Gillian Flynn – Les lieux sombres

(Thriller / 2009 / Dark places)

Couverture du roman Les lieux sombres de Gillian Flynn

Quatrième de couverture

Début des années 1980. Libby Day a sept ans lorsque sa mère et ses deux sœurs sont assassinées dans la ferme familiale. La petite fille, qui a échappé au massacre, désigne le meurtrier à la police, son frère Ben, âgé de quinze ans. Vingt-cinq ans plus tard, alors que son frère est toujours derrière les barreaux, Libby souffre de dépression chronique. Encouragée par une association, elle accepte de retourner pour la première fois sur les lieux du drame. Et c’est là, dans un Middle West dévasté par la crise économique, qu’une vérité inimaginable commence à émerger…

Commentaire

Mon premier Gillian Flynn. Et ce « Les lieux sombres » a été une excellente surprise !

Tout est bon dans ce roman sombre, très sombre.

Le contexte tout d’abord. Gillian Flynn nous dépeint avec minutie une crise sociale dans une Amérique très éloignée de l’American dream et de ses success stories. Elle nous plonge au cœur de la misère rurale, violente, dans un monde où les dettes étouffent ceux qui s’escriment à garder la tête hors de l’eau.

L’écriture. Dans un style fluide et précis, le roman navigue entre passé et présent, entre différents points de vue, offrant un rythme haletant et prenant. S’ajoute à cet exercice de style particulièrement réussi, un ton général comportant une certaine dose d’humour constamment mise à mal par la sinistrose et la détresse ambiantes. Du grand art.

Les personnages ensuite, complexes, fouillés, torturés. Gillian Flynn les met à nu, avec leurs forces et leurs faiblesses, avec leur envie de s’en sortir et leurs bassesses. Elle parvient à les rendre attachants malgré leurs défauts. Le meilleur exemple est l’héroïne, Libby Day. Voleuse, menteuse, paresseuse, convaincue que tout lui est dû suite à son expérience traumatisante, elle n’a au début du roman rien pour plaire. Et pourtant, on comprend qu’elle n’est pas aussi superficielle qu’il n’y paraît, on finit par l’apprécier, par souhaiter qu’elle s’en sorte. Elle réussit à nous toucher.

Le scénario est diabolique, l’intrigue habilement menée, les rebondissements palpitants, les révélations distillées au compte-goutte, le suspense permanent. À chaque page, je n’avais qu’une hâte : connaître la suite, sachant en même temps pertinemment que je regretterais d’atteindre la fin du livre, tellement je prenais plaisir à le lire.

Passionnant. Jubilatoire.

L’auteure et son œuvre

Gillian Flynn est née en 1971 à Kansas City, dans le Missouri.

Journaliste, scénariste et romancière, elle a écrit à ce jour trois romans et une nouvelle.

Son premier roman a fait l’objet d’une mini-série. Les deux suivants ont été adaptés au cinéma.

Gillian Flynn ne fait pas dans la quantité, mais la qualité est incontestablement au rendez-vous dans chacune de ses œuvres. Ses personnages sont touffus, travaillés, jamais parfaits, loin de là. Ses intrigues sont finement élaborées et truffées de surprises. L’atmosphère de ses romans suinte le mal-être, l’imperfection, mais l’espoir aussi dans la galère ambiante.

Je conseille vivement cette romancière aux amateurs du genre.

Mon Gillian Flynn ++

J’ai lu et énormément apprécié les 2 autres romans de cette auteure.

Les apparences

(2012 / Gone girl)

Missouri. Amy et Nick forment un couple modèle, en apparence du moins. Un jour Amy disparaît, leur maison est saccagée, des traces de sang laissent imaginer le pire. Nick devient très vite le suspect idéal.

Gros succès international, « Les apparences » m’a presqu’autant plu que « Les lieux sombres ». La découverte de la romancière et de son style en moins. Du thriller haut de gamme. Machiavélique et étonnant à souhait. Exceptionnel, tout simplement.

