Guy de Maupassant – Romans ♥

Guy de Maupassant (05/08/1850 – 06/07/1893) est mon écrivain préféré. Je vous propose de découvrir ou redécouvrir les six romans qu’il a écrits : Une vie, Bel-Ami, Mont-Oriol, Pierre et Jean, Fort comme la mort et Notre cœur.

Une vie ♥

Son premier roman (1883)

Coup de cœur absolu.

Un de mes deux romans préférés (avec Martin Eden, de Jack London). Je l’ai relu une 3e fois, 21 ans après la 2e. J’en suis ressorti bouleversé, une fois encore. Une claque.

Une vie est l’histoire de Jeanne. À 17 ans, elle retourne vivre auprès de ses parents après 5 années passées au couvent, protégée des vicissitudes de l’existence. Radieuse, naïve et romantique, impatiente de vivre, elle rêve d’amour, de bonheur, d’inattendu, d’un avenir exaltant dans sa vie de château. Elle rencontre très vite un homme séduisant, se marie. Les désillusions se succèderont, cruelles.

Maupassant n’épargne pas cette jeune fille innocente qui a pour grande ambition de mener une vie heureuse. Il relate avec sobriété son existence malmenée.

Maupassant est en forme. Autour de Jeanne, tout le monde en prend pour son grade : l’aristocratie, le clergé, la religion, les hommes, les femmes, les époux, les épouses, les paysans, les domestiques, les pères, les mères, les enfants.

Il évoque le temps qui passe, l’infidélité et les mensonges du quotidien, la bestialité potentielle des plaisirs de la chair, l’avarice, le pragmatisme des petites gens, l’hypocrisie du monde, le sens de la vie, la folie qui guette et les illusions perdues des âmes pures et sensibles, non préparées, confrontées aux réalités de la vie et à la roublardise humaine.

L’histoire est d’un réalisme impressionnant, l’écriture de Maupassant remarquable de précision.

Les descriptions des lieux, des paysages et des saisons sont magnifiques. Les caractères des personnages très justes.

La condition et le courage de la femme de l’époque sont présentés face à la rudesse et la rusticité des hommes et de leurs privilèges. Le problème du consentement est mis en lumière.

La fin est brillante également.

Un chef-d’œuvre littéraire, un roman parfait de mon auteur préféré !

Extraits

On pleure parfois les illusions avec autant de tristesse que les morts.

La vie, voyez-vous, ça n’est jamais si bon ni si mauvais qu’on croit.

Bel-Ami ♥

Son deuxième roman (1885)

Georges Duroy, un ancien soldat en poste en Algérie, ne retourne pas dans sa campagne normande natale mais tente de se faire une place à Paris. Il végète à la Compagnie des chemins de fer du Nord lorsqu’il croise un ancien camarade de régiment qui a réussi dans le journalisme et qui l’introduit dans le milieu de la presse. Lorsqu’il se rend compte qu’il a du succès auprès des femmes, ce séducteur sans scrupule, arriviste et manipulateur, les utilise pour son plaisir et pour satisfaire ses ambitions : grimper les échelons de la société.

Maupassant nous livre une critique acerbe de cet opportuniste dénué de tout sentiment et prêt à tout, mais aussi de l’ensemble de l’hypocrite système qui permet à ce genre de personnage de réussir dans son entreprise : la presse aux méthodes douteuses en cheville avec la politique dont les représentants ne brillent que par leurs ambitions personnelles, la finance qui tire les ficelles dans l’ombre et la belle société et ses mœurs légères. Il ne se prive pas d’adresser des piques au clergé.

La plume précise, acérée et cynique de Maupassant va au-delà de l’ascension sociale de l’abject Duroy et de son utilisation indigne des femmes.

La place prépondérante de Duroy dans le récit est contrebalancée par la mise en lumière du rôle des femmes, certes privées de droits, mais réfléchies et influentes, indispensables auprès d’hommes manquant de subtilité et de clairvoyance. Sensibles aussi.

Et puis, Bel-Ami traite d’un autre thème cher à Maupassant, la mort, avec en toile de fond le temps qui passe, le sens de la vie et la solitude dans l’approche de la fin.

