Edwin A. Abbott – Flatland

(Science-fiction / 1884 / Flatland: a romance of many dimensions)

Couverture du roman Flatland d'Edwin A. Abbott

Bienvenue à Flatland, un monde à deux dimensions peuplé de figures géométriques plates ! Le statut social d’un homme est déterminé par son nombre de côtés et sa régularité. Plus le polygone a de côtés, plus l’homme occupe une place de choix dans la société. Les prêtres ont une forme parfaite : un cercle. Les femmes sont des segments de droite. Les Irréguliers incurables sont éliminés.

Un jour, un Carré croise un individu prétendant venir d’une autre dimension, un Cercle qui affirme être en réalité une Sphère. Une fois convaincu de l’existence de la troisième dimension, le Carré tentera d’annoncer cette incroyable nouvelle aux autorités.

Commentaire

« Flatland » est un roman étrange au premier abord. Satire sociale dénonçant l’Angleterre victorienne, rigide et discriminatoire ? Allégorie religieuse ? « Flatland » est les deux à la fois.

Tous les habitants ont l’ambition de grimper dans la hiérarchie de ce système de castes, sauf les femmes condamnées à demeurer éternellement au bas de l’échelle sociale. Les lois de Flatland sont cruelles. Toute tentative de changement est vivement réprimée.

Sous ses airs de gentille fable, « Flatland » se révèle rapidement être une dystopie. Le traitement réservé aux femmes, au trait misogyne volontairement accentué, prête à réfléchir. Celui réservé aux Irréguliers fait froid dans le dos.

Cette œuvre originale d’une autre époque s’est transformée en classique indémodable de la science-fiction. Malheureusement toujours trop d’actualité.

L’auteur

Edwin Abbott Abbott (20 décembre 1838 – 12 octobre 1926) était un professeur et théologien anglais.

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Luca Di Fulvio – Le gang des rêves ♥

(Roman / 2008 / La gang dei sogni)

Couverture du roman Le gang des rêves de Luca Di Fulvio

Début du 20e siècle à New York. Des milliers d’Européens débarquent avec en tête le rêve américain, le « tout est possible ». Parmi eux, Cetta Luminata, 16 ans, mère d’un fils, Natale, dont le prénom est transformé à son arrivée en Christmas. Elle aussi croit en un avenir meilleur que ce que la vie lui aurait réservé sur les terres de son ancien maître en Calabre. Elle est prête à payer le prix pour y parvenir et faire en sorte que son Christmas soit un vrai Américain.

Commentaire

Attention chef d’œuvre. Une fresque prenante, bien écrite, émouvante. Des personnages attachants et complexes. Le tout ancré dans l’Histoire. La première génération d’immigrants s’accroche au rêve américain et croit pouvoir monter les marches de la réussite grâce aux vertus du travail. La deuxième génération se rend compte de la supercherie et n’hésite pas à braver la loi pour s’enrichir.

Christmas Luminata est confronté très jeune à la dure réalité de l’existence, à un monde de petites frappes, de prostituées et de grands bandits. Il n’a que son imagination et les valeurs inculquées par sa mère pour tenter d’échapper à sa condition, pour se faire des amis, pour jeter des ponts entre les classes sociales afin de conquérir son amour, pour trouver sa place dans une société dirigée par des gangs rivaux et une haute société qui méprise les pauvres, pour survivre.

Du Scorsese aux mille détails dans un livre. « Le gang des rêves » est un roman exceptionnel. Bouleversant et captivant.

Extraits

Elle regardait le garçon qui lui avait offert neuf fleurs et qui réinventerait les mathématiques pour les adapter à ses mains : et elle le détesta de tout son cœur parce qu’elle ne parvenait pas à détourner les yeux, elle n’arrivait pas à ne pas le regarder. (p.203)

« M’man… dit-il à voix basse, après de longues minutes.
– Oui ?
– Quand on devient adulte, on trouve que tout est moche ? »
Cetta ne répondit rien. Elle regardait dans le vide. Certaines questions n’appelaient pas de réponses, parce que la réponse serait aussi pénible que la question. (p.299)

 « Tu sais ce que c’est, l’amour ? fit-elle. C’est réussir à voir ce que personne d’autre ne peut voir. Et laisser voir ce que tu ne voudrais faire voir à personne d’autre. » (p.387)

 « Un fils de putain vaut autant que cent fils à papa, n’oubliez jamais ça ! » lança-t-elle d’un ton agressif. (p.654)

 L’auteur et son œuvre

Dramaturge et écrivain, Luca Di Fulvio est né le 13 mai 1957 à Rome. Six autres de ses romans sont à ce jour traduits en français :

L’empailleur (2000 / L’impagliatore)
L’échelle de Dionysos (2006 / La scala di Dioniso)
Les enfants de Venise (2013 / La ragazza che toccava il cielo)
Le soleil des rebelles (2015 / Il bambino che trovò il sole di notte)
Les prisonniers de la liberté (2018 / La figlia della libertà)
Mamma Roma (2021 / La ballata della città eterna)

L’auteur et son œuvre

Je n’ai lu que « Le gang des rêves » de cet auteur pour le moment.