Sur ma peau

(2006 / Sharp objects)

La ville de Wind Gap dans le Missouri est sous le choc : une petite fille a disparu. Déjà l’été dernier, une enfant avait été sauvagement assassinée… Une jeune journaliste, Camille Preak, se rend sur place pour couvrir l’affaire. Elle-même a grandi à Wind Gap. Mais pour Camille, retourner à Wind Gap, c’est réveiller de douloureux souvenirs. (début de la quatrième de couverture)

Le premier thriller de Gillian Flynn. Et comme les autres : époustouflant !

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Arnaldur Indridason – Série « Erlendur »

(Policier / 1997-…)

Couverture du roman Les fils de la poussière d'Arnaldur Indridason (série Erlendur)

Série de romans policiers présentant des enquêtes menées en Islande par le commissaire Erlendur Sveinsson et ses équipiers Elinborg et Sigurdur Oli. Parallèlement à ces investigations, la vie personnelle du trio est dévoilée peu à peu. Le tourmenté Erlendur, marqué par une tragédie dans son enfance, mène une existence solitaire. Il est en mauvais termes avec son ex-femme qu’il évite autant que possible depuis leur rupture et entretient des rapports compliqués avec ses deux grands enfants, Eva Lind et Sindri Snaer. Elinborg, cuisinière hors pair, est mariée et mère de famille. Sigurdur Oli s’efforce de stabiliser sa relation avec Bergthora.

Commentaire

Attention dépaysement ! Bonjour l’Islande ! Nous sommes loin des romans policiers américains ou de nos proches contrées européennes. Ici, pas de guerres entre mafias, pas de courses-poursuites en voiture à tombeau ouvert, pas d’échanges de tirs assourdissants entre gangsters et forces de l’ordre. Erlendur et ses équipiers ne sont même pas armés. Les crimes restent sordides : une femme pendue dans son chalet, un Père Noël retrouvé mort dans la cave d’un hôtel de luxe, un enfant poignardé au pied de son immeuble, un homme retrouvé attaché au fond d’un lac qui s’est vidé. Et puis il y a des disparitions non élucidées, récentes ou plus anciennes.

L’atmosphère de cette série est sombre, hantée, entre présent et passé, et pourtant aussi pleine de poésie, de sensibilité et d’espoir.

Indridason s’intéresse aux victimes, aux coupables, mais aussi aux conséquences des drames sur l’entourage des uns et des autres. Il décrypte la succession d’événements qui ont mené aux désastres, les hasards à mettre sur le dos de la malchance, les causes profondes liées aux mauvais côtés de la nature humaine. Ou alors il conclut à l’impossibilité de découvrir certaines vérités. Il dépeint des violences conjugales, des blessures non cicatrisées, le désespoir de personnes ordinaires, la cupidité, le mal-être, les banlieues chics et les bas-fonds alcoolisés de Reykjavik. Il fouille dans le passé de l’île, déterre des catastrophes oubliées, décrit les effets du temps sur les survivants. C’est d’ailleurs une des thématiques les plus importantes de la série : le temps et son action sur la vie des gens.

À consommer sans modération.

Extraits de « Étranges rivages »

En règle générale, il se mettait en route tôt le matin et marchait jusqu’au soir, mais il arrivait aussi qu’il passe la nuit sur un tapis de mousse, seul avec les oiseaux. Il aimait s’allonger sur le dos, la tête posée sur son sac, les yeux levés vers les étoiles en méditant sur ces théories qui affirmaient que le monde et l’univers étaient encore en expansion. Il appréciait de regarder le ciel nocturne et son océan d’étoiles en pensant à ces échelles de grandeur qui dépassaient l’entendement. Cela reposait l’esprit et lui procurait un apaisement passager de pouvoir réfléchir à l’infiniment grand, au grand dessein. (p.101)

Je me demande d’ailleurs qui pourrait bien s’intéresser à des histoires concernant de simples gens que tout le monde a oubliés. (p.109)

C’est comme ça. C’est la vie. Ce genre de chose arrive. […] Tout le monde a un passé. (p.130)

C’est à eux que va ma compassion. Ce sont eux qui doivent affronter l’événement et s’en accommoder. Ils doivent faire face au deuil et la douleur de l’absence les accompagne jusqu’à la fin de leur vie. Ce sont ceux qui restent auxquels je m’intéresse le plus. (p.155)

C’est tellement peu, ce qu’on peut faire. (p.156)

Bientôt, cette histoire, le destin de ces gens, leurs vies emplies de deuils et de victoires, sombreraient dans l’oubli. (p.156)

Vous êtes l’homme le plus buté que j’ai rencontré durant ma longue existence. (p.305)

Romans de la série

À ce jour, cette série est composée de 14 romans. À noter qu’en France, les deux premiers romans de la série n’ont été publiés qu’après le quatorzième. Les lecteurs francophones ont donc découvert Erlendur dans « La cité des jarres », en 2005.