Certains livres comportent des passages qui marquent à vie. Bel-Ami est un de ces livres pour moi.

La tirade sur cinq pages de Norbert de Varenne est un de ces textes inoubliables (Première partie, chapitre VI – « Dans le royaume des aveugles… »).

Extrait

« Respirer, dormir, boire, manger, travailler, rêver, tout ce que nous faisons, c’est mourir. Vivre enfin, c’est mourir ! »

Deuxième roman de Maupassant, deuxième chef-d’œuvre.

Mont-Oriol

Son troisième roman (1887)

Maupassant nous emmène en Auvergne dans ce Mont-Oriol, un roman plus complexe qu’il n’y paraît. Ses personnages cocasses, ses duperies invraisemblables et ses rivalités et aventures dans une ville d’eau pourraient faire croire à une grosse farce, mais Maupassant utilise ces ficelles pour mieux appuyer là où ça fait mal et offrir des pistes de réflexion à ceux qui ont envie de creuser au-delà de ce décor comique.

Le premier sujet de ce roman concerne la création d’une nouvelle station thermale. Une histoire de spéculations, de tractations, de concurrence, de réclame (publicité), de calculs, de luttes d’influence, le tout tournant autour des intérêts financiers des uns et des autres. De beaux discours, oui, mais les pensées toujours focalisées sur le sacro-saint argent. Les espèces sonnantes et trébuchantes passent sans surprise au-dessus des principes.

L’amour est le deuxième sujet de Mont-Oriol. Maupassant présente des protagonistes occupés par le besoin élémentaire de l’homme et de la femme de s’unir en veillant à respecter les convenances. Sa plume précise et sans concession décrit le fossé qui sépare les hommes et les femmes dans leur appréhension des sentiments et du couple.

Les femmes sortent grandies de cette mise en parallèle. Elles éprouvent des sentiments sincères, profonds, dénués de calculs et d’artifices. Elles s’attendent à être aimées en retour. Maupassant exprime magnifiquement les désirs de la femme, ainsi que la transformation de la jeune fille qui s’amuse de jeux ingénus en la femme éprise passionnément qui se sent heureuse ou perdue et les interrogations qui accompagnent cette perte de l’innocence.

Les hommes fréquentent les femmes pour les plaisirs faciles. Pour les affaires sérieuses, ils sont soit calculateurs, et donc dénués de sentiments véritables, soit éperdument passionnés, un temps, avant de se lasser très vite de la femme adorée. De piètres maris.

Maupassant explore des sujets qui lui tiennent à cœur : la solitude, au sein même d’un couple, sa relation envers les femmes enceintes, la paternalité et la bâtardise.

Il profite de son cadre pour réunir une vaste galerie de personnages et mettre en évidence les failles, la médiocrité et les travers de l’être humain, éternel insatisfait, tricheur, égoïste et hypocrite. Cinq catégories ont droit à une analyse particulièrement poussée : les paysans, attachés à leurs terres mais surtout à l’argent, les médecins et les limites de leurs compétences dissimulées sous différents subterfuges, les malades et leurs maux, les mondains et les banquiers.

Se pose enfin la question de la valeur des choses, des sentiments et des personnes. Maupassant interroge mais laisse au lecteur le soin de se faire sa propre opinion.

Extrait

Ceux-là seuls sont heureux qui souffrent par leurs sensations, qui les reçoivent comme des chocs et les savourent comme des friandises. Car il faut raisonner toutes nos émotions, heureuses ou tristes, s’en rassasier, s’en griser jusqu’au bonheur le plus aigu, ou jusqu’à la détresse la plus douloureuse.

Pierre et Jean

Son quatrième roman (1888)

Maupassant nous fait visiter Le Havre et ses environs. Il nous relate l’histoire de la famille Roland, mari, femme et deux fils. La visite surprise du notaire va bouleverser leur existence.

L’humour est absent dans ce roman sombre, oppressant et triste. Les descriptions sont magnifiques.

