couverture, tout d’abord ? et puis il y aurait tant à dire sur Melony, sur Candy, sur Wally, sur Ange aussi). Un roman génial. Le meilleur de John Irving à mon sens.

Extraits

Les raisons pour lesquelles les orphelins doivent être adoptés avant l’adolescence ? C’est qu’ils ont besoin d’être aimés et d’avoir quelqu’un à aimer, avant de s’embarquer dans cette phase nécessaire de l’adolescence, à savoir : le besoin de tromper, soutenait Larch dans sa lettre. L’adolescent découvre que le mensonge est presque aussi séduisant que le sexe et beaucoup plus facile à pratiquer. (p.125)

 Je ne prétends pas que c’est bien, tu comprends ? Je dis que c’est à elle de choisir – c’est un choix de femme. Elle a le droit d’avoir le choix, tu comprends ? (p.142)

 Il faut que tu les aides parce que tu sais comment les aider. Demande-toi qui les aidera si tu refuses. (p.639)

– C’est dur d’avoir envie de protéger quelqu’un et d’en être incapable, fit observer Ange.
– On ne peut pas protéger les gens, petit, répondit Wally. Tout ce qu’on peut faire, c’est les aimer. (p.702)

L’auteur et son œuvre

John Irving naît le 2 mars 1942. Il grandit dans le New Hampshire. Étudiant médiocre, il excelle en lutte. En 1963, il obtient une bourse et part étudier un an à Vienne. Il publie son premier roman à l’âge de 26 ans. La consécration n’arrivera qu’avec le quatrième, « Le monde selon Garp », best-seller international, comme le sont devenus tous ses écrits par la suite.

Il a publié à ce jour 15 romans, un recueil de nouvelles, un essai et un livre pour enfants.

Certains thèmes sont récurrents dans son œuvre : la lutte, la Nouvelle-Angleterre, Vienne, les ours, les relations de couple, un parent absent (John Irving n’a pas connu son géniteur, Irving est le nom de son père adoptif).

John Irving est un conteur-né. Inventif, habile, imprévisible, addictif, il soigne autant ses personnages que ses histoires. Il écrit merveilleusement bien. Et en plus, il a beaucoup d’humour. Un grand écrivain.

Mon John Irving ++

J’ai lu 10 romans de John Irving, tous recommandables. J’ai une préférence cependant pour les suivants, autres petits chefs-d’œuvre absolument savoureux :

Une veuve de papier

(1998 / A widow for one year)

En 1958, Ted Cole, un auteur de livres pour enfants, pousse son assistant saisonnier de 16 ans dans les bras de Marion, sa femme. Il veut précipiter un divorce devenu inéluctable depuis la mort de leurs deux fils.

Dernière nuit à Twisted River

(2009 / Last night in Twisted River)

À Twisted River, les bûcherons mangent chez le Cuistot et chez son fils. Jusqu’au drame. Une très belle histoire de brutes, d’ours, de meurtres, de fuites et de femmes, indiennes, italiennes…

Le monde selon Garp

(1978 / The world according to Garp)

L’histoire déjantée de S.T. Garp, qui deviendra écrivain, et de sa mère, infirmière et féministe malgré elle, qui a choisi le sergent technicien Garp, « opérationnellement intact » malgré un cerveau endommagé, comme père de son unique enfant.

Le premier roman de John Irving que j’ai lu. Imparable.

L’Hôtel New Hampshire

(1981 / The Hotel New Hampshire)

L’histoire désopilante et grave, loufoque et émouvante, de l’excentrique famille Berry, deux parents, cinq enfants, un ours, un chien, dans trois hôtels sur deux continents.

Une prière pour Owen

(1989 / A prayer for Owen Meany)

Owen, ami du narrateur, se croit l’instrument de Dieu. Dans l’Amérique d’avant la guerre du Vietnam, à 11 ans, il en paraît 6, mais affiche une intelligence au-dessus de la moyenne. Une histoire drôle et bouleversante.

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Ken Grimwood – Replay

(Roman – fantastique / 1986)

Couverture du roman Replay de Ken Grimwood

Jeff Winston meurt d’une crise cardiaque à l’âge de 43 ans. Il se réveille dans son corps d’étudiant en ayant conservé les souvenirs de sa vie précédente. Une deuxième chance lui est offerte pour améliorer sa première existence, avec de nouveaux atouts dans son jeu : ses acquis et la connaissance de l’avenir proche. S’en sortira-t-il mieux cette fois-ci ? Et qu’arrivera-t-il le fameux jour de son décès à 43 ans ?

