Michel Bussi – Nymphéas noirs

(Policier / 2011)

Couverture du roman Nymphéas noirs de Michel Bussi

Giverny reste figé dans le temps. Des milliers de touristes visitent chaque année ce paisible village normand qui a vu Claude Monet peindre encore et encore ses Nymphéas. Une vieille dame surveille les allées et venues des autochtones et des gens de passage. Une jolie femme rêve d’amour et d’évasion. Une fillette se passionne pour la peinture.

Un meurtre salit soudain ce décor de carte postale. Les deux inspecteurs chargés de l’enquête en perdent leur latin. Seul le fidèle chien Neptune semble insensible aux drames qui se jouent et aux secrets qui se dénouent.

Commentaire

Ce roman policier sort de l’ordinaire. Michel Bussi joue avec nos nerfs, distille ses indices au compte-gouttes, nous parle peinture et nymphéas noirs, nous émeut, nous mène en bateau, avant d’époustouflantes révélations finales. J’en suis resté bouche bée. Et ravi de l’expérience.

Je n’en dévoilerai pas davantage. Je ne peux que conseiller aux amateurs de suspense et de retournements de situation d’embarquer dans cette aventure singulière.

L’auteur et son œuvre

Michel Bussi est né le 29 avril 1965 à Louviers, en Normandie.

Géographe, professeur à l’université de Rouen, spécialiste de la géographie électorale, il est également un des écrivains français les plus lus en France depuis le succès de « Nymphéas noirs » et de ses successeurs. Il a publié à ce jour, entre autres, une quinzaine de romans et un recueil de nouvelles.

Michel Bussi est le roi du rebondissement. Ce conteur-né prend un malin plaisir à brouiller les pistes. Il mène le lecteur par le bout du nez, pour mieux le surprendre lors du dénouement de chaque histoire. Divertissant, souvent instructif et toujours surprenant !

Mon Michel Bussi ++

Outre « Nymphéas noirs », j’ai beaucoup aimé deux autres romans de Michel Bussi.

Et puis, j’ai bien ri aussi en découvrant que Michel Bussi avait réussi à mentionner « Borussia Mönchengladbach » dans un de ses romans, sans expliquer de quoi il s’agissait. Un défi personnel ? Un pari gagné ? Quoi qu’il en soit, bravo !

Un avion sans elle

(2012)

23 décembre 1980. Un crash d’avion dans le Jura. Une seule survivante : un bébé de trois mois. Deux familles se l’arrachent, l’une riche, l’autre pas. La justice tranche et le bébé retrouve une identité.

Dix-huit ans plus tard, un nouveau rebondissement relance l’affaire. À 18 ans, la rescapée est replongée dans un passé plus trouble que jamais.

Gravé dans le sable

(2014)

Juin 1944. La veille du débarquement, Lucky croit en sa chance et prend tous les risques en échange d’une hypothétique fortune.

La veuve de Lucky apprend le pacte fou vingt ans plus tard. Entre la Normandie et les États-Unis, elle part à la recherche de témoins capables de corroborer la réalité de l’incroyable promesse. Mais certains n’ont pas envie de déterrer une vérité embarrassante.

À découvrir aussi

D’autres lectures
Joël Dicker – L’énigme de la chambre 622
Aurélie Filippetti – Les idéaux

Mes écrits
Ainsi a-t-il été
Mieux vaut très tard que jamais
39 hommes en galère
l’R de rien

Me contacter
Me suivreFacebook Claude Griesmar

Partager

LECTURE DE JUILLET 2020

Deux romans à l’honneur en ce mois de juillet. Markus Zusak nous emmène dans l’Allemagne nazie de la Deuxième Guerre mondiale et nous conte les aventures de la petite Liesel dans le superbe La voleuse de livres. Et Lord Dunsany nous offre en 1924 un des premiers romans de fantasy, dans un style soutenu et empreint de poésie et de mélancolie : La fille du roi des elfes.

Bonne lecture et n’hésitez pas à commenter !