Maupassant greffe les sujets de réflexion sur une histoire de jalousie entre deux frères aux caractères opposés. Il aborde deux thèmes récurrents dans son œuvre : l’identité du père et la menace des pulsions qui prennent le pas sur la raison et risquent de mener à la folie. Il brosse des portraits d’hommes primaires et de femmes sensibles et réfléchies. Dans ce roman, il est aussi question du mauvais assortiment des couples, de l’érosion de l’amour, de qui a le droit de juger, du pardon, de la crainte du qu’en dira-t-on et de la perte de l’honorabilité, des mauvaises langues capables de colporter le pire, vrai ou faux.

Maupassant pose enfin la question ultime : jusqu’où sacrifier sa vie et renoncer au plaisir et à l’épanouissement personnel au nom du devoir et des convenances qui broient tout espoir de lumière et de bonheur ?

Le plus court des six romans de Maupassant.

Extraits

Le désir du mariage l’effleura. On n’est pas si perdu, n’étant plus seul. On entend au moins remuer quelqu’un près de soi aux heures de trouble et d’incertitude, c’est déjà quelque chose de dire « tu » à une femme, quand on souffre.

Le baiser frappe comme la foudre, l’amour passe comme un orage, puis la vie, de nouveau, se calme comme le ciel, et recommence ainsi qu’avant. Se souvient-on d’un nuage ?

Roman

En première partie, un intéressant essai intitulé Roman. Dans la guerre des clochers que se livrent les écoles littéraires, Maupassant se place au-dessus de la mêlée et milite pour une pragmatique ouverture d’esprit. Respect, mon auteur préféré !

Extraits

Un critique devrait rechercher tout ce qui ressemble le moins aux romans déjà faits, et pousser autant que possible les jeunes gens à tenter des voies nouvelles.

Il faut être, en effet, bien fou, bien audacieux, bien outrecuidant ou bien sot, pour écrire encore aujourd’hui ! Après tant de maîtres aux natures si variées, au génie si multiple, que reste-t-il à faire qui n’ait été fait, que reste-t-il à dire qui n’ait été dit ?

Fort comme la mort

Son cinquième roman (1889)

Le peintre Olivier Bertin connaît un certain succès, notamment avec son magnifique portrait de sa maîtresse, la comtesse Anne de Guilleroy. Les années passent et le temps fait son œuvre.

Fort comme la mort est un drame saisissant. Trois thèmes prédominent : le vieillissement, la solitude et l’amour. Trois sujets chers à Maupassant.

Le vieillissement de l’homme, de la femme. Quand la chair se fane, se ride. Quand les traits s’épaississent. Quand la beauté s’estompe. Alors que l’esprit s’assagit, que les désirs et la passion ne faiblissent pas (« C’est la faute de nos cœurs qui n’ont pas vieilli. Je sens le mien si vivant ! »), le corps trahit, lui ! Maupassant, par une idée géniale dont il a le secret, plonge son héros dans un impossible retour dans le passé. Mais il faut se rendre à l’évidence : le temps qui passe ne revient pas, la fraîcheur et la beauté de la jeunesse sont éphémères.

La solitude a hanté Maupassant, comme elle hante Olivier Bertin. Une grande maison vide. Ces heures à occuper, futiles, longues, creuses, et pourtant si précieuses parce qu’elles filent pour toujours.

Et l’amour ! Thématique souvent traitée par Maupassant avec beaucoup de finesse. Dans ce roman, il y apporte un supplément de profondeur et de psychologie. L’amour sincère entre un amant et une maîtresse qui a traversé les années et les crises de jalousie subit l’épreuve du temps et des souffrances associées. La boucle est bouclée avec le premier thème.

Maupassant invoque la fatalité.

Il en résulte la grande question du sens de la vie. Une éternelle interrogation, abordée d’un point de vue différent de celui adopté dans cet autre chef-d’œuvre qu’est Une vie.

Le « On pleure parfois les illusions avec autant de tristesse que les morts. » de Une vie trouve son écho dans Fort comme la mort : « Ils pleuraient sur ces lettres, comme on pleure sur les morts parce qu’ils ne sont plus. » Dans le premier, on pleure sur ce qui ne sera pas, dans le second sur ce qui a été.

Le deuil est omniprésent dans ce roman. Deuil d’une personne chère, d’un amour passé, de la jeunesse disparue, de tendres mots échangés.