Commentaire

À la lecture du synopsis, on pourrait imaginer être en présence d’une énième version du thème abondamment exploité du voyage dans le temps, avec des machines hautement technologiques, des concepts scientifiques élaborés, des obscures failles temporelles, des paradoxes savamment développés, voire des guerres post-apocalyptiques. Que nenni. « Replay » s’inscrit dans un autre registre.

« Replay » est un roman exceptionnel.

Un roman addictif. Le lecteur est ballotté entre les rêves, les désillusions, les histoires sentimentales, les objectifs, les doutes et les espoirs, les réussites et les échecs des protagonistes. Il est tour à tour ému, surpris, déçu ou heureux par la tournure des événements, la curiosité constamment en éveil. L’écriture est fluide, l’intrigue constamment relancée.

Un roman intelligent. Ken Grimwood explore avec habileté deux sujets majeurs dans « Replay » : le grand amour et le sens de la vie.

Je ne vais pas m’étendre sur le grand amour, admirablement traité. En d’autres termes, il ne s’agit pas d’une histoire larmoyante à l’eau de rose.

Le sens de la vie

Ce deuxième sujet est plus complexe que le grand amour. Que faire de notre existence ? Jouir des plaisirs de la chair et de l’esprit ? Gagner beaucoup d’argent et accumuler des biens matériels ? Se rendre utile à la société ? Mener une paisible vie familiale ? Changer le monde ? Un peu de tout ça à la fois ? Mais comment s’y prendre ? Où placer le curseur ? Avec qui ? Ce roman rappelle que le temps s’écoule inexorablement. Que dans la vraie vie, nous n’avons qu’une vie, et que nous avons tout intérêt à savoir la vivre. Parce que le temps passé ne revient pas. Parce que chacun de nos choix oriente notre voyage de manière significative, parfois sans retour en arrière possible, en écartant définitivement certains chemins potentiels. Et parce que ne pas choisir et se complaire dans la routine est aussi un choix.

Un roman touchant, marquant. Un roman qui laisse méditer longtemps après la dernière page tournée, qui fait reconsidérer le sens de la vie, de notre unique vie.

À lire pas uniquement par les amateurs de science-fiction ou de fantastique : ce roman va au-delà des genres littéraires et peut être apprécié par tout lecteur aimant les bonnes histoires et les axes de réflexion abordés.

Extraits

Ce qui lui avait paru autrefois merveilleusement érotique lui était maintenant révélé dans toute sa médiocrité, sans l’embellissement que confère le recul du temps : une petite branlette rapide sur le siège avant d’une Chevrolet, avec comme toile de fond de la mauvaise musique. (p.49)

 Voyez-vous, il y a le blues triste… Mais le blues le plus triste, c’est pour ceux qui ont eu tout ce qu’ils désiraient puis l’ont perdu et savent qu’ils ne l’auront jamais plus. Aucune souffrance au monde n’est pire que celle-là. (p.154)

 Les vieillards, surtout, le fascinaient : leurs regards pleins de souvenirs lointains et d’espoirs perdus ; leur corps voûté comme en prévision de la fin des temps. (p.404)

 Même le bonheur qu’ils étaient parvenus à trouver ensemble s’était écoulé à une vitesse vertigineuse : quelques années volées ici et là, des moments fugitifs d’amour et de contentement pareils à des bulles évanescentes d’écume sur une mer de solitude, de séparation inutile. (p.404)

 Chaque vie avait été différente, car chaque choix est toujours différent, imprévisible dans ses conséquences et son aboutissement. (p.428)

 Le seul véritable échec, et le plus douloureux, aurait été de ne prendre aucun risque. (p.428)

 Sa vie dépendait de lui, et de lui seul. Les possibilités étaient infinies et il le savait. (p.430)

L’auteur et son œuvre

Ken Grimwood est né le 27 février 1944 en Floride. Marié, sans enfants, il décède le 6 juin 2004 d’une crise cardiaque.