Markus Zusak – La voleuse de livres

(Roman / 2005 / The book thief)

Couverture du roman La voleuse de livre de Markus Zusak

Leur heure venue, bien peu sont ceux qui peuvent échapper à la Mort. Et, plus rares encore, ceux qui réussissent à éveiller Sa curiosité. Liesel Meminger y est parvenue. (début de la quatrième de couverture)

En janvier 1939, Liesel Meminger a presque dix ans. Elle vit dans l’Allemagne nazie. Son existence prend un nouveau tournant : elle est adoptée par Hans et Rosa Hubermann. Elle grandira dans un monde en guerre, dans un univers ponctué de « Saumensch ! », de « Saukerl ! » et de « Dummkopf ! », attirée irrésistiblement par les livres.

Commentaire

Un roman atypique. La narratrice ? Markus Zusak a offert ce rôle non pas à la petite Liesel, mais à la Mort. Loin d’être sanguinaire, violente ou perverse, la Mort se contente de faire son travail, recueillir des âmes. Et ce n’est pas le boulot qui manque à partir de 1939.

Un roman merveilleux. L’auteur nous fait vivre des épisodes de l’horrible deuxième guerre mondiale au cœur même de l’Allemagne, à travers une galerie de personnages touchants, certains autant victimes du nazisme, voire davantage, que des civils de pays alliés. Il dose savamment l’émotion et l’humour pour nous narrer avec talent le quotidien d’anonymes, adultes et enfants, pris dans l’engrenage de la grande Histoire. Leur courage, leurs faiblesses, leurs ambitions, leurs drames, leurs rêves, leurs questionnements, leurs tracas et leurs hantises. Avec toujours présents, la Mort, les cauchemars, l’incertitude du lendemain, les tragédies de la guerre, les livres et le pouvoir des mots.

À chaque page de « La voleuse de livres », le lecteur craint pour ses héros. Il est ballotté entre l’accordéon et le bruit des bottes. Il a hâte de terminer le roman, de s’assurer que les personnages auxquels il s’est attaché survivront au conflit meurtrier, tout en redoutant le moment où il quittera définitivement le petit monde de la rue Himmel.

Exceptionnel !

« La voleuse de livres » a été adapté au cinéma en 2013 par Brian Percival.

Extraits

Ce dont les humains sont capables, c’est une chose qui m’échappera toujours… (p.33)

Une boule de neige en pleine figure est certainement la meilleure entrée en matière pour une amitié durable. (p.59)

Il y a pire qu’un garçon qui vous déteste. Un garçon qui vous aime. (p.63)

Comme beaucoup de malheurs, cela commença par l‘apparence du bonheur. (p.101)

C’est plus facile d’être près du but que de l’atteindre. (p.105)

Pour souffrir, tous les lieux se valent. (p.174)

On peut faire beaucoup de mal à quelqu’un en le laissant vivre. (p.291)

« Je suis un idiot. »
Non, Papa.
Tu es juste un homme. (p.463)

Parfois, ça me tue, la façon dont les gens meurent. (p.537)

Les humains ont au moins l’intelligence de mourir. (p.566)

Elle était en train de lui dire adieu et elle ne le savait pas. (p.596)

Les mots. Pourquoi fallait-il qu’ils existent ? Sans eux, il n’y aurait rien de tout cela. Sans les mots, le Führer ne serait rien. (p.600)

L’auteur et son œuvre

Markus Zusak est né le 23 juin 1975 à Sydney, en Australie, d’un père autrichien et d’une mère allemande. Il est le plus jeune d’une famille de quatre enfants. Spécialisé dans la littérature pour la jeunesse, il a écrit six romans à ce jour. Je n’ai lu que « La voleuse de livres » qui peut aussi bien être lu par des adolescents que par des adultes.

À découvrir aussi

D’autres lectures
Luca Di Fulvio – Le gang des rêves
Christel Petitcollin – Je pense trop

Mes écrits
Ainsi a-t-il été
Mieux vaut très tard que jamais
39 hommes en galère
l’R de rien

Me contacter
Me suivreFacebook Claude Griesmar

Partager

Lord Dunsany – La fille du roi des elfes

(Fantasy / 1924 / The King of Elfland’s daughter)

Couverture du roman La fille du roi des elfes de Lord Dunsany

Un forgeron, un fermier, un maître-laboureur, un chasseur de cerfs, un conducteur de chevaux et sept de leurs compagnons forment le Parlement du Pays des Aulnes. Ces hommes regrettent le manque de notoriété de leur village et de leur vallée. L’apport de magie dans le royaume pourrait régler ce problème, selon eux. Ils vont trouver le Roi des Aulnes dans son château. Ils lui font part d’une requête mûrement réfléchie autour de chopes d’hydromel : être gouvernés par un prince enchanté. Le Roi des Aulnes n’est pas convaincu par la pertinence de la demande, mais s’est toujours efforcé d’écouter la voix de son peuple. Il convoque son fils aîné et le somme de se rendre dans le Royaume Enchanté, à l’Est du Pays des Aulnes, et d’épouser la fille du Roi des elfes.