Maupassant fait se rencontrer les mondains et les artistes. Avec tout ce que les premiers ont d’hypocrite et de superficiel, mais pourtant aussi de pragmatique (le comte qui ne s’intéresse qu’à la politique et l’agriculture, la hautaine duchesse de Mortemain, les transparents Corbelle et l’encyclopédique Musadieu) et tout ce que les seconds ont de créatif, de sensible et de fragile. L’amour caché parvient à réunir les deux mondes.

Maupassant utilise la puissance de l’art pour évoquer des images fortes et attiser les sentiments : peinture, musique, littérature, opéra jouent tour à tour un rôle central dans la trame de ce drame.

Fort comme la mort alterne entre passages introspectifs, descriptions contemplatives et dialogues poignants, sur fond de prise de conscience pessimiste et désespérée de l’inéluctable.

J’en suis ressorti bouleversé.

Un chef-d’œuvre de plus de Maupassant !

Notre cœur

Son sixième roman (1890)

Pour moi, le roman le plus étrange de Maupassant et en même temps celui qui paraît le plus simple. Le plus étrange parce qu’il paraît simple mais qu’en réalité il ne l’est pas tant que ça.

Notre cœur est une histoire d’amour entre deux êtres, une histoire de passion. Au début de ma lecture, j’ai eu peur qu’il ne s’agisse que de cela, mais j’ai eu tort de douter de Maupassant. Notre cœur est une étude psychologique sur le sentiment amoureux.

De toute façon, un amour n’est jamais simple.

Maupassant nous présente deux visions diamétralement opposées d’aimer. La réplique d’un protagoniste résume bien cette différence de perception de l’amour :

— Ah ! quelle bizarre manière de comprendre l’amour et d’en parler ! Je suis pour vous quelqu’un que vous désirez, en effet, avoir souvent, sur une chaise, à votre côté. Mais pour moi vous emplissez le monde ; je n’y connais que vous, je n’y sens que vous, je n’y ai besoin que de vous.

La plume de Maupassant est toujours aussi précise, ses analyses pertinentes, ses descriptions travaillées et ses personnages fouillés. Outre la dissection des sentiments, le lecteur vit les rivalités entre ces femmes qui s’escriment à s’entourer du gratin des mondains et des artistes en vogue, à plaire et à faire parler de leur salon dans les cercles qui comptent et entre ces hommes menés par le bout du nez qui s’efforcent de séduire les belles.

Le seul point négatif de ce livre se trouve dans les (rares) passages où Maupassant s’aligne sur la vision de Schopenhauer très étriquée et erronée de la femme, qui peut le faire paraître misogyne et sexiste. Cette considération très limitée est heureusement contrebalancée par les caractères complexes des personnages féminins du roman, des femmes intelligentes, subtiles et vives d’esprit.

Cette étude réussie de la passion amoureuse interroge et peut trouver un écho dans le vécu de chacun, suivant ses propres expériences. À déguster puis à méditer.

À découvrir aussi (clic sur le titre pour en savoir davantage)

D’autres lectures
Dezso Kosztolanyi – Anna la douce
Cornelia Funke – Cycle « Coeur d’encre »

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Compte-rendu de la lecture publique du 14 juin 2024

Quelle magnifique soirée ! Quels moments magiques !

Rappel du contexte

Dans le cadre de « Strasbourg – Capitale du livre 2024 » et suite au concours de nouvelles Écrire contre la haine organisé par la LICRA, une lecture publique de 3 nouvelles a été organisée dans la librairie Au bonheur des livres le 14 juin, dont la mienne Le village disparu qui avait remporté l’édition 2023 du concours.

Merci !