Il a écrit cinq romans. « Replay » est le seul à avoir été traduit en français à ce jour.

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Arnaldur Indridason – Série « Erlendur »

(Policier / 1997-…)

Couverture du roman Les fils de la poussière d'Arnaldur Indridason (série Erlendur)

Série de romans policiers présentant des enquêtes menées en Islande par le commissaire Erlendur Sveinsson et ses équipiers Elinborg et Sigurdur Oli. Parallèlement à ces investigations, la vie personnelle du trio est dévoilée peu à peu. Le tourmenté Erlendur, marqué par une tragédie dans son enfance, mène une existence solitaire. Il est en mauvais termes avec son ex-femme qu’il évite autant que possible depuis leur rupture et entretient des rapports compliqués avec ses deux grands enfants, Eva Lind et Sindri Snaer. Elinborg, cuisinière hors pair, est mariée et mère de famille. Sigurdur Oli s’efforce de stabiliser sa relation avec Bergthora.

Commentaire

Attention dépaysement ! Bonjour l’Islande ! Nous sommes loin des romans policiers américains ou de nos proches contrées européennes. Ici, pas de guerres entre mafias, pas de courses-poursuites en voiture à tombeau ouvert, pas d’échanges de tirs assourdissants entre gangsters et forces de l’ordre. Erlendur et ses équipiers ne sont même pas armés. Les crimes restent sordides : une femme pendue dans son chalet, un Père Noël retrouvé mort dans la cave d’un hôtel de luxe, un enfant poignardé au pied de son immeuble, un homme retrouvé attaché au fond d’un lac qui s’est vidé. Et puis il y a des disparitions non élucidées, récentes ou plus anciennes.

L’atmosphère de cette série est sombre, hantée, entre présent et passé, et pourtant aussi pleine de poésie, de sensibilité et d’espoir.

Indridason s’intéresse aux victimes, aux coupables, mais aussi aux conséquences des drames sur l’entourage des uns et des autres. Il décrypte la succession d’événements qui ont mené aux désastres, les hasards à mettre sur le dos de la malchance, les causes profondes liées aux mauvais côtés de la nature humaine. Ou alors il conclut à l’impossibilité de découvrir certaines vérités. Il dépeint des violences conjugales, des blessures non cicatrisées, le désespoir de personnes ordinaires, la cupidité, le mal-être, les banlieues chics et les bas-fonds alcoolisés de Reykjavik. Il fouille dans le passé de l’île, déterre des catastrophes oubliées, décrit les effets du temps sur les survivants. C’est d’ailleurs une des thématiques les plus importantes de la série : le temps et son action sur la vie des gens.

À consommer sans modération.

Extraits de « Étranges rivages »

En règle générale, il se mettait en route tôt le matin et marchait jusqu’au soir, mais il arrivait aussi qu’il passe la nuit sur un tapis de mousse, seul avec les oiseaux. Il aimait s’allonger sur le dos, la tête posée sur son sac, les yeux levés vers les étoiles en méditant sur ces théories qui affirmaient que le monde et l’univers étaient encore en expansion. Il appréciait de regarder le ciel nocturne et son océan d’étoiles en pensant à ces échelles de grandeur qui dépassaient l’entendement. Cela reposait l’esprit et lui procurait un apaisement passager de pouvoir réfléchir à l’infiniment grand, au grand dessein. (p.101)

Je me demande d’ailleurs qui pourrait bien s’intéresser à des histoires concernant de simples gens que tout le monde a oubliés. (p.109)

C’est comme ça. C’est la vie. Ce genre de chose arrive. […] Tout le monde a un passé. (p.130)

C’est à eux que va ma compassion. Ce sont eux qui doivent affronter l’événement et s’en accommoder. Ils doivent faire face au deuil et la douleur de l’absence les accompagne jusqu’à la fin de leur vie. Ce sont ceux qui restent auxquels je m’intéresse le plus. (p.155)

C’est tellement peu, ce qu’on peut faire. (p.156)

Bientôt, cette histoire, le destin de ces gens, leurs vies emplies de deuils et de victoires, sombreraient dans l’oubli. (p.156)

Vous êtes l’homme le plus buté que j’ai rencontré durant ma longue existence. (p.305)

Romans de la série

À ce jour, cette série est composée de 14 romans. À noter qu’en France, les deux premiers romans de la série n’ont été publiés qu’après le quatorzième. Les lecteurs francophones ont donc découvert Erlendur dans « La cité des jarres », en 2005.