A noter également que « Le duel », « Les nuits de Reykjavik » et « Le lagon noir » sont chronologiquement les trois premières aventures d’Erlendur.

Les fils de la poussière (1997 / Synir duftsins)
Les roses de la nuit (1998 / Dauðarósir)
La cité des jarres (2000 / Mýrin)
La femme en vert (2001 / Grafarþögn)
La voix (2002 / Röddin)
L’homme du lac (2004 / Kleifarvatn)
Hiver arctique (2005 / Vetrarborgin)
Hypothermie (2007 / Harðskafi)
La rivière noire (2008 / Myrká)
La muraille de lave (2009 / Svörtuloft)
Étranges rivages (2010 / Furðustrandir)
Le duel (2011 / Einvígið)
Les nuits de Reykjavik (2012 / Reykjavíkurnætur)
Le lagon noir (2014 / Kamp Knox)

L’auteur et son œuvre

Arnaldur Indridason est né le 28 janvier 1961 à Reykjavik où il vit. Ses livres sont publiés dans plus de vingt-cinq pays. Avant d’être un écrivain à succès, Arnaldur Indridason a obtenu un diplôme en histoire, puis a travaillé en tant que journaliste, scénariste indépendant et critique de films. Il est marié et père de trois enfants.

Indridason a écrit 25 romans à ce jour : 14 dans la série « Erlendur », 3 dans la « Trilogie des ombres », 4 dans une nouvelle série de polars, la série « Konrad », débutée en 2017 et 4 romans indépendants.

Le style d’Indridason est tout en finesse. Les personnages de ses romans sont fouillés, les histoires prenantes et les intrigues déroulées avec subtilité. Indridason est l’écrivain nordique de romans policiers le plus talentueux que j’ai lu. Incontournable pour les amateurs du genre.

Mon Arnaldur Indridason ++

Je n’ai lu qu’un roman d’Indridason en-dehors de la série « Erlendur ». Et je l’ai adoré :

Betty

(2003 / Bettý)

Une histoire basée sur le classique trio amoureux. Du fond de sa cellule, le personnage principal raconte sa rencontre avec Betty, leur amour, le drame, comment il a été accusé, pourquoi sa culpabilité n’a fait aucun doute. Et pourtant.

Une autre manière de décrire ce roman pourrait être celle-ci :

Si je vous dis « Arnaldur Indridason », vous me répondez sans doute « Erlendur ». J’acquiesce, « Excellent choix… ». Vous souriez. Et je termine : « …mais encore ? ». Des rictus se figent. Les mieux renseignés tentent un timide « Opération Napoléon » mais baissent les yeux devant mon air narquois. Je lâche « Betty ». Vous souriez, soulagé. « Mais Betty, c’est Tiffany McDaniel ». Je secoue la tête. « Je ne parle pas de Betty, mais de Betty ». Incompréhension. « Avec un accent sur le y ». J’apprécie le regard entendu des rares qui savent et la perplexité absolue des autres. J’explique. « Betty. Un roman noir. Aussi sombre, aussi consistant, aussi surprenant, aussi savoureux, aussi goûtu, aussi explosif que la première gorgée d’une Pannepot Special Reserva tempérée par une nuit glaciale dans une cabane perdue au fond d’une forêt du grand nord, tandis que les hurlements des loups à l’extérieur donnent l’impression d’une réincarnation de Lemmy braillant « Killed by death » à la lune sanglante. »

Du très bon.