Merci à l’incroyable Delphine Miesch-Kretz qui nous a transportés, émus et tenus en haleine durant la première partie de la soirée. Quel talent ! Elle a débuté par la lecture de ma nouvelle « Le village disparu ». Delphine Miesch-Kretz a donné vie à mon histoire, elle a incarné mes personnages. Une première pour moi. Inutile de préciser que j’étais dans tous mes états et que j’avais les yeux humides. L’émotion n’est pas retombée lorsque Delphine Miesch-Kretz a joué les menuets I et II de la 1ère suite JS Bach sur son alto. Vibrant. Captivant. Touchant. Je pourrais continuer les qualificatifs dithyrambiques pour décrire la lecture de la nouvelle « Les couleurs de la liberté » d’Isabelle Warion, l’interprétation a cappella de « I wish I knew » de Nina Simone, la lecture de la nouvelle de circonstance avec les JO en approche « À mon ami Jesse » et le final à l’alto encore : les 3ème et 4ème mouvements de la sonate opus 25 numéro 1 de Paul Hindemith. Oui, Delphine Miesch-Kretz est multi-talents, à la fois lectrice, musicienne, chanteuse et reine de la programmation : ses choix musicaux étaient parfaits. Si vous avez l’occasion de l’écouter, n’hésitez pas !

Merci à l’autre Delphine qui nous a chaleureusement accueillis dans sa librairie « Au bonheur des livres » pour cet événement exceptionnel et pour le pot convivial qui a suivi la lecture.

Merci à la LICRA qui a organisé le concours « Écrire contre la haine » et co-organisé la soirée.

Merci à la ville de Strasbourg, capitale du livre 2024.

Merci à tous les participants à cette soirée mémorable, merci pour votre présence et vos échanges !

Et un merci particulier à ma fille qui a créé l’affiche de l’événement et qui s’occupe avec talent du graphisme de toutes les publications de mon compte Instagram !

Quelques photos :

Delphine Miesch-Kretz lisant Un village disparu de Claude Griesmar

Delphine Miesch-Kretz à l'alto

Librairie "Au bonheur des livres" à Strasbourg

Lecture publique Ecrire contre la haine 14 06 2024

Gaëlle Nohant – Légende d’un dormeur éveillé

(Roman / 2017)

Couverture du roman Légende d'un dormeur éveillé de Gaëlle Nohant

Vous en rêviez ? Gaëlle Nohant l’a fait ! Elle a voyagé dans le temps. Direction Paris, Montparnasse, la fin des Années folles. L’insouciance, la poésie, la fête, les nuits chaudes, la joie de vivre sans retenue, le partage des corps et des idées, la confrontation des convictions et des valeurs, le refus de l’établi, la volonté de refaire le monde, mais aussi la précarité des artistes qui ont du mal à joindre les deux bouts et les nuages qui s’amoncellent au-dessus de l’Europe. La guerre civile espagnole avec ses questions et ses victimes. Le Front populaire et ses espoirs. Puis le martèlement des bottes. L’odeur nauséabonde de la haine qui traverse les frontières. La guerre qui touche la France. L’Occupation. L’indicible aussi.

Gaëlle Nohant est généreuse. Avec ce livre, elle nous offre un compte-rendu émouvant et précis de son voyage.

Gaëlle Nohant nous gâte au-delà de nos rêves. Durant son voyage elle a suivi le parcours d’un poète, d’un héros, d’un homme de conviction, amoureux, libre dans ses décisions et dans sa tête, même aux pires moments de l’Histoire et de son histoire. Cet homme n’est autre que Robert Desnos, poète surréaliste, résistant, combattant de l’ombre et opposant à toute forme de dictature ou de servitude, amoureux de la vie.

Dans ce récit, Gaëlle Nohant navigue avec élégance et maîtrise entre l’intime du poète et la grande Histoire. Elle partage avec nous le quotidien de Robert Desnos et de l’excessive Youki. Nous vivons avec Robert et Youki, avec leurs amis, Jacques Prévert, Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud, Paul Éluard, Aragon et Cocteau, avec Theodore et Ghita Fraenkel, avec Yvonne George, avec l’intransigeant André Breton, avec Jeanson, Crevel et Artaud, avec Pablo Neruda et Federico García Lorca, avec Picasso, Man Ray et Foujita, avec André Verdet et Michel Hollard, avec des amis rencontrés dans des circonstances tragiques, avec d’abjects individus aussi, connus ou non, qui ont choisi le camp de la haine.

Merci Gaëlle Nohant pour cet hymne à l’amour, à l’amitié, à la vie et à la liberté. Une réussite totale, bouleversante, marquante.