A noter également que « Le duel », « Les nuits de Reykjavik » et « Le lagon noir » sont chronologiquement les trois premières aventures d’Erlendur.

Les fils de la poussière (1997 / Synir duftsins)
Les roses de la nuit (1998 / Dauðarósir)
La cité des jarres (2000 / Mýrin)
La femme en vert (2001 / Grafarþögn)
La voix (2002 / Röddin)
L’homme du lac (2004 / Kleifarvatn)
Hiver arctique (2005 / Vetrarborgin)
Hypothermie (2007 / Harðskafi)
La rivière noire (2008 / Myrká)
La muraille de lave (2009 / Svörtuloft)
Étranges rivages (2010 / Furðustrandir)
Le duel (2011 / Einvígið)
Les nuits de Reykjavik (2012 / Reykjavíkurnætur)
Le lagon noir (2014 / Kamp Knox)

L’auteur et son œuvre

Arnaldur Indridason est né le 28 janvier 1961 à Reykjavik où il vit. Ses livres sont publiés dans plus de vingt-cinq pays. Avant d’être un écrivain à succès, Arnaldur Indridason a obtenu un diplôme en histoire, puis a travaillé en tant que journaliste, scénariste indépendant et critique de films. Il est marié et père de trois enfants.

Indridason a écrit 25 romans à ce jour : 14 dans la série « Erlendur », 3 dans la « Trilogie des ombres », 4 dans une nouvelle série de polars, la série « Konrad », débutée en 2017 et 4 romans indépendants.

Le style d’Indridason est tout en finesse. Les personnages de ses romans sont fouillés, les histoires prenantes et les intrigues déroulées avec subtilité. Indridason est l’écrivain nordique de romans policiers le plus talentueux que j’ai lu. Incontournable pour les amateurs du genre.

Mon Arnaldur Indridason ++

Je n’ai lu qu’un roman d’Indridason en-dehors de la série « Erlendur ». Et je l’ai adoré :

Betty

(2003 / Bettý)

Une histoire basée sur le classique trio amoureux. Du fond de sa cellule, le personnage principal raconte sa rencontre avec Betty, leur amour, le drame, comment il a été accusé, pourquoi sa culpabilité n’a fait aucun doute. Et pourtant.

Une autre manière de décrire ce roman pourrait être celle-ci :

Si je vous dis « Arnaldur Indridason », vous me répondez sans doute « Erlendur ». J’acquiesce, « Excellent choix… ». Vous souriez. Et je termine : « …mais encore ? ». Des rictus se figent. Les mieux renseignés tentent un timide « Opération Napoléon » mais baissent les yeux devant mon air narquois. Je lâche « Betty ». Vous souriez, soulagé. « Mais Betty, c’est Tiffany McDaniel ». Je secoue la tête. « Je ne parle pas de Betty, mais de Betty ». Incompréhension. « Avec un accent sur le y ». J’apprécie le regard entendu des rares qui savent et la perplexité absolue des autres. J’explique. « Betty. Un roman noir. Aussi sombre, aussi consistant, aussi surprenant, aussi savoureux, aussi goûtu, aussi explosif que la première gorgée d’une Pannepot Special Reserva tempérée par une nuit glaciale dans une cabane perdue au fond d’une forêt du grand nord, tandis que les hurlements des loups à l’extérieur donnent l’impression d’une réincarnation de Lemmy braillant « Killed by death » à la lune sanglante. »

Du très bon.

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Fred Vargas – Série « Adamsberg »

(Policier / 1991 – …)

Couverture du roman L'homme aux cercles bleus de Fred Vargas (série Adamsberg)

Série de romans policiers made in France. Le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg est à la tête des enquêteurs de la Brigade Criminelle du 13e arrondissement. Il est secondé par Adrien Danglard, un adjoint porté sur la bouteille. Chaque membre de l’équipe a sa particularité. Violette Retancourt est une force de la nature. Louis Veyrenc, un poète, s’exprime parfois en alexandrins. Froissy est obsédée par la nourriture. Et les autres. Sans oublier La Boule, le chat de leur commissariat parisien.