Alveric, en fils obéissant, entreprend le voyage à travers la forêt enchantée, à la recherche de Lirazel, la merveilleuse fille du Roi des elfes. Il compte l’enlever, la ramener dans la Terre des Hommes, puis l’épouser…

Commentaire

Lord Dunsany nous offre ici un des premiers romans de fantasy de l’Histoire. « La fille du roi des elfes » est tout d’abord une œuvre magnifiquement écrite, d’une grande poésie, empreinte de mélancolie. L’auteur privilégie les belles descriptions et les ambiances aux dialogues et à l’action. Ce conte au charme désuet enchantera les lecteurs prêts à s’immerger dans les aventures et mésaventures des habitants du Pays des Aulnes et de leurs voisins du Royaume Enchanté. Lord Dunsany leur fera découvrir des créatures magiques, des licornes, des trolls, un monde merveilleux. Ils trembleront pour les uns, riront avec les autres, comprendront qu’il est difficile de satisfaire tout le monde, surtout lorsque les visées des uns et des autres sont contradictoires. Et verront qu’il y a souvent une morale à la fin.

J’ai beaucoup aimé. Je me suis laissé bercer par le style envoûtant de Lord Dunsany. Le petit bémol qui pourrait éventuellement déplaire : le sort réservé aux animaux victimes de la chasse. À remettre cependant dans le contexte de l’époque où le roman a été écrit, sachant de surcroît que Lord Dunsany était un adepte enthousiaste de cette pratique.

Extraits

Tandis qu’Alveric restait immobile à l’orée du bois, l’épée à la main, le souffle suspendu et le regard fixé, par-delà la pelouse, sur le chef d’œuvre renommé du Royaume Enchanté, la fille du Roi apparut seule au portail. Éblouissante, elle avança sur la pelouse sans remarquer la présence d’Alveric. Balayant la rosée et la brume dense, son pied effleurait doucement et brièvement l’herbe d’émeraude qui se courbait pour se redresser aussitôt comme nos campanules sous la caresse fugitive des papillons bleus qui errent librement au flanc des collines crayeuses. (p.35)

– Il y a combien de temps que ce rocher se trouve là ?
Comme grêle sur pommiers en fleur, la réponse réduisit ses espoirs à néant :
– Il se trouve là : à nous de nous en accommoder. (p.59)

L’hiver descendit sur la vallée et emprisonna la forêt de son étreinte qui immobilisa et raidit les ramilles. Dans la vallée, le ruisseau s’était tu et dans les pâturages, l’herbe rare était devenue aussi fragile que l’argile cuite, tandis que les bêtes soufflaient une haleine semblable à la fumée qui monte d’un feu de camp. (p.105)

Alors, blotti sur son lit de foin, le troll écouta ce qu’il croyait être l’histoire de la Terre, bien qu’il ne connût pas le langage des pigeons. (p.170)

Nous sommes partiellement aveugles aux occupations d’autrui, mais quand nous rencontrons quelqu’un qui cherche la même chose que nous, nous le comprenons aussitôt, sans qu’il soit besoin de nous le dire. Et au moment précis où Lurulu vit le rat, il comprit que lui aussi cherchait quelque nourriture. (p.170)

L’auteur et son œuvre

Edward John Moreton Drax Plunkett est né le 24/07/1878. Il devient le 18e baron de Dunsany en 1899, succédant à son père. C’est sous ce nom que cet écrivain irlandais sera connu.

En 1904, Lord Dunsany épouse la fille d’un comte. Celle-ci lui donne un fils en 1906. Il combat durant la première guerre mondiale. De 1940 à 1941, il enseigne la littérature anglaise à Athènes. Il parvient à fuir lorsque les nazis envahissent la ville.

Athlète, grand voyageur, chasseur passionné, il trouvera malgré une vie bien remplie le temps d’écrire une soixantaine de livres : des romans, des recueils de nouvelles, des pièces de théâtre, de la poésie, des essais, des autobiographies. Méprisant les progrès mécaniques, il a écrit tous ses ouvrages à la plume d’oie.