L’auteure et son œuvre

Gaëlle Nohant est née en 1973 à Paris. Elle est notamment l’auteure de cinq romans : L’Ancre des rêves (2007), La part des flammes (2015), Légende d’un dormeur éveillé (2017), La femme révélée (2020), Le bureau d’éclaircissement des destins (2023) et du recueil de nouvelles L’homme dérouté (2010).

Mon Gaëlle Nohant ++

J’ai lu trois romans de Gaëlle Nohant. J’ai été subjugué à chacune de ces lectures.

La part des flammes

(2015)

Quand Gaëlle Nohant entreprend un projet, elle ne fait pas les choses à moitié. Elle s’y investit corps et âme. Ça se ressent à la lecture de ses romans. Elle met ses tripes dans ses livres, les vit autant que ses personnages. Le résultat est bluffant.

Elle ne laisse rien au hasard dans ses romans historiques où on sent le phénoménal et minutieux travail de documentation qui lui permet de nous offrir de passionnantes expériences de lecture, détaillées, réalistes et justes. Comme elle est aussi exigeante avec son écriture qu’avec son contenu et comme elle parvient à y insuffler autant d’émotions que d’actions, d’informations et de descriptions, ses écrits sont un vrai bonheur pour ses lecteurs.

Mai 1897. Le Tout-Paris se presse à la plus mondaine des ventes de charité. Un événement majeur pour les dames de la haute société qui s’y montrent, affichent leur générosité, se comparent les unes aux autres. Et puis, le drame. Un feu se déclare, se propage, les transforme en torches humaines. Les organisateurs sont débordés, les issues inadaptées au nombre de personnes présentes dans le bâtiment.

L’incendie du Bazar de la Charité plonge la capitale dans la stupeur et le deuil. Le nombre de victimes s’alourdit au fil de la fouille des décombres. L’identification sera éprouvante pour les familles. Des corps sont méconnaissables.

La part des flammes suit le destin de trois femmes : Sophie d’Alençon, la soeur de Sissi, qui consacre de son temps et de son argent aux tuberculeux, Violaine de Raezal, une comtesse persona non grata dans son milieu depuis qu’elle est jeune veuve et Constance d’Estingel, une jeune femme de bonne famille qui peine à trouver sa voie entre sentiments et foi. Trois femmes courageuses qui se battent dans un monde dominé par les hommes, les lois et la religion. Gaëlle Nohant pointe du doigt la condition déplorable de la femme en France il y a une grosse centaine d’années à peine.

Ce formidable récit romanesque m’a fait voyager dans le temps. J’avais l’impression d’évoluer en 1897. La restitution de l’époque et le travail sur les personnages imparfaits sont remarquables.

Captivant !

Le bureau d’éclaircissement des destins

(2023)

A chaque lecture d’un roman de Gaëlle Nohant, je ressens l’exigence de l’excellence de l’auteure. Tout est en place, l’histoire, les personnages, chaque phrase, chaque mot. Tout est juste. La rigueur historique, la construction du récit, l’écriture. Je ressens une alchimie entre Gaëlle Nohant et ses écrits. Une plume, une voix, un besoin de crier la vie de ses héros connus ou non à la face du monde. Un peu comme Jacques Brel ou Jean Ferrat dans certaines chansons. Des condensés d’émotion pure. Gaëlle Nohant parvient à réaliser cet exercice périlleux sur l’intégralité de ses romans. Pas une mince affaire. Le bureau d’éclaircissement des destins ne déroge pas à la règle.

Dans ce livre, Gaëlle Nohant rend un extraordinaire hommage aux « effacés » des camps de la mort disparus sans laisser de traces, aux familles déchirées par les assassins et leur implacable programme d’aryennisation qui passait notamment par le Lebensborn, aux survivants qui n’ont jamais réussi à quitter complètement les Lager nazis, aux femmes et aux mères prises dans les griffes de tortionnaires inhumains, à toutes ces victimes innocentes et anonymes.

Gaëlle Nohant met aussi en lumière le formidable travail de l’International Tracing Service et de tous les archivistes qui cherchent, compilent, conservent, essayent de comprendre et de recoller les morceaux, se battent pour la vérité, aident les victimes à se reconstruire par leur travail méticuleux et leur disponibilité lorsque leur domaine s’y prête. Avec patience, persévérance et obstination. Dans l’ombre. Envers et contre tout.