Tout oppose Adamsberg et Danglard. Le premier, rêveur, désorganisé, imprévisible, incapable de se concentrer sur des raisonnements complexes, fonctionne à l’instinct. Il obtient cependant des résultats spectaculaires. Ce qui interloque le second. Celui-ci, logique et cartésien, possède un savoir encyclopédique. Il ne jure que par les faits et le bon sens, ne conçoit les enquêtes que par des investigations méthodiques et réfléchies. La vie sentimentale d’Adamsberg est compliquée. Danglard est divorcé et père de cinq enfants qu’il élève seul.

Si certaines affaires sont localisées à Paris, d’autres nécessitent des déplacements des enquêteurs dans la France profonde, en Angleterre, en Serbie ou en Islande. Un stage envoie même une partie de l’équipe au Canada.

Commentaire

Les intrigues de cette série paraissent de prime abord extravagantes, loufoques, saugrenues, étranges, abracadabrantes. Et en même temps, elles attisent la curiosité. De la perplexité, le lecteur passe à l’envie de connaître le fin mot de l’histoire, happé par le style envoûtant de Fred Vargas et par ses personnages atypiques. La fragilité de ces derniers, leurs défauts, leurs relations empreintes d’empathie maladroite les rend extrêmement attachants.

À tester si vous n’y avez jamais goûté !

La série « Adamsberg »

À ce jour, cette série est composée de dix romans et d’un recueil de nouvelles.

L’homme aux cercles bleus (1991)
L’homme à l’envers (1999)
Pars vite et reviens tard (2001)
Coule la Seine (2002) (recueil de trois nouvelles)
Sous les vents de Neptune (2004)
Dans les bois éternels (2006)
Un lieu incertain (2008)
L’armée furieuse (2011)
Temps glaciaires (2015)
Quand sort la recluse (2017)
Sur la dalle (2023)

L’auteure et son œuvre

Fred Vargas est née le 7 juin 1957 à Paris. Elle a obtenu un doctorat en histoire et a fait de la recherche au CNRS dans ce domaine.

Elle a écrit à ce jour seize romans, un recueil de nouvelles et plusieurs essais, dont « L’humanité en péril », qui met en garde contre de potentielles catastrophes écologiques et notamment la disparition d’espèces menacées d’extinction. Plusieurs de ses romans ont été portés sur petit ou grand écran.

Dans ses deux séries phares, « Adamsberg » et « Les Évangélistes », Fred Vargas a réussi à se créer un style d’écriture propre, un univers bien à elle. Le rythme est feutré. Les personnages sont finement ciselés et affublés de travers charmants ou effrayants. Les dialogues chirurgicalement travaillés naviguent entre exagérément absurdes et simplement géniaux. Des intrigues secondaires parasitent les investigations et prennent parfois le pas sur l’enquête principale. L’ensemble est saupoudré d’une bonne dose d’humour, de légendes étonnantes et de pages d’Histoire que maîtrise bien Fred Vargas. De ces imbroglios et des efforts fournis pour résoudre les crimes et d’autres problèmes divers et variés, par des personnages si différents les uns des autres tout en étant tous imparfaits mais cependant non dénués d’une sensibilité certaine, naissent de poétiques messages de tolérance. Un régal pour qui apprécie ce mélange détonant et délicieux !

Mon Fred Vargas ++

J’aime beaucoup la série « Adamsberg » et tout autant la série « Les Évangélistes ». Cette dernière met en scène trois amis Mathias Delamarre, Marc Vandoosler et Lucien Devernois, respectivement spécialistes de la Préhistoire, du Moyen Âge et de la Première Guerre mondiale. Ils habitent ensemble, dans une vieille maison, avec Armand Vandoosler, ancien flic et oncle de Marc. Et ils résolvent accessoirement des enquêtes.

Les personnages des deux séries se croisent ou sont parfois mentionnés dans l’autre série. Une grande famille donc.

J’attends depuis un temps certain (et je ne suis sans doute pas le seul), le quatrième roman consacré aux Évangélistes. Viendra-t-il un jour ? Seule Fred Vargas connaît la réponse.

Les romans de la série « Les Évangélistes »

Debout les morts (1995)
Un peu plus loin sur la droite (1996)
Sans feu ni lieu (1997)

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