Lord Dunsany a influencé de nombreux écrivains de fantasy et de science-fiction : HP Lovecraft, Lyon Sprague de Camp, Robert E Howard, Fletcher Pratt, Neil Gaiman notamment. « La fille du roi des elfes », un des premiers romans de fantasy, est considéré comme son chef d’œuvre.

Lord Dunsany est mort à Dublin, le 25/10/1957.

À découvrir aussi

D’autres lectures
Cornelia Funke – Cycle « Cœur d’encre »
Philipp Meyer – Le fils

Mes écrits
Ainsi a-t-il été
Mieux vaut très tard que jamais
39 hommes en galère
l’R de rien

Me contacter
Me suivreFacebook Claude Griesmar

Partager

Ainsi a-t-il été depuis trois mois

Trois mois déjà ! Mon premier roman, Ainsi a-t-il été, a vu officiellement le jour mi-mars. Un lancement sur la pointe des pieds, dans les conditions difficiles d’une situation sanitaire planétaire plus que préoccupante. Et pourtant ! Et pourtant, vous avez été nombreux à répondre présent, à avoir pris connaissance des aventures d’Anna, de Tom et des autres. Et, j’en suis particulièrement heureux, à les avoir appréciées. Avec souvent beaucoup d’émotion à la clé.

Un grand merci à vous tous pour votre confiance, votre soutien, vos encouragements et vos retours très positifs !

Comme vous l’avez compris, je ne dispose ni des moyens de promotion, ni des canaux de distribution des éditeurs traditionnels.

Je communique avec mes propres moyens, pour tenter de donner un maximum de visibilité à « Ainsi a-t-il été ». Et je compte aussi sur vous, mon premier cercle de lecteurs, pour faire savoir que ce roman existe. Si comme moi, vous appréciez l’histoire des Flanagan et de Tom Doe, si comme moi, vous estimez que « Ainsi a-t-il été » mérite d’être connu, n’hésitez pas à en parler autour de vous, à vos proches, à vos collègues, à vos connaissances, à partager ce site, ma page Facebook et ma vidéo sur les réseaux sociaux, à commenter sur Amazon. Le bouche à oreille peut être d’une grande efficacité. Merci d’avance pour votre aide précieuse.

Et pour ceux qui n’ont pas encore lu « Ainsi a-t-il été », n’hésitez pas à franchir le pas. Si vous avez accosté sur mon îlot littéraire, vous avez toutes les chances d’être conquis par ce roman. Tentez l’aventure à votre tour !

Tracy Chevalier – La jeune fille à la perle ♥

(Roman / 1999 / Girl with a pearl earring)

Couverture du roman La jeune fille à la perle de Tracy Chevalier

Début de la quatrième de couverture

La jeune et ravissante Griet est engagée comme servante dans la maison du peintre Vermeer. Nous sommes à Delft, au dix-septième siècle, l’âge d’or de la peinture hollandaise. Griet s’occupe du ménage et des six enfants de Vermeer en s’efforçant d’amadouer l’épouse, la belle-mère et la gouvernante, chacune très jalouse de ses prérogatives.
Au fil du temps, la douceur, la sensibilité et la vivacité de la jeune fille émeuvent le maître qui l’introduit dans son univers.

Commentaire

J’ai une tendresse particulière pour ce roman, découvert par hasard en 2007. Profitant de l’effet euphorisant qu’une librairie procure sur mon humble personne, je me promenais nonchalamment entre des étagères remplies de livres lorsque soudain, au détour d’un rayon, je me suis retrouvé nez-à-nez avec cette jeune fille au visage envoûtant. J’en ai eu la respiration coupée. Comme d’autres, j’étais tombé sous le charme de ce tableau de Vermeer depuis bien longtemps déjà. J’y avais fait référence peu de temps auparavant. Et voilà qu’il me regardait, imprimé sur un support qui me plaît tant, un livre.

J’ai acheté le roman illico et je l’ai lu avec délectation.

Tracy Chevalier a inventé l’histoire de ce tableau, « La jeune fille à la perle », en se basant sur les éléments historiques dont elle disposait. Rien que le fait d’avoir eu l’idée d’imaginer l’histoire de cette œuvre m’a enthousiasmé. Le résultat m’a enchanté.