Les titres des chapitres sont des prénoms. Ou comment rendre leur identité aux oubliés et retisser des liens coupés. Beau.

Le bureau d’éclaircissement des destins est un livre authentique, généreux, précis, indispensable.

Extraits

Je ne suis jamais rentrée du camp. J’y suis toujours.

Ce qui est affreux avec les enfants, c’est qu’on ne peut pas les protéger.

Nous étions des morts en sursis.

Chaque nuit, je l’entends. Elle hurle en moi.

À découvrir aussi (clic sur le titre pour en savoir davantage)

D’autres lectures
Alice Zeniter – L’art de perdre
Val McDermid – Série « Tony Hill et Carol Jordan »

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Strasbourg, lecture publique le 14/06/2024

Strasbourg, capitale mondiale du livre 2024

Lecture publique Ecrire contre la haine 14 06 2024

Dans ce cadre aura lieu une lecture publique le 14 juin à 19 heures à la librairie Au bonheur des livres, 11 rue du Général Castelnau.

Au programme :

Le village disparu, ma nouvelle qui a remporté le Prix Bernard Lecache 2023 attribué à l’issue du concours Écrire contre la haine organisé par la LICRA.

Et deux autres nouvelles primées et éditées dans le recueil Écrire contre la haine : Les couleurs de la liberté, d’Isabelle Warion, et À mon ami Jesse, de Vincent Di Serio.

En bonus, des intermèdes musicaux offerts par la lectrice Delphine Miesch-Kretz.

Venez nombreux, je vous y attends !

Numéro 6 : premier avis

J’ai deux bonnes nouvelles à partager avec vous aujourd’hui.

Je travaille depuis de longs mois sur mon sixième livre, un roman. J’ai terminé l’écriture du premier jet, j’ai laissé reposer et j’ai attaqué l’étape de relecture qui me permet de corriger et d’améliorer.

Un premier grand bonheur : j’ai achevé mon ultime relecture de ce numéro 6, celle qui a mis un terme à cette fastidieuse mais indispensable étape de relecture.

C’est un moment magique de se dire «Ça y est, c’est fini ! ». Mais ce n’est que la fin d’une étape en réalité et à ce stade, je suis le seul à avoir lu ne serait-ce qu’une ligne de mon roman. Celles et ceux qui ont lu mes livres savent qu’ils sont parfois atypiques. À la fin de cette étape et jusqu’à être rassuré par un premier regard externe, les questions pernicieuses reviennent me hanter : « Mais qu’est-ce que ça vaut ? Quelqu’un va-t-il prendre plaisir à lire ÇA ? ».

J’ai donc envoyé un courriel avec mon roman en copie à ma première relectrice qui est aussi ma première correctrice, lui demandant de le lire dans un premier temps pour « en profiter » (!) et me dire si c’était éditable, les corrections n’étant absolument pas urgentes.

Il y a eu un échange de messages le lendemain matin (pas avares en smileys 😉 ) :

Elle :
Ah, je ne te félicite pas de me l’avoir envoyé le soir et je ne me félicite pas non plus de l’avoir découvert après minuit et d’avoir voulu en lire « un peu » avant d’aller me coucher !
😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀 😀

Moi :
😀 😀 😀 😀
T’as été loin ?!?

Elle :
Je l’ai terminé !

Moi :
😳
Alors ? 😮 😮 😮 😮

Elle :
A ton avis ? Pour que je le finisse d’une traite ?!

Moi :
Alors, tu valides ?

Elle :
Et comment ! C’est excellent !!!
Ça fonctionne sacrément bien !

Moi :
MERCI !!!!!! 😀 🙂 😀 🙂 😀

Comme vous l’imaginez, cet avis constitue un énorme deuxième bonheur et compense largement les questionnements et les phrases réécrites et retournées dans tous les sens lors de l’étape de relecture !

Le processus suit son cours. Je publierai ce numéro 6 cet automne, début novembre certainement. J’espère qu’il suscitera autant d’enthousiasme auprès de vous qu’il en a suscité auprès de ma première lectrice !