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Fred Vargas – Série « Adamsberg »

(Policier / 1991 – …)

Couverture du roman L'homme aux cercles bleus de Fred Vargas (série Adamsberg)

Série de romans policiers made in France. Le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg est à la tête des enquêteurs de la Brigade Criminelle du 13e arrondissement. Il est secondé par Adrien Danglard, un adjoint porté sur la bouteille. Chaque membre de l’équipe a sa particularité. Violette Retancourt est une force de la nature. Louis Veyrenc, un poète, s’exprime parfois en alexandrins. Froissy est obsédée par la nourriture. Et les autres. Sans oublier La Boule, le chat de leur commissariat parisien.

Tout oppose Adamsberg et Danglard. Le premier, rêveur, désorganisé, imprévisible, incapable de se concentrer sur des raisonnements complexes, fonctionne à l’instinct. Il obtient cependant des résultats spectaculaires. Ce qui interloque le second. Celui-ci, logique et cartésien, possède un savoir encyclopédique. Il ne jure que par les faits et le bon sens, ne conçoit les enquêtes que par des investigations méthodiques et réfléchies. La vie sentimentale d’Adamsberg est compliquée. Danglard est divorcé et père de cinq enfants qu’il élève seul.

Si certaines affaires sont localisées à Paris, d’autres nécessitent des déplacements des enquêteurs dans la France profonde, en Angleterre, en Serbie ou en Islande. Un stage envoie même une partie de l’équipe au Canada.

Commentaire

Les intrigues de cette série paraissent de prime abord extravagantes, loufoques, saugrenues, étranges, abracadabrantes. Et en même temps, elles attisent la curiosité. De la perplexité, le lecteur passe à l’envie de connaître le fin mot de l’histoire, happé par le style envoûtant de Fred Vargas et par ses personnages atypiques. La fragilité de ces derniers, leurs défauts, leurs relations empreintes d’empathie maladroite les rend extrêmement attachants.

À tester si vous n’y avez jamais goûté !

La série « Adamsberg »

À ce jour, cette série est composée de dix romans et d’un recueil de nouvelles.

L’homme aux cercles bleus (1991)
L’homme à l’envers (1999)
Pars vite et reviens tard (2001)
Coule la Seine (2002) (recueil de trois nouvelles)
Sous les vents de Neptune (2004)
Dans les bois éternels (2006)
Un lieu incertain (2008)
L’armée furieuse (2011)
Temps glaciaires (2015)
Quand sort la recluse (2017)
Sur la dalle (2023)

L’auteure et son œuvre

Fred Vargas est née le 7 juin 1957 à Paris. Elle a obtenu un doctorat en histoire et a fait de la recherche au CNRS dans ce domaine.

Elle a écrit à ce jour seize romans, un recueil de nouvelles et plusieurs essais, dont « L’humanité en péril », qui met en garde contre de potentielles catastrophes écologiques et notamment la disparition d’espèces menacées d’extinction. Plusieurs de ses romans ont été portés sur petit ou grand écran.

Dans ses deux séries phares, « Adamsberg » et « Les Évangélistes », Fred Vargas a réussi à se créer un style d’écriture propre, un univers bien à elle. Le rythme est feutré. Les personnages sont finement ciselés et affublés de travers charmants ou effrayants. Les dialogues chirurgicalement travaillés naviguent entre exagérément absurdes et simplement géniaux. Des intrigues secondaires parasitent les investigations et prennent parfois le pas sur l’enquête principale. L’ensemble est saupoudré d’une bonne dose d’humour, de légendes étonnantes et de pages d’Histoire que maîtrise bien Fred Vargas. De ces imbroglios et des efforts fournis pour résoudre les crimes et d’autres problèmes divers et variés, par des personnages si différents les uns des autres tout en étant tous imparfaits mais cependant non dénués d’une sensibilité certaine, naissent de poétiques messages de tolérance. Un régal pour qui apprécie ce mélange détonant et délicieux !

Mon Fred Vargas ++

J’aime beaucoup la série « Adamsberg » et tout autant la série « Les Évangélistes ». Cette dernière met en scène trois amis Mathias Delamarre, Marc Vandoosler et Lucien Devernois, respectivement spécialistes de la Préhistoire, du Moyen Âge et de la Première Guerre mondiale. Ils habitent ensemble, dans une vieille maison, avec Armand Vandoosler, ancien flic et oncle de Marc. Et ils résolvent accessoirement des enquêtes.