Ce roman est une réussite, un sans-faute. Tout y est : le sujet, le style, l’histoire, les personnages. Et tout y est bon.

Tracy Chevalier nous dépeint avec minutie la société hollandaise du dix-septième siècle, dans un style riche et fluide, très agréable à lire. Elle décortique les relations entre les classes sociales, la cohabitation entre les religions, la place de la femme dans la société et son combat permanent pour exister, la vie de l’artiste, son côté créatif, avec des explications bienvenues sur les couleurs et la lumière notamment, mais aussi ses aspects commerciaux et ses contraintes bassement matérielles, incontournables pour subvenir aux besoins de la famille. Sans oublier la relation ambiguë qui s’installe peu à peu entre le peintre et son modèle. Pour parvenir à ses fins, l’auteure utilise une panoplie de personnages fouillés, décrits avec soin. Un magnifique exercice !

Après avoir lu ce roman, on ne voit plus le tableau tout à fait de la même manière.

Film

« La jeune fille à la perle » a été adapté au cinéma par Peter Webber en 2003. Ce film, aux couleurs exceptionnellement travaillées, offre l’un de ses plus beaux rôles à Scarlett Johansson.

Même si, comme très souvent, l’adaptation cinématographique ne rend pas complètement justice à la complexité et à la richesse du roman, en omettant de nombreux événements détaillés dans le livre et en se concentrant sur la relation entre Vermeer et Griet, le film est très beau et vaut le coup d’être vu.

Extraits

Mon père me tendit un petit paquet enveloppé dans un mouchoir. « Ça te rappellera la maison et nous tous », dit-il. (p.23)

Elle pouvait être drôle et espiègle un moment, puis agressive quelques instants plus tard, comme le chat qui ronronne mord quelquefois la main qui le caresse. (p.79)

J’avais le temps de penser, je pensais trop. J’étais comme le chien qui, à force de lécher ses plaies pour les nettoyer, les avive. (p.121)

« Dites-moi Griet, pourquoi avez-vous déplacé la nappe? » Sa voix avait le même ton que lorsqu’il m’avait questionné au sujet des légumes, dans la cuisine de mes parents.
Je réfléchis. « Il faut un peu de désordre dans la composition pour faire ressortir la sérénité du modèle, expliquai-je. Il faut quelque chose qui dérange l’œil tout en lui étant agréable, et ça l’est parce que l’étoffe et son bras sont dans une position similaire. »
Un long silence s’ensuivit. Mon maître contemplait la table. J’attendis, m’essuyant les mains à mon tablier.
« Je n’aurais pas cru que je pouvais apprendre quelque chose d’une servante », finit-il par dire. (p.187)

« Maintenant, regardez-moi. »
Je tournai la tête et le regardai par-dessus mon épaule droite.
Ses yeux s’immobilisèrent dans les miens et tout ce qui me vint à l’esprit ce fut que leur gris me rappelait l’intérieur d’une coquille d’huître.
Il semblait attendre quelque chose. Mon visage commença à refléter ma crainte de ne pouvoir le satisfaire.
« Griet », reprit-il avec douceur. Il n’eut point besoin d’en dire davantage, mes yeux s’emplirent de larmes. Je les retins, je savais faire maintenant.
« Oui. Ne bougez pas. »
Il allait peindre mon portrait. (p.232)

L’auteure et son œuvre

Tracy Chevalier, née le 19 octobre 1962 à Washington, est spécialisée dans les romans historiques. Elle vit à Londres avec son mari et son fils.

A ce jour, Tracy Chevalier a écrit dix romans.

J’ai toujours l’impression de lire du classique quand je lis du Tracy Chevalier. Outre ses thématiques historiques pointues, bien trouvées et bien documentées, Tracy Chevalier a le chic, ou plutôt le talent, de conter ses histoires de fort agréable manière. Son style soutenu et fluide à la fois, une association parfaite qui paraît si simple mais qui pourtant est en réalité tellement compliquée, rend ses livres plaisants et addictifs.

Certains protagonistes de ses romans sont des personnages ayant réellement existé.

A recommander aux lecteurs amateurs de belles écritures et de romans dont l’action se déroule à d’autres époques.

Mon Tracy Chevalier ++

J’ai lu six romans de Tracy Chevalier à ce jour, tous très recommandables.