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Paula Hawkins – La fille du train

(Thriller / 2015 / The girl on the train)

Couverture du roman La fille du train de Paula Hawkins

Rachel prend le train deux fois par jour, le matin pour se rendre à Londres et le soir pour retourner dans sa banlieue. Sur le trajet, le convoi s’arrête systématiquement à un endroit où elle a loisir d’observer les occupants d’une maison, leur intimité. Elle idéalise ce couple, leur invente une vie. Elle connaît de surcroît bien le quartier : elle y a habité et y a vécu des jours heureux avec Tom.

Mais les apparences sont parfois trompeuses et à force de trop surveiller les gens et s’immiscer dans leur existence, on risque de mauvaises surprises. Rachel l’apprendra à ses dépens.

Commentaire

Un excellent thriller/policier !

En partant d’une situation banale, un aller-retour quotidien en train de la banlieue à la capitale, Paula Hawkins tisse une toile pleine de suspense, riche en rebondissements, avec une analyse fine des caractères et des personnalités des protagonistes.

L’héroïne ou plutôt l’anti-héroïne de ce roman n’attire pas spontanément la sympathie du lecteur. Elle s’adonne à du voyeurisme, ment sans vergogne, et j’en passe. Paula Hawkins réussit néanmoins le tour de force de faire en sorte que le lecteur s’attache au fil des pages à ce personnage affligeant. On a envie d’aider la fille du train, de l’empêcher de s’empêtrer dans des situations vouées à l’échec, de lui hurler de réfléchir avant d’agir. On tremble avec elle. Et finalement, comme elle, on a envie de connaître le fin mot de l’histoire. Les pages défilent et on veut savoir ! Impossible de refermer le livre sereinement avant d’en arriver au bout.

Cette histoire palpitante qui n’oublie pas d’aborder des sujets sérieux (violence domestique, alcoolisme au féminin) est à classer entre « Les lieux sombres » de Gillian Flynn qui présente également une anti-héroïne de premier ordre et « Avant d’aller dormir » de SJ Watson pour le suspense.

A lire absolument pour les amateurs du genre, au risque de ne plus prendre le train de la même manière après cette expérience.

L’auteure et son œuvre

Paula Hawkins est née le 26 août 1972 en Rhodésie. Cette écrivaine britannique a grandi en Rhodésie avant de déménager à Londres à 17 ans. Après ses études, elle exerce en tant que journaliste, écrit un livre de conseils financiers pour femmes en 2006. Puis elle se consacre complètement à l’écriture. De 2008 à 2013, elle écrit cinq romans, des comédies romantiques, sous le pseudonyme d’Amy Silver (romans non traduits en français). Enfin, elle publie son premier roman sous son vrai nom en 2015, La fille du train, qui rencontre un succès considérable et est adapté à l’écran. Son deuxième roman sous son vrai nom paraît en 2017 : Au fond de l’eau (Into the water). Le troisième en 2021 : Celle qui brûle (A slow fire burning).

Mon Paula Hawkins ++

Je n’ai lu que ce roman de cette auteure pour le moment.

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Agatha Christie – La nuit qui ne finit pas
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Jean Hegland – Dans la forêt

(Anticipation / 1996 / Into the forest)

Couverture du roman Dans la forêt de Jean Hegland

Nell et Eva, dix-sept ans et dix-huit ans, vivent depuis toujours dans leur maison familiale, au cœur de la forêt. Quand la civilisation s’effondre et que leurs parents disparaissent, elles demeurent seules, bien décidées à survivre. Il leur reste, toujours présentes, leurs passions de la danse et de la lecture, mais face à l’inconnu il va falloir apprendre à grandir autrement, à se battre et à faire confiance à la forêt qui les entoure, remplie d’inépuisables richesses. (quatrième de couverture)

Commentaire

J’avais rarement l’impression de lire un roman d’anticipation au fil des pages de ce superbe « Dans la forêt ». Jean Hegland ne met pas l’accent sur la fin de notre civilisation, sur le potentiel monde post-apocalyptique qui suit la chute d’une civilisation. Elle ne s’attarde pas et ne se perd pas en détails pour expliquer en long et en large les raisons du déclin, de la pénurie d’essence, de la coupure de l’électricité, des éventuelles maladies et guerres qui séviraient dans le pays et ailleurs. L’auteure se concentre sur le destin de deux jeune filles vivant dans une maison isolée au milieu de la forêt, à une cinquantaine de kilomètres de Redwood, Californie, l’agglomération la plus proche.