Les personnages des deux séries se croisent ou sont parfois mentionnés dans l’autre série. Une grande famille donc.

J’attends depuis un temps certain (et je ne suis sans doute pas le seul), le quatrième roman consacré aux Évangélistes. Viendra-t-il un jour ? Seule Fred Vargas connaît la réponse.

Les romans de la série « Les Évangélistes »

Debout les morts (1995)
Un peu plus loin sur la droite (1996)
Sans feu ni lieu (1997)

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Isaac Asimov – Les cavernes d’acier

(Roman – Science-fiction / 1954 / The caves of steel)

Couverture du roman Les cavernes d'acier d'Isaac Asimov

Dans quelques millénaires. L’humanité est divisée en deux après une guerre entre la Terre et les Mondes Spaciens, peuplés de descendants de colons terriens. D’un côté les vaincus, les milliards de Terriens étouffant sous des dômes gigantesques, dans des villes souterraines bruyantes et surpeuplées. De l’autre côté, les vainqueurs Spaciens, vivant confortablement sur une cinquantaine de mondes, entourés d’une multitude de robots à leur service. Les Spaciens contrôlent leurs naissances et voient leur durée de vie se rallonger. Leurs préoccupations sont très éloignées de celles des Terriens prisonniers de leur fourmilière géante.

À l’issue de la guerre, les Spaciens ont placé la Terre en quarantaine, pour une durée indéterminée. Les Terriens les détestent, eux et plus encore leurs robots, menaces pour leurs emplois et leur mode de vie. Les deux camps ne se rencontrent physiquement qu’occasionnellement, dans une petite enclave sur Terre réservée aux Spaciens. C’est là qu’un Spacien est tué. Un Terrien serait coupable ?

Ce crime ravive les tensions entre la planète mère et les Mondes Spaciens. L’enquête est confiée à l’inspecteur Elijah Baley, un Terrien, à qui on associe R. Daneel Olivaw, un robot humanoïde ultrasophistiqué.

Le temps presse pour Baley s’il veut éviter que la crise ne dégénère en conflit.

Commentaire

« Les cavernes d’acier » est un roman que j’affectionne particulièrement. Pour plusieurs raisons.

D’une, il est excellent. Je l’ai lu au moins trois fois. Il ne brille pas particulièrement par la subtilité de l’enquête, mais par la richesse du futur imaginé par Asimov. La confrontation entre les philosophies de vie des Terriens et des Spaciens est parfaitement décrite. La haine des robots également, cette haine de l’autre qui est différent. Les personnages sont attachants, comme souvent chez Asimov. L’idée de mélanger les genres (policier / science-fiction) est réussie. Le style fluide, sans fioritures. Et l’humour particulier d’Asimov bien présent. Un régal.

De deux, « Les cavernes d’acier » est le premier roman de science-fiction que j’ai lu (hormis des Jules Verne et des bibliothèques vertes). C’est mon professeur de français qui me l’a conseillé à l’époque, au collège. M. Jacoutot nous a alors expliqué que nous aurions l’occasion de découvrir de nombreux auteurs classiques au collège et au lycée, mais qu’il existait d’autres lectures très recommandables comme ce roman et aussi, de mémoire, « Les enfants d’Icare » (Childhood’s end) d’Arthur C. Clarke, « Les plus qu’humains » (More than human) de Theodore Sturgeon, « A la poursuite des Slans » (Slan) d’Alfred E. Van Vogt. Une véritable mine d’or pour moi à l’époque, qui m’a permis d’enchaîner avec de nombreux autres auteurs de science-fiction. Merci M. Jacoutot !

De trois, c’est un classique de la science-fiction. « Les cavernes d’acier » s’intègre dans la grande histoire du futur imaginée par Isaac Asimov, mais se lit aussi très bien indépendamment des autres œuvres la constituant. C’est une très bonne porte d’entrée dans le monde d’Asimov.