La dame à la licorne

(2003 / The lady and the unicorn)

Désireux d’orner les murs de sa nouvelle demeure parisienne, le noble Jean Le Viste commande une série de six tapisseries à Nicolas des Innocents, miniaturiste renommé à la cour du roi de France, Charles VIII. Surpris d’avoir été choisi pour un travail si éloigné de sa spécialité, l’artiste accepte néanmoins après avoir entrevu la fille de Jean Le Viste dont il s’éprend.
La passion entraînera Nicolas dans le labyrinthe de relations délicates entre maris et femmes, parents et enfants, amants et servantes.
En élucidant le mystère d’un chef-d’œuvre magique, Tracy Chevalier ressuscite un univers de passion et de désirs dans une France où le Moyen Age s’apprête à épouser la Renaissance.
(quatrième de couverture)

L’origine de La Dame à la Licorne, tenture célèbre composée de six tapisseries, reste un mystère. Nul ne sait qui a réalisé ce chef d’œuvre, ni qui l’a commandité.
Après avoir procédé à des recherches pour savoir ce qu’il était possible de trouver à ce sujet, l’auteure a imaginé l’histoire de cette œuvre d’art. Avec brio.
Tracy Chevalier nous emmène en 1490 et nous entraîne dans des aventures rocambolesques, de Paris à Bruxelles. Avec toujours le sens du détail. Et de l’humour !
Le roman de Tracy Chevalier que je préfère, après « La jeune fille à la perle ».

La Vierge en bleu

(1997 / The Virgin blue)

Récemment arrivée des Etats-Unis avec son mari, Ella Turner a du mal à trouver sa place dans cette bourgade de province du sud-ouest de la France. S’y sentant seule et indésirable, elle entreprend des recherches sur ses ancêtres protestants qui eurent à fuir les persécutions. (début de la quatrième de couverture)

Premier roman de Tracy Chevalier. Au programme, la guerre de religions entre catholiques et protestants il y a quatre siècles. Et le destin de deux femmes séparées par ce même laps de temps. Délicieux.

Prodigieuses créatures

(2009 / Remarkable creatures)

Dans les années 1810, à Lyme Regis, sur la côte du Dorset battue par les vents, Mary Anning découvre ses premiers fossiles et se passionne pour ces prodigieuses créatures qui remettent en question les théories sur la création du monde. Très vite, la jeune fille issue d’un milieu modeste se heurte à la communauté scientifique, exclusivement composée d’hommes. (début de la quatrième de couverture)

Biographie romancée de Mary Anning et de son amie Elizabeth Philpot, chasseuses de fossiles à Lyme, à une époque où la science était réservée aux hommes d’une certaine condition sociale.
L’histoire est à la fois captivante et instructive. L’écriture, comme d’habitude chez Tracy Chevalier, est remarquable, voire prodigieuse. La quatrième de couverture mentionne « une finesse qui rappelle Jane Austen ». Le style est avant tout celui de Tracy Chevalier, et c’est mine de rien un beau compliment.

La dernière fugitive

(2013 / The last runaway)

1850. Après un échec sentimental, Honor Bright, quaker anglaise, embarque pour l’Amérique en compagnie de sa sœur, partie rejoindre son fiancé. Très vite, elle doit apprendre à survivre et à se reconstruire dans un nouveau pays aux coutumes étranges.

Un autre très bon roman de Tracy Chevalier. L’auteure raconte la vie des quakers et celle des femmes dans un pays encore sauvage. Par ailleurs, elle décrit le chemin de fer clandestin, ce réseau de routes et de contacts secrets emprunté par les esclaves en fuite, dans ce même pays soumis aux lois esclavagistes. Prenant.

A l’orée du verger

(2016 / At the edge of the orchard)

En 1838, la famille Goodenough s’installe sur les terres marécageuses du Black Swamp, dans l’Ohio. Le père est obsédé par son verger. La mère déteste ces pommiers. Chaque hiver, la fièvre emporte un de leurs enfants.

Roman plus sombre que les précédents. Toujours aussi bien écrit.

À découvrir aussi

D’autres lectures
Rachel Joyce La lettre qui allait changer le destin d’Harold Fry
John Boyne – Les fureurs invisibles du coeur

Mes écrits
Ainsi a-t-il été
Mieux vaut très tard que jamais
39 hommes en galère
l’R de rien

Me contacter
Me suivreFacebook Claude Griesmar

Partager