Livrées à elles-mêmes, Nell et Eva s’accrochent dans un premier temps à leurs passions du monde d’avant. Nell, l’intellectuelle, s’apprêtait à postuler à la prestigieuse université d’Harvard. Elle continue de réviser de son mieux, sans Internet, en utilisant la bibliothèque familiale et en accumulant des connaissances en lisant méthodiquement une encyclopédie. Eva, l’artiste, rêvait d’une carrière de danseuse classique. Elle s’astreint à un dur entraînement quotidien, primordial pour ne pas rouiller, pour ne pas perdre souplesse et tonicité du corps.

Elles espèrent un retour à la normale. Mais elles comprennent aussi très vite que la survie nécessitera une adaptation conséquente à cette nouvelle situation, si particulière. Elles se rendent compte qu’attendre, apprendre des théories et s’entraîner ne suffira pas.

Jean Hegland nous offre un roman lucide, poétique, qui interroge sur les vraies valeurs dans ce monde. Privées de ce qui semblait acquis (Internet, l’électricité, les moyens de transport, les supermarchés, les produits d’hygiène élémentaires, …), ses héroïnes seront obligées de se recentrer sur l’essentiel : satisfaire les besoins primaires. Le lecteur suit l’évolution des mentalités de ces jeunes femmes, les prises de conscience successives, les efforts d’adaptation, la réutilisation du moindre objet dans la maison, la richesse de la forêt, les avantages à vivre en communion avec la nature, la capacité de l’humain à rebondir et à retrouver des réflexes et un savoir inné oubliés.

Un excellent roman, plaisant à lire, émouvant, captivant, qui offre de surcroît des pistes de réflexion, loin des super-héros censés sauver le monde.

Mais lorsque notre monde de surconsommation se cassera la gueule, n’aurons-nous pas trop tiré sur la corde ? N’aurons-nous pas épuisé les ressources de notre mère Nature ?

Extraits

Cet après-midi, ce qui m’a rendue triste, c’est le peu de choses qu’il reste quand une personne est partie. (p.56)

– Le livre sur le jardinage dit que les cerfs ne mangent pas les tulipes.
– J’espère que les cerfs ont lu le même livre, a-t-il répondu. (p.64)

J’ai tellement envie que quelqu’un réclame ce que je rêve de donner. (p.82)

– Merci de m’avoir aidée.
Elle a haussé les épaules.
– C’est à ça que servent les sœurs, non ? a-t-elle dit. (p.86)

 Une part de moi a envie de lui crier dessus, de la critiquer, de lui reprocher le placard vide et la route démolie et toute ma solitude. Mais une autre frémit à la pensée d’un désaccord, et cherche désespérément à s’entendre avec la seule personne qu’il lui reste. (p.177)

 La meilleure occasion, c’est quand il n’y a pas d’occasion. (p.179)

 Ma vie m’appartient. (p.194)

 Pourtant, il y a une lucidité qui nous vient parfois dans ces moments-là, quand on se surprend à regarder le monde à travers ses larmes, comme si elles servaient de lentilles pour rendre plus net ce que l’on regarde. (p.200)

 J’ai vécu dans une forêt de chênes toute ma vie, et il ne m’est jamais venu à l’idée que je pouvais manger un gland. (p.227)

 Mais j’ai appris quelque chose que l’encyclopédie ne sait pas – quand la lune est croissante on peut l’atteindre et tenir délicatement sa courbe externe dans la paume de la main droite. Quand elle est décroissante, elle remplit la paume de la main gauche. (p.258)

Mais quand j’ai franchi le seuil, elle m’est de nouveau apparue comme l’unique maison que j’avais toujours connue. Elle sentait encore l’odeur de mon enfance, elle abritait encore les fantômes de mes deux parents, les fantômes de toutes celles que j’avais été autrefois. (p.299)

L’auteure et son œuvre

Jean Hegland est née en novembre 1956 à Pullman dans l’Etat de Washington. Après avoir accumulé des petits boulots, elle devient professeur en Caroline du Nord. A vingt-cinq ans, elle se plonge dans l’écriture, influencée par ses auteurs favoris, William Shakespeare, Alice Munro et Marilynne Robinson. Son premier roman, « Dans la forêt », paraît en 1996 et rencontre un succès éblouissant. Il a été adapté au cinéma en 2015. Elle a écrit également plusieurs essais et deux autres romans, « Apaiser nos tempêtes » (2004 / Windfalls) que je n’ai pas encore lu et « Still time » (2015) non traduit en français à ce jour.

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