L’auteur et son œuvre

Isaac Asimov est né le 2 janvier 1920 à Petrovitchi, en Russie, et mort le 6 avril 1992 à New York. Arrivé aux États-Unis avec sa famille en 1923, il est naturalisé américain en 1928. Diplômé en chimie et en biochimie, il enseigne à l’Université de Boston jusqu’à se consacrer entièrement à l’écriture.

Écrivain prolixe et éclectique, Asimov a écrit plus de 300 livres. La postérité retiendra son apport majeur à la science-fiction, mais Asimov est également l’auteur de nombreux ouvrages de vulgarisation scientifique et non scientifique sur des sujets divers et variés comme la Bible ou Shakespeare. On lui doit aussi des policiers et de la littérature pour la jeunesse.

Isaac Asimov est connu pour avoir eu un ego un peu surdimensionné, mais également beaucoup d’humour et suffisamment de lucidité pour savoir en jouer et s’en amuser.

Il détestait voyager. Son imagination fertile lui envoyait des images funestes. L’avion était proscrit. C’est ainsi qu’il a traversé l’Atlantique plusieurs fois en bateau, sur le « France » puis sur le « Queen Elizabeth 2 ». Il a également effectué le trajet New York – Californie en train, en quatre jours. Ces déplacements avaient deux raisons d’être : faire plaisir à sa femme et se rendre à des conférences. Il aimait rester chez lui et s’adonner à son activité favorite : écrire.

Isaac Asimov est considéré comme un des trois grands écrivains de l’âge d’or de la science-fiction, avec Arthur C. Clarke et Robert Heinlein. Le plus grand peut-être.

L’Histoire du futur

L’œuvre principale d’Isaac Asimov est appelée communément l’Histoire du futur. Elle regroupe des cycles et des récits qu’Asimov avait écrits séparément à l’origine et qu’il a réussi à relier entre eux par la suite en ajoutant des romans complémentaires servant de transitions et de passerelles entre les différentes époques.

Chronologiquement (au niveau de l’action, pas de l’écriture), l’Histoire du futur peut se décliner ainsi :

Cycle des robots
  1. Les robots (1950 / I, robot) – recueil de nouvelles.
  2. Un défilé de robots (1964 / The rest of the robots) – recueil de nouvelles.
  3. Le robot qui rêvait (1986 / Robot dreams) – nouvelle issue du recueil du même nom (a inspiré le scénario du film « I robot »).
  4. L’homme bicentenaire (1976 / The bicentennial man) – nouvelle issue du recueil du même nom.
Hors cycle
  1. La mère des mondes (1949 / Mother Earth) – nouvelle issue du recueil du même nom.
Cycle Elijah Baley
  1. Les cavernes d’acier (1954 / The caves of steel) – roman.
  2. Face aux feux du soleil (1956 / The naked sun) – roman.
  3. Les robots de l’aube (1983 / Robots of dawn) – roman.
  4. Les robots et l’Empire (1985 / Robots and Empire) – roman.
Cycle de l’Empire
  1. Tyrann (autre titre : Poussières d’étoiles) (1951 / The stars like dust) – roman.
  2. Les courants de l’espace (1952 / The currents of space) – roman.
  3. Cailloux dans le ciel (1950 / Pebble in the sky) – roman.
Cycle de Fondation
  1. Prélude à Fondation (1988 / Prelude to Foundation) – roman.
  2. L’aube de Fondation (1993 / Forward the Foundation) – roman.
  3. Fondation (1951 / Foundation) – roman composé de 5 récits.
  4. Fondation et Empire (1952 / Foundation and Empire) – roman composé de 3 récits.
  5. Seconde fondation (1953 / Second Foundation) – roman composé de 2 récits.
  6. Fondation foudroyée (1982 / Foundation’s edge) – roman.
  7. Terre et Fondation (1986 / Foundation and Earth) – roman.

Les nouvelles 3/4/5 ne sont pas forcément citées dans l’Histoire du futur. J’estime qu’elles y ont toute leur place.

La trilogie 15/16/17 composait à l’origine une des trilogies les plus célèbres de la science-fiction, avant d’être complétée au fur et à mesure par le plébiscité et inattendu 18 et par les trois autres romans 13/14/19.

Asimov nous a laissé de nombreux autres récits de science-fiction, ne concernant pas l’Histoire du futur.

Deux thèmes principaux émergent de l’œuvre d’Asimov : les robots et la psychohistoire.

Les robots

Isaac Asimov a inventé :

Les trois lois de la robotique

Première Loi : « Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger. »

Deuxième Loi : « Un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres sont en contradiction avec la Première Loi. »

Troisième Loi : « Un robot doit protéger son existence dans la mesure où cette protection n’entre pas en contradiction avec la Première ou la Deuxième Loi. »

Ces lois immuables implantées dans les cerveaux positroniques des robots rendaient ceux-ci inoffensifs et rassuraient les humains craignant que ces machines ne deviennent hostiles et incontrôlables.

Une Loi 0 est ajoutée dans les « Robots et l’Empire », prévalant sur la Première Loi.

La psychohistoire

… est une science fictive dont le but est de prévoir l’Histoire à partir des connaissances sur la psychologie humaine et les phénomènes sociaux en appliquant une analyse statistique à l’image de la physique statistique.

Science fiable lorsqu’elle est appliquée à un nombre important d’individus, elle n’a aucun sens sur des individus isolés.

La psychohistoire a été inventée par l’écrivain Nat Schachner dans la nouvelle « L’arme suprême ». Asimov a repris et développé le concept pour son cycle le plus ambitieux : « Fondation ».

Mon Isaac Asimov ++

Je n’ai pas lu tout Asimov. Par contre, j’ai lu la plupart de ses ouvrages de science-fiction traduits en français. Et je me suis régalé. Voici des titres qui m’ont particulièrement marqué.

Moi, Asimov

(1994 / I Asimov)

Commençons par la fin. Son dernier livre. Une autobiographie réussie. Asimov se raconte dans son style habituel, sans filtre, avec humour. Le lecteur y découvre un personnage qui avait une haute estime de lui, certes, mais aussi un homme profondément humain. Un bon moment de lecture.

Azazel

(1988)

Un recueil de nouvelles qui dénote dans la bibliographie d’Asimov. Les nouvelles mettent en scène Isaac Asimov lui-même et George, un grippe-sou que l’écrivain a rencontré lors d’une convention de science-fiction. George se fait payer des repas par Asimov en échange d’histoires contant les dernières aventures d’Azazel, un démon maladroit et imbu de lui-même. Au départ de chaque récit, Azazel essaye d’aider quelqu’un. Malheureusement, le résultat tourne régulièrement à la catastrophe. Désopilant.

Un autre recueil compile d’autres aventures de ce trio infernal : Légende (1996 / Magic).

Et puis, il y a évidemment les chefs-d’œuvre constituant l’Histoire du futur.

Robots / Un défilé de robots

Dans ces recueils de nouvelles, le lecteur fait la connaissance de Susan Calvin, robopsychologue en chef d’US Robotics Inc. Cette entreprise a développé les cerveaux positroniques des robots incluant les trois lois de la robotique. Elle est devenue le principal constructeur de robots. Susan Calvin consacre sa vie à la recherche et à l’amélioration des robots. Elle est parfois confrontée à des réactions de robots non prévues. Charge à elle de résoudre les problèmes qui en découlent.

Ces nouvelles présentent également les avancées des premiers voyages dans l’espace.

L’homme bicentenaire

L’histoire émouvante d’un robot qui souhaitait acheter sa liberté.

Cycle Elijah Baley : Face aux feux du soleil

Un meurtre est commis sur une Monde Spacien où les relations physiques entre humains sont rarissimes. Une nouvelle enquête confiée à Elijah Baley et R. Daneel Olivaw.

Les derniers volets de ce cycle, « Les robots de l’aube » et « Les robots et l’Empire », sont également très recommandables.

Cycle Fondation

Plusieurs millénaires d’Histoire du futur sous l’égide de la psychohistoire et de Fondations successives. Magnifique.

Hari Seldon est un des grands bonhommes de ce cycle. Ce mathématicien a inventé la psychohistoire et, grâce aux prédictions de cette science, a mis au point le Plan Seldon pour aider l’humanité à sortir au plus vite du chaos et de la barbarie après la chute du Premier Empire.

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